Santé

Trou de mémoire : les signes qui doivent alerter

Notre capacité à mémoriser de nouvelles informations est en permanence sollicitée. Entre les difficultés du quotidien et des problèmes plus importants qui peuvent signaler le début d’une maladie, il n’est pas toujours évident de faire le tri. 

À 15 ans, lorsqu’on oublie son sac de sport, on n’en fait pas toute une histoire. À 40 ans, si on ne se souvient plus où sont les clefs de voiture, on s’interroge. Pourtant, aucune différence entre ces deux situations.

Les troubles de la mémoire surviennent à tout âge. Dans l’immense majorité des cas, ils sont bénins et reflètent la fatigue, le manque de sommeil, le stress ou de banals problèmes de concentration, rassure le Dr Jean-Pierre Danjean, médecin généraliste.

Comment savoir si on a des troubles mnésiques ?

Les troubles de la mémoire qui sont également surnommés troubles mnésiques ou perte de mémoire sont une altération de la capacité, indique le site de l’Assurance maladie (source 1) :

  • Soit à mémoriser un fait nouveau ;
  • Soit à se rappeler d’un souvenir ;
  • Soit à faire les deux.

Les troubles de la mémoire peuvent toucher n’importe quel type de personne. De nombreux enfants et adolescents souffrent de troubles mnésiques au cours de leurs scolarités pour diverses raisons et à divers degrés (source 2). Les « trous » de mémoire, sont souvent anodins mais ils peuvent être invalidants lorsqu’une maladie ou un traumatisme sont en cause.

Le saviez-vous ? Nous possédons 5 types de mémoire

La mémoire se compose de cinq systèmes interconnectés, impliquant des réseaux neuronaux distincts, explique l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) (source 3) : 

  • La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau ;
  • La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de représentation consciente à long terme ;
  • La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients ;
  • La mémoire perceptive est liée aux différentes modalités sensorielles.

Oublier des choses n’est pas forcément un problème

À la manière d’un ordinateur en surchauffe, notre mémoire peut nous faire défaut « lorsqu’on est soumis à trop de stimuli extérieurs, ou que les soucis monopolisent nos pensées ».

Le plus souvent, ces oublis sont liés à un déficit d’attention, soit au moment même de retenir une information, soit plus tard, lorsqu’il s’agit de la restituer pour pouvoir l’utiliser, précise la Pre Florence Pasquier, neurologue et responsable du Centre mémoire ressources et recherche du CHU de Lille.

Les émotions jouent aussi un rôle important. Le Dr Danjean explique : « une émotion forte permet de consolider un souvenir : impossible d’oublier par exemple cette fête surprise il y a vingt ans ! Mais à l’inverse, un contexte émotif important peut compliquer la restitution d’une information pourtant bien mémorisée, comme lorsqu’on s’exprime en public ».

Si oublier est un processus normal, il convient toutefois de vérifier que les troubles de la mémoire ne révèlent pas un problème de santé sous-jacent, sans que le cerveau lui-même soit en cause.

Il peut s’agir d’un dérèglement de la thyroïde, d’une ménopause accompagnée de bouffées de chaleur importantes et de troubles de l’humeur, ou de pathologies qui gênent le sommeil comme l’apnée obstructive ou le syndrome des jambes sans repos. Il ne faut pas non plus négliger l’effet de certains médicaments comme les benzodiazépines, ou encore des problèmes d’audition.

Dans tous ces cas, la mémoire n’est qu’une victime collatérale et pour y remédier, il faut traiter le problème à sa source.

Quand faut-il s’inquiéter des pertes de mémoire ?

Si oublier n’est donc pas l’apanage de la vieillesse, certaines modifications apparaissent avec l’âge : « Plus on vieillit et moins on apprend vite. Notre attention est aussi plus facilement perturbée », résume la Pre Pasquier.

En d’autres mots « un enfant de 10 ans et un adulte de 50 ans n’ont pas besoin du même temps pour mémoriser un poème. Mais si tous les deux l’apprennent correctement, il n’y a aucune raison qu’ils ne s’en rappellent pas aussi bien l’un et l’autre quelques jours plus tard », insiste le Dr Danjean.

Dès lors, quand doit-on s’inquiéter ? Après 60 ans, il existe des signes qui peuvent alerter, comme « des oublis répétitifs concernant des événements récents, ajoute le Dr Danjean. « L’entourage s’inquiète et parle de ‘radotage’ : la personne pose plusieurs fois la même question et semble incapable de mémoriser la réponse, même lorsqu’on lui fournit des indices, ce qui est un signal d’alerte important ».

En général, la personne se rend compte de ses troubles de mémoire, on parle alors de déficit cognitif léger. Dr Danjean

Quels sont les signes pouvant indiquer la maladie d’Alzheimer ?

Si la personne elle-même ne se rend compte de rien et ne se plaint pas, il y a plus de risque qu’il s’agisse d’une maladie d’Alzheimer. Il faut s’inquiéter dès lors qu’elle :

  • Ne parvient plus à retrouver un objet alors qu’il est à sa place ;
  • Ne sait plus utiliser un appareil connu ;
  • Se perd dans des lieux familiers ;
  • Oublie le prénom de ses proches ou des dates marquantes ;
  • A du mal à trouver ses mots et en utilise certains à mauvais escient.

Pourquoi j’oublie des choses ponctuellement ? Quand s’inquiéter ?

