Santé

Belle-doche. – Cécile, 37 ans : « J’aurais besoin d’un acte d’engagement, comme le mariage »

Je m’appelle Cécile, j’ai 37 ans et j’ai rencontré mon mec il y a cinq ans dans un bar, ça a été le coup de foudre. Quelques jours plus tard, un ami commun est venu me voir pour me dire « tu sais que ses enfants sont super mignons aussi ». J’ai donc appris par l’intermédiaire d’un copain qu’ il avait des enfants et ça a été un peu la désillusion pour moi. C’était une situation qui n’avait jamais fait partie de mes scénarios de vie, j’avais un idéal d’amour sans contraintes, un peu fou, avec tout à construire. J’avais envie de pouvoir vivre mon histoire de manière complètement libre, de pouvoir profiter de lui, partir en week-end, etc. 

On s’est mis ensemble mais, dans un premier temps, je n’ai pas rencontré ses enfants qui avaient alors 4 ans et demi et 7 ans et demi. Je venais chez lui en cachette quand ils étaient couchés. Ils ont appris mon existence d’amoureuse officielle sept mois après que l’on se soit mis ensemble. Jusque-là, j’étais une copine de leur père. Les week-ends où il les avait je faisais ma vie et les week-ends où il ne les avait pas, on était tous les deux. Ce côté bipolaire me convenait à merveille, et permettait de maintenir un équilibre entre ma soif d’indépendance et mon attachement amoureux.

Le déni avant le grand saut

Je pense que j’étais dans un déni complet du rôle que je pourrais jouer auprès de ses enfants au début. Des enfants, à l’époque je n’en voulais pas du tout, donc je ne me suis pas projetée, j’étais une copine avec qui on faisait des trucs un peu cool le week-end. Je n’en attendais rien de spécial. Je pense qu’il leur a très clairement expliqué qu’au fur et à mesure des mois, je suis passée de la copine à l’amoureuse. Et eux l’ont tout de suite compris et incorporé comme ça, et la relation est devenue légitime à ce moment-là.

J’ai une chance assez formidable, c’est que les enfants sont des gamins hyper chouettes, super sympas, ouverts d’esprit, qui n’ont jamais questionné mon rôle de belle-mère et m’ont tout de suite adoptée comme telle. Pour eux c’est acquis, je suis l’amoureuse de leur père et ils m’ont aussi laissé cette place dans leur vie. On a une vraie relation, on s’entend extrêmement bien, mais ce n’est pas une relation affective ou d’autorité légitime. Je ne les considère pas comme mes enfants, je ne ressens pas d’amour maternel. Je ne vais pas les câliner par exemple, ni les embrasser, mais ce n’est pas du tout une distance, c’est ma personnalité, je n’étais pas câline avec ma propre mère non plus. 

Je voulais construire quelque chose avec lui et je voulais un engagement de vie de famille un peu concret, on a donc tous déménagé ensemble au bout d’un an et demi. On a fait le choix après le confinement de devenir propriétaires et on a eu cette opportunité d’acheter une grande maison, qui nous ressemble et nous rassemble, c’est-à-dire une maison où chacun a son espace, mais sans que cela devienne une « colocation ». Cette maison c’est notre petit nid mais c’est une maison qu’on n’aurait jamais achetée à deux, un tel espace n’était pas nécessaire. Il a aussi fallu gérer la succession puisqu’on n’est ni pacsés ni mariés. On a fait un testament devant notaire pour éviter que je sois foutue à la porte au cas où l’homme passerait l’arme à gauche. Quand tu as 35 ans et que tu vas devant le notaire pour faire un testament, c’est quand même quelque chose, psychologiquement et moralement parlant !

Accepter un quotidien pesant

Aujourd’hui, je dirais que mon quotidien peut parfois me peser. Cela vient aussi de ce que, pendant huit mois, j’ai été en formation dans une autre ville, où j’avais une totale indépendance. On ne peut pas nier que le fait d’avoir son appartement et son toit propre contribue au bien-être, alors quand j’ai retrouvé cette routine, cette liberté, j’ai pris conscience de ce qui m’était imposé en vivant avec un amoureux-père : les courses à faire, les heures de repas à respecter, les machines à laver, les cauchemars des enfants la nuit, les sempiternelles histoires d’école à écouter, etc. Tu as un quotidien qui t’oblige et qui n’est pas celui que j’idéalisais.

