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Podcast – C’est mon histoire : « Je me suis évadée pour mieux m’émanciper »

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En couple depuis l’adolescence, je ne supporte pas la solitude. Je suis dépendante affectivement des gens, et surtout de mes petits amis. Démonstrative, j’ai besoin en retour de leur regard, de leur amour, de leur attention, pour me sentir bien, en sécurité. Dans le fond, je n’ai aucune confiance en moi. En 2012, une première rupture avec mon amour de jeunesse ébranle mon fragile équilibre qui finit de s’effondrer à la rupture suivante, trois ans plus tard. Larguée, je me sens profondément nulle. Je suis obsédée par le fait de récupérer mon ex. Comme si mon bonheur tenait seulement au fait qu’un mec m’aime ou ne m’aime pas. Mon seul réconfort, je le trouve dans le confort douillet de mon appartement et auprès de mes super voisins. Seulement, vu le montant du loyer, je suis obligée de changer de travail pour pouvoir continuer à le payer. Manque de bol : je dois bosser comme une malade pour un boulot isolé, stressant et sans aucune reconnaissance. À l’époque, j’en veux aussi à mes parents, d’origine plutôt modeste, de ne pas m’avoir accompagnée davantage pour trouver ma voie, faire des études et réussir professionnellement. À 28 ans, je suis bourrée de frustrations, de complexes. Je n’ai jamais voyagé, je ne joue pas d’un instrument, je ne maîtrise aucune langue étrangère. Je parle au conditionnel de ce que « j’aurais pu » ou « aurais dû » faire dans la vie. Comme s’il était déjà trop tard… Coincée dans des stéréotypes sociaux, je sens que j’aspire à autre chose, sans trop savoir comment m’y prendre pour tout bousculer.

Me mettre à l’épreuve

Plus roots que moi, mon ex m’avait fait rencontrer des gens très différents, qui vont dans des festivals le week-end alors que je suis plutôt branchée shopping dans le centre de ma petite ville de province. Libres, épanouis, ils m’ont prouvé qu’une autre vie était possible, loin des normes imposées. Ils m’ont poussée à avoir la rage et, surtout, à me respecter. Je les admire d’entreprendre ce que je n’ose à peine imaginer, comme partir seule à l’aventure. Au fil des échanges, je me rends compte que l’unique frein, finalement, c’est ma peur. À force d’être effrayée par tout, je ne me lance dans rien. Cet hiver-là, premier défi : je m’offre un week-end en solo, avec un hébergement en couchsurfing, à Florence. L’été suivant, je pars en Turquie avec ma meilleure amie dans un esprit nomade. On rencontre plein de gens en route et je me sens super bien, dans mon élément. Concours de circonstances : à mon retour, mon employeur me propose une rupture conventionnelle, avec des indemnités à la clef. Un déclic. J’avais enfin le budget et l’opportunité pour relever ce défi : barouder pendant trois mois en Asie du Sud-Est, une destination conseillée pour un premier road-trip car simple et sûre pour une femme. Je rêvais aussi depuis longtemps de voir les temples d’Angkor au Cambodge. Un peu flippée, je collecte plein d’infos sur les lieux où aller, les comportements à adopter, les spots à voir… Et le lendemain de Noël, je m’envole pour l’Indonésie où je retrouve une amie pour trois semaines. Avec elle, j’apprends quelques tuyaux de « backpackers » : comment bien négocier sa chambre d’hôtel, ses transports, etc. Je retrouve ensuite une autre amie dans le sud de la Thaïlande pour dix jours. Le soir de son départ, je discute avec une Chinoise dans mon auberge et nous finissons par faire la fête ensemble toute la nuit ! Après un mois avec des proches, j’étais prête à me mettre à l’épreuve et à vivre à mon rythme, selon mes propres envies.

Soudain, tout était possible

Dès le lendemain, je mets le cap sur le nord de la Thaïlande. On m’avait dit qu’il était très facile de rencontrer des gens en voyage. J’avais du mal à y croire mais c’est absolument vrai. On est très rarement seul et on fait des rencontres incroyables. Rapidement, tu vas à l’essentiel et tu crées des liens forts. La barrière de la langue finit par sauter et on arrive toujours à se faire comprendre. Après un trajet en car, j’ai passé trois jours avec un punk en rangers et une assistante de grandes fortunes à Monaco. J’ai échangé avec des gens de toutes les nationalités, en m’autorisant enfin à être la personne que je voulais être. Soudain, tout était possible ! J’ai pris le parti d’oser faire confiance. Suivant les lieux où je dormais, je partageais parfois ma chambre. J’ai aussi vu des endroits fous et expérimenté la formidable solidarité humaine en cas de galère. J’ai eu un accident de scooter en Thaïlande et les habitants se sont précipités pour m’aider et m’administrer les premiers soins. Au Laos, ma carte bleue a été « avalée » par un distributeur juste avant que j’embarque sur un bateau pour rejoindre le Cambodge par le Mékong. Des Français m’ont offert le petit déjeuner dans l’auberge que je quittais et une Suisse m’a dépannée de 50 dollars pour pouvoir payer mon visa et ma première nuit d’hôtel à l’arrivée. À force d’être sans cesse entourée, j’ai même ressenti le besoin, la dernière semaine, de m’isoler sur une île au Cambodge pour pouvoir dormir, lire, me balader… Autant d’activités qui représentaient un gâchis de temps pour moi auparavant. Le retour, avec un billet acheté au dernier moment, a été un peu déprimant, mais plus question de me plaindre pour tout. On a quand même la chance de vivre dans un pays en paix, avec des transports de qualité, la Sécurité sociale et l’école pour tous. Mon expérience en Asie a changé mon regard sur la France et sur la vie en général. J’ai décidé de positiver et de ne plus m’autoflageller. J’ai gagné en tolérance et en confiance en moi, ce qui a profondément modifié mes relations avec les autres.

« Aujourd’hui, je ne sais pas de quoi demain sera fait… et je ne veux surtout pas le savoir. »

Avant de partir, je fréquentais un mec qui est peu à peu entré dans ma vie. Pendant mon voyage, il likait mes photos sur Facebook et m’envoyait des messages. À mon retour, on s’est vraiment mis ensemble. L’année suivante, on est partis tous les deux sac au dos à travers l’Amérique du Sud, où j’ai retrouvé des amis rencontrés lors de mon escapade en Asie. On a eu une petite fille l’an dernier, et même si ma famille est au centre de mon monde, mon mec n’est plus mon absolue priorité. On fait des choses chacun de notre côté, sans jalousie ni dépendance. Créer une famille m’a révélé des aspects inconnus de ma personnalité, ouvert des perspectives. Ce n’est en rien un sacrifice, plutôt une aventure excitante à trois. Aujourd’hui, je ne sais pas de quoi demain sera fait… et je ne veux surtout pas le savoir ! J’aime l’idée de pouvoir saisir les opportunités quand elles se présentent, rencontrer de nouvelles personnes et prendre le risque de sortir de ma zone de confort pour repousser mes limites. Inventer ma vie, à mon image.

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 18 octobre 2019. Abonnez-vous

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