Santé

Ménopause précoce : « J’avais 29 ans, je suis tombée de très haut »

Clémentine* et Romain s’aimaient depuis longtemps. Ils étaient sûrs de vouloir fonder une famille ensemble. À 31 ans, la cheffe de publicité retire son implant contraceptif et constate rapidement des troubles dans son cycle. Ses règles disparaissent pendant deux mois, puis réapparaissent et durent quinze jours, voire plus. Un an plus tard, elles ne reviennent plus du tout. Persuadée d’être enceinte, la jeune femme achète un test de grossesse. Négatif. Elle réitère la semaine suivante, sans plus de succès. Depuis plusieurs jours, Clémentine ressent pourtant des nausées. Et son ventre est tellement tendu et gonflé qu’elle peine à fermer son jean taille 36. Un peu stressée, elle se rend chez sa gynécologue. Le bilan hormonal est sans appel et la douche glaciale : la trentenaire est ménopausée.

Phénomène physiologique naturel, la ménopause se traduit par l’arrêt définitif des cycles et par la fin de la période de fertilité. Elle survient en général entre 45 et 55 ans. Mais lorsqu’elle se produit, comme pour Clémentine, avant l’âge de 40 ans, on parle d’insuffisance ovarienne précoce (IOP). Une maladie qui, sans être fréquente, touche quand même une femme sur cent. 

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De multiples raisons 

« Le diagnostic est posé lorsque les menstruations ont cessé depuis plus d’un an, indique la gynécologue Odile Bagot, auteure de « Ménopause, pas de panique » (Mango) et du blog Mam gyneco. Il doit être confirmé par un bilan hormonal. S’il met en évidence un taux élevé de FSH (hormone folliculo-stimulante), le processus est alors irréversible. »

Les raisons de l’insuffisance ovarienne précoces sont multiples. Elle peut notamment être induite par une chirurgie ovarienne, une chimiothérapie ou une radiothérapie. « Certaines maladies auto-immunes – le lupus, l’hypothyroïdie ou la polyarthrite rhumatoïde, par exemple – peuvent aussi être incriminées, poursuit l’ancienne chef de clinique des hôpitaux de Strasbourg. Tout comme les dysfonctionnements endocriniens et, surtout, la génétique. Si la mère de la patiente a été précocement ménopausée, le risque qu’elle le soit aussi est relativement important. »

Parfois, les ovaires s’arrêtent même de fonctionner à la suite d’un simple choc affectif. Véronique est formelle : sa ménopause est survenue pile-poil après le décès accidentel de son père. La professeure d’arts plastiques venait de fêter son trente-huitième anniversaire. Elle n’avait aucun antécédent familial. Et pas le moindre signe précurseur.

« L’anorexie mentale et le tabac, actif ou passif, peuvent aussi altérer la fonction ovarienne, glisse encore la professeure. Dans la majorité des cas, l’origine de la pathologie reste pourtant une énigme. On sait juste que l’âge des premières règles et la prise d’une contraception orale ne jouent aucun rôle dans son déclenchement. »

Des conséquences sur le quotidien, la santé et la fécondité 

Bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, prise de poids, sécheresse vaginale, baisse de la libido, sautes d’humeur… : les symptômes ressemblent peu ou prou à ceux de la ménopause classique. La carence en œstrogènes augmente également le risque de maladies cardiovasculaires, d’ostéoporose et de diabète. Pour aider la patiente à mieux vivre cette période délicate, il faut donc mettre en place un protocole. Administrés jusqu’à l’âge normal de la ménopause – autrement dit autour de la cinquantaine – les traitements hormonaux substitutifs (THS) réduisent considérablement les désagréments et les risques de mortalité. Ils ne peuvent en revanche être prescrits aux femmes ayant eu un cancer du sein. À noter qu’une activité physique régulière a également des effets bénéfiques.

Et la fécondité dans tout ça ? Elle est fortement mise à mal, même si les ovaires peuvent encore fonctionner pendant de courtes périodes jusqu’à la ménopause définitive et libérer un ovule, ce qui rend la grossesse spontanée possible dans de très rares cas. Lorsque les femmes sont infertiles, elles peuvent bénéficier d’un don d’ovocytes qui leur permet de porter un enfant. Avec de bonnes chances de succès, ce qui n’enlève évidemment rien à leur traumatisme d’être prématurément ménopausées et de ne pouvoir devenir des mères biologiques.

« Ma maladie m’a rendue très solitaire »

Au-delà de la prise en charge médicamenteuse, il est donc souvent nécessaire de proposer un suivi psychologique. « Le jour où mon gynécologue m’a annoncé que j’étais définitivement ménopausée, je suis tombée de très haut, se souvient Natacha. La ménopause, dans ma tête, c’était un « truc de vieille ». À 29 ans, je pensais que j’avais encore toute la vie devant moi pour faire un bébé. J’ai eu peur de ne plus être désirable. »

Trois ans plus tard, la pilule n’est d’ailleurs toujours pas passée. Célibataire, la jeune ergothérapeute ne se dit pas prête à rencontrer quelqu’un. « Je dois avoir inconsciemment peur de tomber amoureuse, lâche-t-elle. Comment expliquerais-je à l’homme de ma vie que s’il reste avec moi, il ne pourra jamais être père ? » Natacha avoue aussi se sentir souvent en décalage avec les femmes de sa génération. « C’est plus fort que moi : j’ai du mal à les entendre faire des projets sur le long terme et parler bébé », concède-t-elle. Pour autant, la trentenaire ne se sent pas plus en phase avec ses ainées qui, comme elle, vivent les affres de la ménopause. « Hormis nos ovaires HS, nous n’avons absolument pas les mêmes préoccupations, poursuit-elle. Ma maladie m’a rendue en fait très solitaire. »

Chez certaines, la nouvelle ne fait pas autant l’effet d’une bombe, surtout quand elles sont déjà mères. Tout juste quadragénaire, Laure souffre d’insuffisance ovarienne précoce depuis bientôt cinq ans. « Je suis séparée du père de mes jumelles et je suis absolument certaine de ne pas vouloir d’autres enfants, explique cette laborantine parisienne. J’ai presque honte de le dire, mais je me sens libérée depuis que je sais que je suis ménopausée. Plus de douleurs abdominales, plus de seins tendus, plus de tampons… Ma sexualité en est même boostée, car je n’ai pas peur de tomber enceinte. »

Pour ce qui est de Clémentine, pas sûre qu’elle soit pour l’heure aussi émotionnellement détachée que Laure. Il n’empêche : après s’être séparée de son compagnon – le choc de son diagnostic et les effets de la maladie ont mis à mal sa relation – la jeune femme a décidé de prendre du recul et de se recentrer sur elle. Elle vient de s’inscrire à un atelier de Qi gong…

*Certains prénoms ont été modifiés

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