Santé

C’est mon histoire : « Je suis tombée amoureuse de mon meilleur ennemi »

« ARRÊTE, tu parles de mon ami »

À chaque fois que Max me parlait de Vincent, mes poils se hérissaient. Mon inimitié pour lui était épidermique et je faisais tout pour l’éviter. Je me souviens encore d’un samedi au marché. Max m’attendait dans la voiture quand je l’ai vu discuter avec Vincent – ils s’étaient rencontrés par hasard. Machinalement, j’ai sorti mon téléphone, mettant en scène un faux coup de fil pour me dérober. Nos regards se sont pourtant croisés, le mien plein de colère, le sien gêné. Il avait compris depuis longtemps qu’il ne me revenait pas. De son côté, Vincent ne me supportait pas, sans doute mon style 16e de la fashion. Mais que lui reprochais-je au juste ? Il ne m’avait fait aucun mal. Je m’étais fait une image de lui, celle d’un homme qui trompait sa femme sans arriver à la quitter, qui fumait des pétards dans son dos, celle d’un pubard très fêtard qui traînait jusqu’à pas d’heure avec Max, dans les folles soirées que celui-ci orchestrait à la piscine Molitor. Au risque de l’entraîner sur une mauvaise pente. Je comprendrai plus tard que la réalité était bien différente…

Mais j’étais comme une louve voulant protéger les siens, mon mari, notre couple, nos deux enfants. Au point que je ratais rarement une occasion de le traiter de tous les noms, jusqu’à ce jour où, en voiture, Max m’a interrompue d’une phrase en guise de couperet : « Coco, arrête immédiatement, tu parles de mon ami. » À partir de cet instant, je n’ai plus dit un mot sur Vincent, mais mon antipathie, elle, restait intacte. Et puis le drame est arrivé. Le 3 juin 2014. Ce jour dont chaque seconde, chaque parole, chaque regard sont gravés dans ma chair. Max et moi avions rendez-vous chez un avocat pour régler une histoire qui nous souciait. Il devait venir me chercher à 12 h 30 au studio de création où je travaillais. Comme souvent, il est arrivé en retard. Moi qui étais capable de péter les plombs, étrangement, ce jour-là je lui ai juste dit « tu charries ». Le rendez-vous s’était bien passé, nous étions soulagés.

IL M’A RACONTÉ MON MARI

Il l’aimait comme un frère. Après le rendez-vous, Max a filé à l’hôpital de Courbevoie. Il avait monté un projet de théâtre pour les enfants malades qui lui tenait à coeur, et ils organisaient une représentation ce jour-là. De mon côté, j’avais prévu en fin de journée d’aller aux Invalides voir mon père souffrant – c’était son anniversaire – puis nous devions sortir dîner, Max et moi. Notre moment à nous après mes trois semaines de préparation intensive d’un défilé de mode. J’étais au chevet de mon père et trop occupée avec lui pour décrocher quand une collègue de Max m’a appelée. Je ne l’ai recontactée qu’en sortant. J’entends encore ses mots, même si je n’en pressentais pas encore la portée. « Max a eu un grave accident, il s’est effondré. On appelle le Samu… » Je leur ai tout de suite demandé d’aller à l’hôpital Georges-Pompidou où j’avais un ami médecin. J’ai filé là-bas, prévenu les enfants. Max était conscient. Le chirurgien a dit à mes enfants : « L’état de votre père… c’est très grave. On vous laisse quelques secondes pour le voir avant de l’emmener au bloc. On va faire le maximum. »

