Santé

La blessure de rejet, ou quand « la croyance d’être illégitime pousse à se couper des autres »

La blessure de rejet fait partie des cinq blessures émotionnelles. Elle se caractérise par un fort sentiment d’illégitimité, et un besoin de reconnaissance. « La personne se sent indigne d’être aimée, d’exister. Elle se sent non reconnue, peine à trouver sa place et à affirmer son identité », explique Mélanie Josquin, psychologue-psychothérapeute, et autrice du livre « Guérir la blessure de rejet », paru aux éditions Eyrolles le 1er juin.

Si celles et ceux qui en souffrent n’en ont pas toujours conscience, la blessure de rejet affecte le bien-être psychologique, avec le sentiment d’être sans cesse repoussé. En découlent des réactions émotionnelles parfois inadaptées, et des difficultés dans la relation aux autres et à son environnement. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour l’identifier. Alors, quels signes permettent de la reconnaître ? Comment panser la plaie ? Interview. 

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ELLE. Quelle est la différence entre la blessure de rejet et la peur de l’abandon ?  

Mélanie Josquin. La frontière est souvent mince, même si la blessure de rejet est aussi en lien avec celle de l’injustice. Dans la blessure d’abandon, on éprouve des difficultés à faire les choses seul·e, elle active la dépendance à l’autre de manière plus forte, un jeu de séduction peut être adopté, l’autre devient un pilier incontournable.  

Dans le rejet, la croyance d’être illégitime pousse plutôt à se couper des autres, à se faire oublier malgré une quête de reconnaissance. 

ELLE. Quels types d’épreuves ou de comportements peuvent conduire à cette blessure ?

M.J. La genèse a un lien avec la petite enfance, par un rejet réel ou vécu comme tel, de la part d’un parent ou d’une figure d’attachement. Un petit garçon, par exemple, a peut-être souffert de ne pas avoir été attendu comme un garçon mais comme une fille. Il peut aussi s’être senti délaissé à la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur, ou penser subir des différences de traitement et d’attention, se sentir mal aimé, ou encore ne pas avoir pu être authentique dans sa relation à ses parents : il peut s’être construit en « faux self », adoptant alors un comportement pour faire plaisir, être gratifié, et s’inscrire dans un amour conditionnel, afin de répondre aux attentes parentales tout en bafouant ses émotions et désirs propres. Des épreuves comme une séparation précoce, de la négligence ou de la maltraitance peuvent également être à l’origine de cette blessure. 

ELLE. Est-ce que tout le monde est susceptible d’être « blessé » face à ces situations, ou est-ce que cela dépend de la personnalité de l’enfant ?

M.J. Dans cette blessure, il faut aussi, avec de l’aide, faire la part des choses entre ce qui a été réel, perçu, imaginé, voire fantasmé. Il semble nécessaire de poser de la conscience sur ce qui a pu générer ces blessures, pour remettre les personnes à leur juste place : se dire que les parents ou substituts parentaux ont fait comme ils ont pu, etc. Ensuite, la vie est faite de rencontres, de résilience. Plus on apprend à regarder ce qui s’active en soi, plus on peut le transformer pour justement vivre avec et en faire un levier. Nous ne sommes pas tous égaux sur le plan émotionnel, ni sur la capacité à conscientiser notre façon d’agir, de penser, de ressentir.

« Au quotidien, cela se manifeste souvent par une forme d’auto-sabotage, qui peut aussi prendre la forme du syndrome de l’imposteur, lié au sentiment d’illégitimité. »

ELLE. Comment reconnaître la blessure de rejet ?

M.J. Lorsqu’elle est active, les symptômes les plus communs sont l’isolement ou la tendance à faire passer les autres avant soi. Il y a le masque social (faire bonne figure), pour combler le sentiment d’un déficit d’appartenance ; le perfectionnisme ; l’épuisement psychique, émotionnel et physique (la tendance au surmenage voire au « burn-out ») ; les troubles anxiodépressifs ; une altération de l’estime de soi ; un manque de confiance. 

