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C’est mon histoire : « Mon mari a vingt-trois ans de moins que moi »

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EN CACHETTE, on échangeait des œillades

« Votre fils a déjà payé l’addition », a lancé la serveuse toute guillerette alors que je m’apprêtais à régler la note. Elle ne pouvait se douter de l’uppercut qu’elle venait de m’envoyer. D’un coup, je passais de l’amante électrisée par sa nuit d’amour à la « vieille peau ». Il était 14 heures, Victor avait dû partir plus tôt. Le restaurant se vidait et moi je restais assise à table, seule avec ma réalité. J’étais si bien sur notre nuage que j’en avais oublié mon âge. Notre âge. Vingt-trois ans d’écart, c’est grave ? Notre relation était toute récente. Depuis trois mois, nous la vivions en secret, à se rejoindre dès que je pouvais dans son studio sous les toits. Je n’avais pas encore quitté mon mari. Je ne m’en croyais pas vraiment capable. J’étais avec lui depuis trente ans. 

On s’arrangeait pour ne jamais être trop loin l’un de l’autre

Nous étions « complémentaires » comme on dit, même si à la longue son besoin de tout contrôler devenait insupportable. Nous avions une fille de 21 ans. J’étais du genre épouse dévouée avec une légère propension à m’oublier. Lorsque j’ai rencontré Victor, j’avais 49 ans. Lui, 26. Nous étions collègues, c’était un ingénieur très doué. On s’est rapprochés à l’occasion d’un projet que je pilotais, dans lequel il avait une petite mission technique. J’étais surprise, il se pointait à tous les meetings, même ceux du juridique. J’ai pris son excès de zèle pour de l’ambition maladroite avant de comprendre qu’il venait pour me voir. Malgré son corps athlétique, je n’avais jamais été attirée par lui ni par des hommes plus jeunes. Mais un jour, je ne saurais l’expliquer – ses yeux rieurs, son humour décalé, sa lumière –, il m’a plu. Évidemment, je ne pouvais imaginer quoi que ce soit entre nous. Mais je me laissais séduire. En cachette, on échangeait des œillades et on partageait une complicité délicieuse. On s’arrangeait pour ne jamais être trop loin l’un de l’autre. Un soir, assis côte à côte lors d’un dîner d’équipe, il m’a pris la main sous la table. On est restés comme ça, sans se regarder, un long moment, nos mains emboîtées, cachées sous nos manteaux.

« T’AS QUITTÉ PAPA pour te taper des petits jeunes »

Ensuite, tout a basculé. J’ai commencé à mentir à mon mari. Je m’inventais des meetings et des rendez-vous clients… Au lieu de ça, je courais jusqu’à la mansarde de Victor chercher ma dose de bonheur. J’aimais sa tendresse, son calme et son côté rêveur. Ça me reposait du père de ma fille, pragmatique et hyperactif. J’avais très vite évacué la question de l’âge. Mis à part le fait qu’il ne connaissait pas le chanteur Christophe (un choc quand même), je ne ressentais pas les vingt-trois ans qui nous séparaient. Victor était très cultivé et se débrouillait seul depuis longtemps. Même charnellement, il n’était ni dans la performance du jeune garçon qui a des choses à prouver, ni dans la recherche d’une initiation sexuelle. 

Il était comme j’aime. Il y avait peut-être sa détermination féroce à être avec moi qui me laissait penser qu’il manquait de maturité. « Parce qu’y croire, c’est être un gamin ? » s’énerva-t-il lorsque je finis par le quitter peu après l’épisode du restaurant. Il avait ajouté : « Je te veux, je n’ai pas peur ! » Mais pour moi, l’amour, c’était choisir. Et je ne pouvais choisir cette histoire impossible et lui imposer de ne jamais avoir d’enfants. Peu après, j’ai quitté mon mari. Ma vie partait en lambeaux, mais je ne pouvais pas rester dans ce couple, ce n’était plus moi. À presque 50 ans, je ne voulais plus être seulement « complémentaire » avec la personne qui partageait ma vie. Je voulais être en phase avec lui. Bien sûr, je me suis gardée de parler de Victor à quiconque. Mais je pensais à lui sans arrêt. Pendant toute cette période, il était à mes côtés. Un genre d’amitié amoureuse qui parfois – puis de plus en plus – dérapait.

