Santé

Des chercheurs révèlent des liens entre la maladie d’Alzheimer, les œstrogènes et le microbiote

Deux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sur trois sont des femmes. Si la démographie entre bien sûr largement en compte, les chercheurs tentent de déterminer des facteurs biologiques qui pourraient également expliquer cette différence. Deux études américaines récemment publiées révèlent des liens entre le microbiote intestinal et les œstrogènes, principale hormone reproductive féminine, sur des lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, à savoir l’inflammation cérébrale et la formation de plaques amyloïdes dans le cerveau.

Des modifications du microbiote réduiraient les signes de la maladie chez l’homme

Selon la première étude, publiée dans la revue Molecular Neurodegeneration (source 1) le 17 février 2024, un nouveau composé médicamenteux qui agit sur le microbiote intestinal appelé oligomannate de sodium, ou GV-971, permettrait « une baisse significative des dépôts amyloïdes ainsi qu’une réduction des marqueurs inflammatoires » dans le cerveau, selon le communiqué de l’Université de Chicago, qui a mené l’étude (source 2). Mais ce phénomène a uniquement été observé chez les souris mâles. Chez les souris femelles, le traitement avait provoqué moins de changements dans les bactéries intestinales que chez l’homme. « Nous avons observé des différences de microbiote spécifiques au sexe après le traitement », précisent les chercheurs dans l’étude. « Comment cela conduit-il à des changements dans le fonctionnement du cerveau ? Tout cela reste encore à déterminer », a déclaré le Pr Sangram Sisodia, auteur de l’étude.

Selon les chercheurs, leurs travaux « démontrent le lien entre le microbiome intestinal, la neuroinflammation et la pathologie de la maladie d’Alzheimer, tout en soulignant l’effet thérapeutique potentiel du GV-971. » Ce traitement est d’ailleurs déjà approuvé en Chine pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, et fait actuellement l’objet d’un essai clinique international. « Proposé aux US, en Chine et en Europe, notamment en France, il doit s’achever fin 2026 », précise Maï Panchal. Mais comment expliquer ces différences de réponse au traitement entre les hommes et les femmes ? La réponse pourrait être hormonale, selon les chercheurs.

Un lien entre les œstrogènes et la maladie d’Alzheimer

C’est ce qu’ont tenté de démontrer les chercheurs de la seconde étude menée par l’Université de Chicago, publiée dans la revue Nature (source 3) le 21 janvier 2024. Ils ont « étudié si les niveaux d’œstrogènes circulants pourraient être la raison pour laquelle les souris femelles ne présentent pas de réduction des dépôts amyloïdes et de la neuroinflammation après un traitement antibiotique », ce qu’avait précédemment démontré l’équipe de chercheurs.

Pour le déterminer, les scientifiques ont mené plusieurs expériences. Tout d’abord, ils ont traité des souris qui avaient des plaques d’amyloïdes avec des antibiotiques, avant de mesurer leurs niveaux d’œstrogènes dans le sang. Ils ont ainsi constaté que la quantité de cette hormone était multipliée par trois par rapport aux souris qui avaient reçu un placebo. Ensuite, ils ont retiré les ovaires des souris femelles quand elles avaient seulement quelques semaines, afin d’arrêter la production d’œstrogènes. « Cette procédure a réduit à la fois les dépôts amyloïdes et les niveaux de microglies inflammatoires », indiquent les chercheurs dans le communiqué. Selon le Pr Sangram Sisodia, l’auteur de l’étude, « nous constatons dans l’étude actuelle que les niveaux d’œstrogènes ont toujours un impact sur les dépôts amyloïdes. Si vous supprimez la source d’œstrogènes chez la souris à un stade très précoce, les dépôts amyloïdes disparaissent. C’est assez remarquable. » Pour confirmer cette découverte, les chercheurs ont restauré les niveaux d’œstrogènes chez les souris, ce qui a eu pour effet une augmentation des dépôts amyloïdes et de la neuroinflammation. Dans le même temps, ils ont remarqué que « la composition du microbiome intestinal variait également de manière significative parmi les souris » chez qui les ovaires avaient été retirés, celles qui ont eu leurs niveaux d’hormones restaurées, et les souris témoins.

« Je n’avais aucune idée que la manipulation des niveaux d’œstrogènes allait changer les choses de façon aussi spectaculaire. L’œstrogène semble être le moteur des changements que nous observons dans la pathologie d’Alzheimer, mais nous savons également que le microbiome change. Il y a donc cette diaphonie entre les deux », a réagi le Pr Sangram Sisodia. Selon les auteurs de l’étude, celle-ci « élucide l’interaction complexe entre les modulations hormonales spécifiques au sexe, la dynamique du microbiome intestinal, les perturbations métaboliques et la fonctionnalité microgliale dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer ». D’après Maï Panchal, directrice générale et scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer, « cela montre qu’il y a un lien entre les modulations des hormones féminines et la dynamique du microbiote intestinal dans le développement de la maladie d’Alzheimer ».

Si nous pouvons identifier certaines molécules cibles impliquées dans cette cascade biologique du métabolisme des œstrogènes, nous pourrons peut-être développer une sorte de médicament pour atténuer les effets. Je pense que c’est potentiellement une excellente voie thérapeutique, au moins pour 50 % de la population. Pr Sisodia.

Quid du traitement hormonal substitutif pour la ménopause ?

Ces résultats, bien qu’ils doivent être confirmés par d’autres études, viennent remettre en question le traitement hormonal substitutif prescrit aux femmes ménopausées dans un but de restaurer les niveaux d’œstrogènes, justement pour prévenir le déclin cognitif. « Plusieurs études ont déjà montré que la prise d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause augmentait les risques de troubles cognitifs. Une étude de 2023 (source 4) précise que c’est essentiellement une posologie tardive de ces traitements hormonaux qui serait en cause. Elle conduirait, en effet, à une augmentation de la quantité de la protéine tau dans le cerveau, une des protéines toxiques de la maladie d’Alzheimer », explique Maï Panchal. Avant de conclure : « Ces résultats doivent encore être confirmés par d’autres études, mais ils donnent néanmoins de premières informations sur l’influence des hormones sur notre susceptibilité à développer la maladie d’Alzheimer. Il reste à découvrir les mécanismes moléculaires qui expliquent ces observations ».

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