Au quotidien, cela se manifeste souvent par une forme d’auto-sabotage, qui peut aussi prendre la forme du syndrome de l’imposteur, lié au sentiment d’illégitimité. La personne se dénigre elle-même, son monologue intérieur est péjoratif. Pour y pallier, elle tente de satisfaire les autres, en plaçant la barre haut, notamment dans le travail, et en s’oubliant alors totalement dans ses besoins et l’écoute de ses émotions. 

La blessure rejaillit aussi dans les relations amoureuses : penser ne pas être digne d’amour peut entretenir l’idée que le partenaire ne l’aime pas, est adultérin. Cela peut aussi créer des conflits, voire des séparations. Le cercle amical peut également être impacté, passant d’un surinvestissement à des relations plus distendues, voire à une coupure du lien. 

ELLE. Le fait de s’excuser à tout va est-il forcément un signe de faible estime de soi, selon vous ?

M.J. C’est une manière de se faire passer au second plan, renier sa place, et, en effet, cela a quand même un lien avec l’image de soi, et l’amour de soi. Nous pouvons vraiment voir le masque du fuyant, la personne s’excuse presque d’exister en permanence. Apprendre à s’aimer, se pardonner et combler ses besoins peut aider à restaurer l’estime de soi.

ELLE. Quels sont les mécanismes de défense les plus courants d’un individu qui souffre de la blessure de rejet ?

M.J. Il y en a plusieurs, en effet : la difficulté à s’attacher, la réplication du rejet (la personne a des relations chaotiques, elle peut couper les liens), la fuite, l’évitement, le rejet de soi ou encore le déni. 

ELLE. La peur de déplaire et la dépendance affective sont-elles des conséquences directes de la blessure de rejet ? 

M.J. La peur de déplaire est une conséquence, mais lorsque la blessure de rejet s’active, malgré la recherche de reconnaissance d’autrui, il n’y a pas de dépendance affective en tant que telle. En effet, le sujet peut se passer de l’autre, il a même tendance à penser que l’autre ne pourra jamais l’aimer ni lui renvoyer la légitimité qu’il recherche. Quand il n’obtient pas la gratification, alors il se replie sur lui.

La dépendance affective découle davantage de la blessure d’abandon, où là, le sujet peine à faire des choses seul, n’existe qu’à travers l’autre, de manière plus exacerbée, voire pathologique, pouvant être plus facilement influençable, ou sous emprise. 

ELLE. Pourquoi est-ce important de travailler dessus, selon vous ? 

M.J. Pour apprendre à se positionner, à assumer ses valeurs, ce qui anime la personne et lui permet d’être en accord avec elle-même dans tous les domaines de sa vie, et partir à la découverte de son identité propre, s’accueillir plutôt que de se fuir. 

« Le sujet accorde peu d’importance au superflu et peut se débarrasser facilement des objets. »

ELLE. Dans votre livre, vous évoquez aussi le lien au monde matériel, et la tendance que l’on peut avoir à tout garder ou, à l’inverse, se débarrasser régulièrement des objets qui nos encombrent. En quoi ces comportements ont-ils un lien avec le sentiment de rejet ?

M.J. Notre investissement du monde matériel peut en effet être la métaphore de nos blessures. Les personnes carencées peuvent avoir tendance à accumuler des objets. Nous pourrions ainsi penser qu’il en va de même dans le cadre de la blessure de rejet. Or, cette blessure éloigne du matérialisme et de l’accumulation, la relation aux objets est le miroir de la relation à soi et aux personnes. Le sujet accorde peu d’importance au superflu et peut se débarrasser facilement des objets.   

ELLE. Si vous deviez donner 3 conseils pour apaiser cette blessure émotionnelle, quels seraient-ils ?

S’accepter dans sa globalité pour se réconcilier avec soi-même ; écouter ses propres besoins, ses émotions, savoir dire non ; faire de soi son ou sa meilleure amie, et son fournisseur officiel d’amour en prenant soin de soi sans rien attendre d’autrui. 


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