Lui et moi avons basculé du côté des suspects

Ma liberté simplifiait les choses entre nous. Mais je voulais garder notre relation cachée. On ne se voyait que chez lui ou chez moi. Ça le frustrait, lui qui voulait vivre notre amour au grand jour. J’expliquais que c’était pour préserver mon ex et ma fille, qui n’étaient pas encore prêts à me voir avec quelqu’un. Mais c’était aussi pour nous protéger du regard des autres. Un dimanche matin, ma fille de 22 ans, supposée être chez son père, débarqua à l’improviste d’une soirée. Il était 7 h 30. Lorsqu’elle est tombée nez à nez dans la cuisine avec mon beau Victor de cinq ans son aîné, elle a dessoûlé illico. « Mais tu es qui, toi ? » lui a-t-elle lancé de but en blanc. Le cheveu ébouriffé, je fis donc les présentations et le café. Ma fille était médusée. Cela faisait pourtant plus d’un an que j’étais séparée de son père. Le lendemain, j’eus droit à un discours moralisateur et insultant qui me fit de la peine, même si je m’y attendais un peu. En substance, ça donnait : « M’enfin maman, ça ne va pas bien ! T’as quitté papa pour te taper des petits jeunes ! »

Ce fut comme un déclic. Je ne voulais plus me cacher ! Toute ma vie, j’avais été dans l’ombre de mon mari. Si je m’en étais extraite aujourd’hui, ce n’était pas pour me terrer encore ! Notre relation avec Victor n’était pas conventionnelle mais j’avais le droit de la vivre. Je compris que pour changer le regard des autres, en l’occurrence celui de ma fille, je devais d’abord changer le mien. Ça voulait dire assumer mon histoire d’amour et me l’autoriser enfin. Dans notre entourage, j’ai alors mué en cette femme bizarre qui « se tape un petit jeune », cette « cougar », comme j’ai pu entendre « pour rire » dans la bouche de certains collègues qui nous avaient épinglés malgré notre discrétion. Ça m’a fait tellement « rire » que j’ai préféré changer de boulot. Victor, lui, est devenu ce « petit jeune qui se tape une vieille ». En fait, lui et moi avons basculé du côté des suspects. Pour en arriver là, on avait forcément un problème.

LES GENS QUI NOUS AIMAIENT ont compris

Ma fille, ralliée au chagrin de son père, ne voulait plus me voir tant que je fréquentais ce « gigolo ». C’est vrai que je gagnais plus d’argent que Victor. Et alors ? Il ne se laissait pas entretenir pour autant ! Ma sœur aussi me disait de me méfier. Elle était persuadée que j’étais « en pleine crise d’ego de la cinquantaine ». « C’est un bon coup au moins ? » s’inquiétait-elle sans gêne. Quant à son mari, le fin psychologue, il pensait que mon homme cherchait une mère en moi. C’était complètement faux mais je devais avouer qu’après avoir rencontré la mère de Victor – une bourge catho rigide qui empeste le patchouli – je comprenais qu’on puisse avoir envie d’en changer. « Je suppose que vous ne comptez pas faire d’enfants ? » nous demanda-t-elle, piquante.

Moi, j’étais juste contente que ma belle-mère ait dix ans de plus que moi. Comme un semblant de normalité… Personne n’y croyait, à notre histoire. On a fini par s’en moquer et faire le ménage autour de nous. Très vite aussi, on s’est fait de nouveaux amis pour qui l’âge importait peu. Mais, surtout, le temps a fait son œuvre. Les gens qui nous aimaient ont compris. Ils ont vu le bien qu’on se faisait. Ceux-là sont tous venus à notre mariage l’année dernière. Ma fille était ma témoin. À la sortie de la mairie, elle m’a glissé au creux de l’oreille : « J’admire ta liberté, maman. »

C’est la plus belle phrase qu’on m’ait jamais dite. Je suis fière de lui avoir montré cet exemple. Aujourd’hui, j’ai bientôt 60 ans et Victor, 37. Ça fait un peu plus de dix ans que la vie est si douce à ses côtés. Et ce n’est pas une question d’âge. Quand je serai à la retraite, nous avons prévu de voyager. Victor envisage de se mettre à son compte pour réaliser ses missions depuis Bali ou ailleurs. Mon angoisse ? Ce n’est pas qu’il veuille un jour des enfants, nous avons notre petite-fille qui nous comble de bonheur. C’est la vieillesse, le fait que je me dégrade… Mais nous n’y sommes pas encore. Pour l’instant, c’est moi qui ai parfois l’impression de vivre avec un petit vieux tant il est casanier. Mais chut, il ne faut pas le lui dire, ça l’énerve !

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