J’étais passée à côté et je me sentais nulle

Mon fils avait 16 ans, ma fille, 14. J’étais sonnée mais combative. Nous venions d’acheter un appartement. L’escalier risquait de poser problème pour sa convalescence mais j’imaginais déjà les solutions. Le matin, après une opération qui avait duré toute la nuit, il était dans le coma. J’ai envoyé un message à sa bande d’amis, Vincent compris. « Max a eu un accident. Rupture de l’aorte. Je vous tiens au courant. » Il fallait attendre, tenir et espérer. Mais ne le surnommait-on pas Maximan, comme Superman, lui, dont la force vitale et l’énergie solaire subjuguaient tous les gens qu’il croisait. Lui qui en avait vu d’autres et semblait invincible. Lui physique de Steve McQueen, qui m’avait fait chavirer un soir par sa beauté irradiante, sa générosité sans limites, sa folie aussi. Lui, bigger than life, cet électron libre qui avait accepté de rentrer dans le cadre pour moi, pour nous. Le soir même, à la maison, j’ai organisé une veillée avec tous nos amis. Vincent était là. Dès le seuil de la porte, j’ai vu son visage défait par la tristesse. Il était abasourdi. À un moment, nous nous sommes retrouvés tous les deux et il a commencé à me raconter mon mari. Il l’aimait comme un frère. Plus j’entendais sa douleur, plus je prenais conscience de leur lien profond et rare. J’étais passée à côté et je me sentais nulle. Ce soir-là, le mur que j’avais érigé entre nous est tombé. Et, à partir de cet instant, Vincent ne m’a plus jamais lâchée.

NOUS AVONS FAIT LE SERMENT de rester amis

Tous les soirs, il m’envoyait un mail, un SMS de réconfort, un morceau de musique. Tous les jours, il venait à l’hôpital veiller Max et être à nos côtés. Au dixième jour, le médecin nous a annoncé que les heures de Max étaient comptées. J’ai appelé Vincent pour lui dire qu’il fallait qu’il vienne voir son ami, tout de suite. Et là, autour du lit de mon mari, nous avons fait le serment de rester amis, prolongeant ainsi leur fraternité au-delà de la mort. C’était notre promesse à Max. Par sa bienveillance, sa douceur, et parce que Max nous liait au plus profond de nos âmes, Vincent, qui dix jours auparavant m’était insupportable, était devenu l’un de mes piliers. Alors que mon monde se fracassait, sa présence m’empêchait de sombrer.

L’histoire a commencé dans le secret

Le lendemain de l’enterrement qu’il nous avait aidés à préparer, nous avons pris un verre. Au moment de se quitter, il m’a serrée dans ses bras avec une tendresse inouïe. Et là, j’ai ressenti une vraie décharge : la foudre en vrai ! Quand je me suis retrouvée seule dans ma voiture, j’ai pensé « tu es dingue ou quoi ! ». Au même moment, Vincent se disait la même chose. Je l’ai revu le lendemain et le surlendemain. Ce jour-là, je l’ai embrassé. Comment expliquer l’incompréhensible ? C’était impensable pour moi, comme pour lui. Si ce n’est cette pensée qui nous habitait : c’était comme si Max nous poussait l’un vers l’autre. D’ailleurs, nous étions trois dans cette relation. Max, toujours au centre de nos conversations, de nos sentiments, de notre amour naissant et fulgurant. Avec Vincent, c’était comme si Max continuait à exister. Nous avions l’impression qu’il nous protégeait, nous aidait, nous accompagnait… L’harmonie entre nous était parfaite.

C’est en lui que je trouvais ma force et mon énergie

L’histoire a commencé dans le secret, et, très vite, Vincent a tout fait pour me voir le plus souvent possible. C’était le déclic qu’il attendait depuis longtemps pour se séparer de sa femme. De mon côté, j’étais déboussolée, je ne pouvais vivre qu’au jour le jour. Je ne savais pas où j’allais. Il fallait que Vincent prenne ses décisions seul. Au bout de quelques mois, sa femme a découvert que nous nous aimions et a demandé le divorce. Peu de nos amis ont compris ce qui nous arrivait. Mais de quoi était faite notre relation ? Est-ce que je l’aimais seulement en souvenir de Max ? Je leur voyais des similitudes et parfois l’image de mon mari se sur-imprimait sur celle de Vincent. Ces brouillages m’empêchaient d’être entièrement là pour Vincent. Et pourtant, c’est en lui que je trouvais ma force et mon énergie. Puis j’ai choisi de passer le confinement avec ma fille chez une amie. Lui était à Marseille où il avait trouvé un job, et notre relation s’est peu à peu éteinte. Il me fallait ce temps, seule, pour débrouiller les fils de mes sentiments, faire enfin mon deuil de Max. Vincent me manquait, c’était douloureux. Cette séparation a permis de révéler enfin la vérité de mon amour pour lui. En avril dernier, nous nous sommes revus, alors j’ai su. L’amour que je portais à mon mari serait indélébile. Mais je désirais Vincent intensément, pour la personne qu’il était, tout simplement. Notre histoire a recommencé, à deux, et comme une évidence.

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