Ma mère me dit « tu l’as pris, tu prends les enfants avec », mais c’est compliqué, tout tourne autour de ces contingences-là. Quand tu fais toit à part, au moins, la question ne se pose pas. Et il est extrêmement difficile d’expliquer aux autres, surtout à ceux pour qui « faire famille » repose sur une cohésion et un partage continus, que ce « faire famille » là implique des sacrifices et des compromis pas forcément consentis de manière éclairée ! On passe pour une égoïste, et c’est la double peine, celle de devoir sans cesse faire des compromis et des sacrifices, qu’un couple sans beaux-enfants ne peut pas connaître, et celle d’être en plus jugée par ses proches quand on ose s’ouvrir de la souffrance que cela peut induire.

S’engager pour mieux avancer

J’aurais besoin de trouver ma place par un acte d’engagement, comme le mariage, qu’il n’est absolument pas prêt à m’offrir ou à me donner. Avec son ex, leur relation s’est arrêtée mais elle reste dans sa vie. Eh oui, je questionne chaque jour ma légitimité et la place que j’occupe. Il entend mon besoin de réfléchir à avoir un enfant aussi, il est plus à l’écoute de mes désirs qu’il y a quelques mois mais le problème c’est qu’il reste focalisé sur son échec passé et se marier ou avoir un enfant c’est re-convoquer les traumatismes d’avant. Il vient d’une famille italienne matriarcale, il avait des valeurs familiales très fortes qui se sont effondrées quand il a divorcé. Aujourd’hui, il n’est pas prêt à recréer une famille avec moi, mais il souhaiterait prolonger cet idéal de famille qu’il a pu connaître, en me donnant le rôle que la société semble attendre d’une « belle-mère » dévouée et impliquée. Je voudrais ne pas payer indéfiniment les pots cassés des échecs passés de mon mec. La page s’est tournée et je n’ai pas envie de rester éternellement sur le brouillon de sa vie d’avant. C’est douloureux d’avoir le sentiment de ne pas avoir suffisamment d’importance pour qu’il puisse me donner cette même preuve d’amour qu’il a déjà donnée. Mes beaux-enfants sont une trace de ce qu’il a été capable d’offrir à une autre mais qu’il me refuse. C’est parce qu’il a donné ces preuves-là que j’ai envie de les recevoir aussi. Dans un autre couple, je n’en aurais pas besoin je crois.

La recomposition familiale alimente les tensions, on n’est pas un couple ordinaire avec des engueulades ordinaires. Ce n’est pas si simple, mais j’y trouve quand même mon compte malgré le tableau que je viens de dépeindre. Comme je n’ai pas de lien d’autorité naturelle avec ses enfants, on passe des moments ensemble qui sont complètement décomplexés. Je me vois comme un tiers éducateur qui leur apporte quelque chose d’autre que leurs parents. J’adore les emmener dans mon univers, par exemple on va au musée, on lit beaucoup, on va voir des films « d’intellos » comme ils disent, on écrit ensemble et ça ce sont des moments chouettes. Je pense leur avoir donné le goût du voyage et de l’ouverture aux autres. Je trouve ça beau de voir les enfants s’ouvrir à d’autres possibles, et de les voir en redemander ! Les enfants vont venir plus spontanément me voir pour me parler de certaines choses aussi, le week-end c’est avec moi qu’ils font les devoirs, ils préfèrent, car ça passe par des jeux, des ateliers inventifs, et ça c’est très gratifiant. Je crois vraiment que quand tu te départis de l’émotion et de ce rôle d’autorité, ce que tu peux transmettre est très beau. Mes parents les considèrent comme leurs petits-enfants d’adoption et mon frère aussi, pour eux c’est leur tonton d’adoption. Tout ce qu’ils accumulent, tout ce qu’ils reçoivent, je trouve ça génial. Ces enfants se construisent avec plein de personnalités référentes autour d’eux, autant de personnes ressources qui vont les faire s’affirmer, se trouver.

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page