Santé

Ghislaine (41 ans) et Paul (67 ans) : « Il faisait passer notre chien avant tout le reste »

Ghislaine a 64 ans et Paul, son mari depuis 41 ans, en a 67. Ils ont ensemble deux enfants devenus adultes. Depuis 6 mois, ils profitent de la retraite, ensemble, à retaper une maison à la campagne. Ils rêvent tous les deux de pouvoir accueillir leurs enfants et petits-enfants pour les fêtes et les anniversaires dans une grande maison de famille. Mais il y a six ans, le couple a connu une zone de turbulences à cause de leur chien, Oscar.

Pour Ghislaine, tout est la faute d’Oscar : « Je sais que c’est stupide d’en vouloir à un chien mais je sais aussi que s’il n’avait pas été là, on n’aurait pas eu autant de soucis. Je n’ai jamais voulu un chien, je me suis laissée convaincre par Paul et par les enfants. J’avoue que ça m’a plu pendant la période où les enfants s’en occupaient. Je voyais bien que ça les rendait heureux. Ça, ça a été la meilleure partie. Mais ensemble, quand ils ont quitté la maison, on s’est retrouvé tout seuls avec le chien et c’est là que Paul a fait n’importe quoi. »

Une place trop importante

Ghislaine est en effet, peu à peu, mise à l’écart dans son propre lit : « Un hiver, Paul s’est convaincu que le chien avait froid. Il l’a autorisé à se coucher avec nous dans le lit. Je ne voulais pas mais le chien se mettait entre nous. Et pendant la nuit, Paul et lui me poussaient sur le bord. J’ai fini par aller dormir sur le canapé plus d’une fois. La journée, Paul ne parlait qu’à lui en lui plaquant des sentiments qu’il n’avait sûrement pas « tu es malheureux » « on te manque » « tu as besoin de.. ». Il ne me parlait plus et tout tournait autour du chien. J’ai fini par faire une crise. À m’énerver contre lui et contre le chien. Au début, il m’en a voulu. Et quand il a vu que j’étais vraiment en souffrance, que ce n’était pas juste de la jalousie, il a accepté qu’on fasse quelque chose. J’ai cherché un psy parce que j’étais convaincue qu’il en avait besoin. Au premier rendez-vous on était trois dans le cabinet. Je n’ai jamais vu ça comme une thérapie de couple, mais c’en était une et on a fini par parler autant l’un que l’autre. »

Cet animal a été comme un troisième enfant pour lui

Ghislaine laisse enfin échapper la totalité de ses sentiments de frustration : « J’étais une vraie cocotte-minute. Le premier rendez-vous j’ai parlé jusqu’à ne plus pouvoir. J’ai accaparé la parole. Mais ça a bien montré au psy qu’on avait un gros problème. Je pense aussi que Paul avait besoin de se rendre compte que j’étais en souffrance. À la fin de la thérapie, il a admis qu’il n’était pas capable de bien gérer les choses. Ça m’a fait du bien de l’entendre. Le chien est tombé malade peu de temps après il a fini par mourir. J’ai accompagné Paul dans son deuil. Ce chien a eu une belle vie, ça a beaucoup aidé Paul a accepter son absence. Par contre quand il a été question d’adopter à nouveau, j’ai refusé net. »

Quand elle s’est mise à crier et à pleurer, pour moi, c’était du cinéma

Paul avoue que cet animal a été comme un troisième enfant pour lui : « Je suis gaga avec les animaux et je l’ai toujours été. Avoir la responsabilité de quelqu’un, ça réveille quelque chose en moi de très fort. J’ai été pareil avec les enfants quand ils étaient petits. Je pense que ça, Ghislaine, était forcée de s’en souvenir. Mais je n’ai pas vu à quel point j’étais en train de la mettre à part. Je parlais plus au chien qu’à elle, c’est vrai. Je laissais plus de place au chien dans le canapé et dans le lit qu’à elle. C’était plus fort que moi. Je pensais que si elle avait un problème, elle n’avait qu’à l’exprimer. Puisqu’elle pouvait, elle. Je n’ai pas compris quand elle s’est mise à crier et à pleurer. Pour moi, c’était du cinéma. Si j’ai accepté d’aller chez le psy, c’est parce que je me disais qu’elle en avait besoin pour elle. »

Plus qu’un simple enfant

Mais au fil des séances, Paul comprend qu’il est en train de mettre son couple de côté : « Je n’avais pas compris que j’étais en train de virer Ghislaine de ma vie. Quand elle me l’a dit les premières fois, je me disais qu’elle exagérait, qu’elle faisait du cinéma à cause d’un chien qui ne demandait rien. Il a quand même fallu plusieurs séances de psy pour que je commence à entendre que le problème venait de moi et du fait que je n’arrivais pas à poser des limites, que j’avais oublié que j’avais une femme. Pour moi, le chien, qui en plus était déjà très vieux, était prioritaire sur tout le reste. Je ne compte pas les vacances qu’on n’a pas fait, les week-ends qu’on a préféré annuler parce qu’il n’aimait pas trop qu’on bouscule ses habitudes. Avec le recul, je me dis que c’est un peu con. Je n’ai jamais imaginé qu’il puisse y avoir des compromis des deux côtés. »

J’ai de la chance d’avoir une femme qui a tout fait pour qu’on reste ensemble

Depuis, Paul n’oublie plus de communiquer avec sa femme : « Même si je sais qu’elle peut dire les choses par elle-même, je lui demande comment elle va et ce qu’elle veut. On parle plus que ce n’on a jamais parlé. Je me suis aussi engagé à ne plus prendre d’animal. Ce n’est pas un grand sacrifice pour moi parce que je pensais déjà qu’aucun animal ne pourrait remplacer le chien avec qui on a vécu 20 ans. Mais je comprends que la retraite c’est aussi quelque chose qui doit tourner autour de nous et autour des enfants et des petits-enfants. J’ai des proches dont je dois m’occuper et que je dois rendre heureux. Régulièrement, je pense que j’ai de la chance d’avoir une femme qui a tout fait pour qu’on reste ensemble alors que je m’occupais mal d’elle. Le psy, c’est son idée. Sans ça, je ne doute pas qu’elle aurait fini par partir. Ça me rend encore plus heureux de partager mes journées avec elle. »

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