Santé

Peur des endroits publics : « J’ai une crainte irrationnelle de me faire tuer »

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Sur le quai du métro, à Paris, voilà ce qu’il se passe dans l’esprit de Zoé. « Et si quelqu’un me poussait sur les rails ? » À cette pensée, elle se positionne au plus près du mur. Puis, lorsqu’elle est enfin assise dans une rame, elle se demande : « Et si quelqu’un venait par derrière pour m’étrangler ? » Là, elle porte sa main au niveau de son cou, comme pour protéger sa nuque. Sur le chemin du métro à chez elle, elle traverse la route pour changer de trottoir et ne pas passer à côté de cette voiture, qui risquerait selon elle d’exploser. La jeune fille de 24 ans résume ses craintes de cette façon : « j’ai la peur irrationnelle de me faire tuer dans un lieu public. Je ne pense pas que tout le monde me veut du mal, mais je me dis qu’il suffit de croiser une personne malveillante pour qu’il m’arrive quelque chose. »

De nature anxieuse, Zoé affirme que sa peur est accrue lorsqu’elle se sent plus fatiguée ou plus angoissée qu’à l’habitude. « Dans ces moments-là, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer le pire. Par exemple, il m’arrive de m’inquiéter du fait qu’on puisse me tuer dans une voiture. Ce qui est totalement irrationnel, je le sais, puisque je ne suis pas J. F. Kennedy ! Il n’y a pas de grandes chances pour que je me fasse assassiner en pleine rue », raconte-t-elle pleine d’autodérision. « Et pourtant, dès que je suis dans un lieu public, je me sens vulnérable. »

Traumatismes ancrés 

« Je n’aime pas du tout qu’il y ait quelqu’un derrière moi quand je marche dans la rue », ajoute-t-elle. « Si c’est le cas, je vais forcément me décaler et attendre que la personne passe devant. » Zoé relie ce réflexe à un traumatisme passé. « Quand j’avais 15 ans, je me suis fait suivre par un homme dans la rue. C’était sur le chemin que j’empruntais pour aller à mon cours de gym, qui se trouvait au milieu d’une zone industrielle. Cette personne ne m’a pas fait de mal physiquement, heureusement. Elle voulait obtenir mon numéro. L’angoisse ressentie à ce moment-là m’a marquée. » Si la peur qu’il lui arrive du mal était déjà présente en elle, cet événement l’a renforcée. « Soudainement, je me suis dit : j’ai beau me dire que c’est irrationnel, le fait est que je ne suis pas complètement en sécurité dans la rue. »

Avant même d’avoir 15 ans, Zoé se souvient d’avoir eu peur qu’il lui arrive quelque chose. En classe de sixième, elle part en voyage scolaire en Angleterre, hébergée dans une famille d’accueil. « Le premier soir, la mère de famille a débranché le téléphone parce que ça l’embêtait que nos parents appellent. Je me souviens alors avoir choisi le lit superposé du haut, avec une logique derrière la tête : si elle décide de me tuer pendant la nuit, être en hauteur me laissera le temps de réfléchir à un plan d’action. » A 12 ans, au cinéma, Zoé anticipe aussi le temps qu’il lui faudrait pour atteindre la sortie de secours si l’un des spectateurs en venait à « sortir une arme ». 

Comment ces peurs se sont-elles nichées en elles dès son jeune âge ? « Mes deux parents étaient de nature anxieuse. Par exemple, ma mère n’a jamais supporté que quelqu’un marche derrière elle dans la rue. Et quand j’étais petite, mon père avait recouvert tous les coins de ma chambre avec de la mousse, parce qu’il craignait que je me cogne et que je meure. » Zoé estime également qu’elle a grandi dans un environnement dans lequel tout ce qui était « extérieur » représentait un potentiel danger. « Dans la petite commune du Loir-et-Cher dans laquelle j’ai vécu pendant 14 ans, il y avait une perception hostile de l’extérieur. Mes parents n’ont jamais réussi à s’intégrer au voisinage, qu’ils me décrivaient comme des personnes peu sympathiques. Il est possible que j’aie intégré le fait qu’à l’extérieur de la maison, je n’étais pas en sécurité. »   

La médiatisation autour de ces événements n’a fait qu’amplifier ma peur

La jeune femme estime que sa peur a aussi été nourrie par l’actualité, notamment par les attentats du 13 novembre, et de Charlie Hebdo. « La médiatisation autour de ces événements n’a fait qu’amplifier ma peur. J’avais des éléments tangibles auxquels m’accrocher pour confirmer le fait qu’il était possible qu’il se passe quelque chose de grave dans un lieu public. » 

Ce n’est pas la seule fois que ses craintes ont été influencées par les informations. L’année dernière, elle est assise dans le métro et lit ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux. « J’apprends qu’il y a eu une attaque au couteau dans une gare en Belgique. C’est une vidéo qui s’affiche à mon écran, et je vois toute la scène de l’agression. Je me rends compte avec effroi que je suis presque dans la même position que la victime. Je suis prise d’une grande panique à l’idée que cela puisse m’arriver. J’ai passé tout le reste de mon trajet avec ma main autour du cou, prête à réagir si l’on m’attaquait. »

Confronter sa peur

Au quotidien, pour apprivoiser sa peur et ne pas se laisser paralysée, Zoé a trouvé plusieurs méthodes. « Cela m’a déjà beaucoup aidé de comprendre que tout ce qui m’avait traumatisée par le passé contribuait toujours à nourrir mes craintes. » Lorsque l’angoisse n’est pas trop forte, la jeune femme parvient aujourd’hui à se rassurer, et à rationaliser ce qui l’effraie. 

« J’ai découvert que plus je me confrontais à des situations qui m’angoissaient, moins elles me terrifiaient. » Récemment, et pendant une année, Zoé a suivi une psychothérapie. Pour se rendre chez son thérapeute, elle doit faire une correspondance dans une station de métro très fréquentée. « Emprunter chaque semaine ces couloirs étroits en devant me mélanger à tant de monde m’a fait le plus grand bien. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que j’avais beau être dans une situation déplaisante, il ne m’arrivait rien. Progressivement, ma peur a commencé à s’amoindrir. »  

Aujourd’hui, elle parvient à ne plus se laisser déborder. « Je pense que cette peur me sert aussi à limiter les dangers autour de moi. Donc le travail que j’essaie de faire quotidiennement, c’est d’identifier si ma peur est justifiée, si elle me sert à de la protection, ou si elle relève uniquement de l’irrationnel. » 

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