Santé

Ma famille, mes proches et moi : Nelly, 39 ans : « J’aimerais que ma fille déteste la nouvelle femme de mon ex »

« Ma fille est la prunelle de mes yeux, lâche d’emblée Nelly. Je l’ai portée, élevée, bichonnée mais, aujourd’hui, à onze ans, elle ne jure plus que par la nouvelle femme de son père. » Depuis que ses parents se sont séparés, il y a pile trois ans, Valentine vit chez sa mère, à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne, et passe un week-end sur deux, ainsi que la moitié des vacances scolaires, dans le XIIe arrondissement de Paris, chez son père et sa nouvelle compagne, tous les deux graphistes dans l’édition. Lorsqu’elle rentre de chez eux, la préadolescente n’a de cesse de relater à sa mère les « choses extraordinaires qu’elle a faites avec Papa, et surtout Romane, pendant ces quelques jours ». Nelly a droit à tous les détails, sans aucune exception. « Samedi après-midi, j’ai fait du vélo dans le bois de Vincennes, avec Romane… trop bien ! », « dimanche matin, on a fait des muffins au Nutella et à la banane, toutes les deux… trop bons ! », « le soir, elle m’a mis du vernis à ongles rose avec des paillettes sur les ongles… trop cool ! », et patati et patata… « C’est carrément exaspérant, lâche cette chargée de communication dans une agence de l’ouest parisien. Le pire dans tout ça, est que je me sens, à chaque fois, plus ou moins obligée d’acquiescer, voire d’en rajouter, avec un rictus évidemment totalement forcé : « super ! », « c’est génial ! » , « tu as dû bien t’amuser ! »… Tu parles ! »

Comparaison constante

Quand elle est seule avec sa mère, Valentine ne peut également s’empêcher, sans y entendre malice, bien sûr, de faire constamment un parallèle entre les deux femmes de son père : « Romane, elle met de la musique dans la voiture », « elle ne me dispute jamais quand je salis mes vêtements », « avec elle, j’ai le droit de terminer mes devoirs devant la télé », « et elle ajoute aussi une cuillère de moutarde dans sa vinaigrette, pourquoi tu n’en mets pas, toi (comprenez : c’est tellement meilleur !) ? » C’est une souffrance atroce pour la presque quadragénaire d’entendre qu’une étrangère infuse, sciemment ou non, ses propres manies et valeurs à son enfant, surtout quand celles-ci sont à mille lieues des siennes (les écrans, chez elle, c’est niet et archi niet).

C’est une souffrance atroce d’entendre qu’une étrangère infuse ses manies et ses valeurs à son enfant

Nelly sait qu’elle devrait pourtant se réjouir que les choses se passent bien entre sa progéniture et la femme de son ex. Pour l’avoir vu à de nombreuses reprises autour d’elle, elle n’est pas sans ignorer que les relations enfants beaux-parents sont souvent extrêmement compliquées et même, parfois, carrément tendues. S’il en avait été ainsi, elle aurait probablement été très malheureuse, et même, à bien y réfléchir, folle de rage.

Belle-mère, un point c’est tout

Mais, à tout juste 30 ans, Romane n’a rien d’une marâtre. La jeune femme, qui n’est pas encore mère, considère même Valentine comme sa propre fille – elle lui achète des vêtements, des CD, organise des pique-niques d’anniversaire avec ses camarades de classe… – mais, c’est plus fort qu’elle, Nelly n’arrive pas à digérer que la chair de sa chair la détrône, ou, en tout cas, soit en admiration devant celle qui lui a arraché son homme et fait exploser leur famille. « Jean-Philippe et moi étions heureux en couple avant qu’il ne rencontre Romane, glisse-t-elle, encore retournée à l’évocation de ce temps où ils formaient un trio uni. Elle est la Voleuse, la Méchante, l’Intruse. J’aimerais que ma fille la déteste autant que je la déteste, mais je ne peux évidemment pas présenter les choses comme ça à Valentine. Ni même à personne d’autre, d’ailleurs ».

Je crains de devenir à ses yeux, la mère célibataire avec qui on s’ennuie

Nelly a, en revanche, fait comprendre à Jean-Philippe que sa dulcinée en faisait trop et que ce serait peut-être bien qu’il lui demande de rester à sa place de belle-mère. Il fallait qu’elle arrête, lui a-t-elle dit, de remettre en question leurs principes d’éducation – parce que, après tout ces principes, c’étaient aussi les siens, non ? -, mais aussi, de manière plus globale, qu’elle se tienne à distance et n’empiète plus sur ses plates-bandes de maman. Elle leur avait déjà fait assez de mal comme ça. Elle pouvait au moins avoir la décence, maintenant, d’adopter un profil bas avec Valentine. Mais Jean-Philippe n’a hélas rien dit, rien fait. « Il m’a juste répondu que j’exagérais, soupire la mère de famille, un poil déçue du manque de soutien de la part de son ex-mari. Romane ne se comportait, selon lui, ni en rivale, ni en remplaçante. Elle faisait, devant leur fille, toujours preuve du plus grand respect envers moi et ne me critiquait jamais. Absolument jamais. »

Nouveau tourment

Le plus insupportable pour Nelly est de se dire que, un jour ou l’autre, Jean-Philippe et Romane auront un enfant. « Ça finira bien par arriver », lâche-t-elle d’un ton presque résigné. La semaine dernière, Romane a demandé en douce à Valentine si elle aimerait bien avoir, un jour, un petit frère ou une petite sœur. Fille unique en manque de liens fraternels, la pré-ado a évidemment traduit par : « tu vas en avoir un (ou une) ». « Elle avait des étoiles dans les yeux quand elle m’a raconté cet échange, se souvient Nelly. J’ai une fois de plus fait bonne figure, pour elle, mais au fond de moi je sais que j’appréhende plus qu’autre chose le jour où j’apprendrai cette nouvelle. Je crains de perdre encore davantage Valentine. De devenir à ses yeux la mère célibataire, avec laquelle on s’ennuie un peu – même si j’essaie, malgré mon agenda surchargé, de libérer, autant que faire se peut, du temps pour qu’on fasse des choses ensemble. Et de me torturer chaque jour l’esprit en imaginant qu’elle partage des moments gais et plein de vie avec sa nouvelle famille ».

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