Santé

Allô Giulia ? « Mon conjoint me demande d’avorter »

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« Chère Giulia,

Jeff a débarqué dans ma vie quand je n’y croyais plus. Je sortais de mon divorce essorée, et amère. Mon ex m’avait trompée à tour de bras, et je me retrouvais seule, à plus de quarante ans, avec mes deux enfants sous le bras. Je m’étais jurée de ne plus jamais dépendre ni affectivement, ni matériellement d’un homme. Les enfants et moi commencions à retrouver un équilibre, et peut-être que pour la première fois de ma vie, je me sentais bien, seule. Mais voilà… Jeff est arrivé, et je me suis retrouvée complètement chamboulée : ado à nouveau, très, très amoureuse, mais surtout, tellement sereine… Comme je ne l’avais jamais été. Avec lui, tout était fluide, calme, tranquille.

Je lui ai présenté les enfants, évidemment, ça s’est très bien passé. J’ai rencontré sa grande fille, et franchement, ça roulait aussi. Et… Patatras. On est partis en vacances tous les deux, je suis revenue enceinte. On ne se protégeait pas vraiment, je dois l’avouer. Il savait que je ne prenais aucune contraception – ça, on en avait parlé. On faisait juste « attention ». Visiblement, pas assez… Mais comment est-ce qu’on peut retomber enceinte à quarante-trois ans, aussi facilement ? Mes cycles étaient devenus irréguliers, j’ai du me planter dans le calcul. J’ai mis du temps, d’ailleurs, à aller faire un test, persuadée que c’était impossible. Je pensais que mon retard de règles était le signe avant coureur de la ménopause, même. J’avais mon test, positif, entre les doigts, je tremblais, mes jambes flottaient complètement…

Qu’on soit claires : j’ai déjà avorté, je ne suis absolument pas contre. Mais là, je sais pas… Est-ce que je l’ai vécu comme le bébé de la dernière chance ? Ou est-ce que, parce que c’était Jeff, je voulais un enfant de lui ? Jeff, c’est celui que j’ai attendu toute ma vie – je sais, c’est assez radical, comme formule, mais vraiment, c’est ça. Là, on nous donnait la chance d’être parents, et pour moi, c’était comme rattraper les erreurs du passé – entendons nous bien : mes enfants sont tout sauf des erreurs. Mais leur père, oui, clairement. Bref. Le cœur battant, j’en parle à Jeff. Qui blêmit. Et il a une réaction à laquelle je ne m’attends pas du tout : pour la première fois depuis notre rencontre, deux ans plus tôt, je le vois fou de rage. Il m’accuse de l’avoir trahi, de lui avoir fait un enfant dans le dos, et il part de chez moi en claquant la porte. Je ne pleure même pas tellement je suis sidérée.

C’était il y a un mois, et depuis, rien n’a bougé. Ni moi et mon désir de garder mon bébé. Ni lui et son envie que j’avorte. Je commence, doucement, mais sûrement à le haïr de me demander ça. Dans ses yeux, je vois qu’il n’en pense pas moins de moi. En fait, c’est comme si on était dans une espèce de bras de fer, tous les deux, où il n’est plus du tout question de l’amour qu’on se porte. Qui va gagner ? Qui doit gagner ? Vous avez compris ma question, Giulia, mais je la reformule, histoire d’être le plus claire possible : je le garde, ou pas, cet enfant ? » – Léa, 43 ans 

« Chère Léa,

Wow. Vous me demandez ça à moi, alors que j’en connais qui, pendant des années, ont battu le pavé en martelant : « mon corps, mon choix » ? Ce que les féministes des années 70 ont obtenu, c’est que nous soyons seules à pouvoir décider si, oui, ou non, nous allions poursuivre une grossesse amorcée. Vous avez le droit, et le pouvoir de décider, si vous gardez celui que vous appelez déjà « mon bébé » : que vous le vouliez ou non, vous avez, au moins dans votre cœur, pris un chemin. Votre tête, elle, est agitée de vents contraires – c’est même tempête sous un crâne, et la météo psychique peu s’emballer pour moins que ça. La décision que vous vous apprêtez à prendre, quelle qu’elle soit, est tout sauf anodine. Vous poursuivez votre grossesse ? Vous savez que vous mettez en péril votre histoire avec Jeff. Vous ne savez même pas si elle pourra se poursuivre : il n’a pas, aujourd’hui, le désir de devenir père à nouveau. Je dis « aujourd’hui », parce que bien sûr, il peut changer d’avis… Comme il peut parfaitement rester sur ses positions, et il en a le droit.

Autrement dit : Jeff ne peut pas, contrairement aux apparences, être d’une aide quelconque dans votre prise de décision. Rien, ni personne, quelles que soient les circonstances, ne peut prédire de l’avenir d’une histoire. Vous pouvez aller au bout de votre grossesse, et devenir de très chouettes parents tous les deux… Comme il peut disparaître de votre vie. Mais il le pourrait tout aussi bien si vous avortiez. Cette histoire se joue donc de vous à vous : avez-vous, aujourd’hui, en dehors de Jeff, envie de redevenir mère ? Si la réponse est oui, foncez. Vous m’avez l’air suffisamment solide et indépendante pour relever le gant, toute seule. Si c’est non, saisissez la chance qui vous est offerte : avortez. Et ce sans aucune culpabilité. C’est un droit, prenez le. Oui, peut-être que vous n’aurez plus jamais d’autre enfant. So what ? C’est une autre période de votre vie qui s’est ouverte, depuis votre divorce. Et peut-être que celle ci n’a rien à faire avec la maternité.

Quoiqu’en dise la tripotée de vieux réacs qui compose notre douce France, vous avez le droit d’être amoureuse, heureuse, épanouie, sans changer de couches. Bien sûr, je sais ce que cela signifie : ne plus être enceinte, sortir d’une logique reproductive, c’est aussi vieillir. Et dans une société comme la nôtre, l’idée, de prime abord, n’a rien de réjouissant. Sauf à se dire que gagner en âge, c’est gagner en liberté. Vos enfants, qui grandissent, c’est autant de temps que vous récupérez, pour vous et pour votre vie de femme. Cela pour vous dire, chère Léa, ni de le garder, ni d’avorter. Mais pour vous rappelez que vous êtes une femme libre. Que personne n’a jamais fait d’enfant dans le dos de personne. Et que Jeff sait pertinemment comment on fait les bébés. Votre choix, Léa, sera le bon. Vous avez quelques semaines devant vous, prenez, aussi, le temps de vous décider. »

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