Il est probable que ces troubles de la mémoire soient liés à un déficit de l’attention et/ou de la concentration : « notre mémoire ne peut alors pas encoder correctement l’information, la stocker afin de pouvoir la restituer ensuite », souligne la Dre Véronique Lefebvre des Noëttes. Ainsi, bien souvent, l’oubli d’un titre de film vu récemment, du passage d’un livre lu la veille, du détail de ce qui a été dit en réunion il y a quelques jours ou de l’endroit où on a garé sa voiture relève d’un défaut de vigilance et n’est pas forcément inquiétant.

Ces types d’oublis s’inscrivent en général dans un contexte que l’on est capable d’identifier : on a mal dormi, on est stressé, on n’a pas le moral…, cite la Pre Audrey Gabelle, neurologue au Centre mémoire de ressources et de recherche du CHU de Montpellier et présidente de la Fédération des centres Mémoire.

Que faire en cas de perte de mémoire ponctuelle ? Quelles solutions ?

  • Se donner des indices : « contextualiser la situation peut permettre de réamorcer la mémoire et de faire remonter l’information », conseille la Dre Lefebvre des Noëttes. Si on ne se souvient plus où l’on a posé ses clés ou ce que l’on est venu faire dans une pièce, refaire le trajet inverse et reconstruire ce qui s’est passé. On a sur le bout de la langue le nom d’une ville visitée l’été dernier, mais il ne veut pas sortir ? Repenser alors avec qui on était, les quartiers que l’on a explorés, le restaurant où l’on a déjeuné… ;
  • Se calmer : « si l’information ne revient pas tout de suite, mieux vaut se calmer, car dans la majorité des cas elle va finir par revenir dans le circuit de la mémoire ».

Pourquoi j’oublie fréquemment des choses ? Quand s’inquiéter ?

Des troubles de la mémoire qui se répètent au moins deux à trois fois par semaine, ne doivent pas être banalisés. Surtout dans ce type de situations :

  • Les oublis perdurent alors qu’il n’y a pas de facteurs qui puissent les expliquer comme des troubles du sommeil, une période de stress, ou que l’on est distrait par nature ;
  • « Il s’agit de choses auxquelles on faisait très attention avant ou qui avaient pour nous une valeur affective et émotionnelle », rapporte la Pre Gabelle. Par exemple, le prénom d’une personne très proche, la date de naissance d’un enfant ou d’un parent, un rendez-vous important, l’endroit où l’on a passé son voyage de noces, un message que l’on a oublié de transmettre parce qu’on ne se souvient pas de l’appel lui-même… ;
  • Les oublis ont un retentissement dans la vie quotidienne : « par exemple, on oublie systématiquement, ou presque, son numéro de carte Bleue, on ne se rappelle plus de l’endroit où l’on range toujours son carnet de chèques, si l’on a pris ou non ses médicaments habituels, quel est le numéro du bus que l’on emprunte régulièrement », rapporte la Dr Lefebvre des Noëttes ;
  • On constate soi-même, ou notre entourage nous le fait remarquer, que les capacités de notre mémoire ont vraiment diminué, notamment dans des domaines que l’on maîtrisait très bien avant. Le fait d’avoir de plus en plus de mal à trouver ses mots, ou d’employer à la place des mots « fourre-tout » (chose, machin, truc…) doit aussi éveiller l’attention ;
  • Malgré nos efforts, des indices que l’on se donne ou que quelqu’un d’autre nous fournit, on n’arrive toujours pas, ou très mal, à retrouver l’information oubliée.

Avoir des pertes de mémoire fréquentes : que faire ?

Consulter son médecin traitant qui fera un premier bilan.

Déjà, pour rechercher d’éventuels facteurs de risque cardiovasculaire et les traiter s’ils existent : diabète, hypertension, hypercholestérolémie. Ils entraînent en effet une mauvaise oxygénation du cerveau, pouvant être à l’origine des troubles de la mémoire, indique la Dre Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre et gériatre à l’hôpital Émile-Roux (Limeil-Brevannes, AP-HP).

Une dépression sous-jacente, une hypothyroïdie, des apnées du sommeil peuvent aussi être en cause. « De même, certains médicaments altèrent l’attention et la vigilance, comme les somnifères, les anxiolytiques ou certains traitements de la prostate », dit la Pre Gabelle. « Il est parfois possible de les substituer par d’autres molécules qui n’ont pas cet effet-là ».

Faire tester son audition et sa vue : « si on entend mal ou on voit mal, l’encodage des informations ne sera pas bon et la restitution sera faussée », note la Dr Lefebvre des Noëttes.

Si aucune cause n’est trouvée, ne pas hésiter à consulter un spécialiste

Si aucune de ces causes n’est retrouvée ou que les oublis persistent, il ne faut pas avoir peur de prendre rendez-vous pour une consultation mémoire pour faire un bilan plus complet.

« Ces consultations permettent d’être pleinement rassuré(e) si les tests éliminent une éventuelle maladie d’Alzheimer, ce qui est le plus souvent le cas, et de recevoir des conseils de prévention pour éviter que les troubles ne s’accentuent », souligne la Pre Gabelle (adresses sur le site www.centres- memoire.fr).

Dans notre consultation spécialisée au CHU de Lille, un quart des personnes que nous recevons ne présentent aucune pathologie sérieuse, et de simples conseils permettent de résoudre leurs problèmes. Pre Pasquier

Avoir une bonne hygiène de vie, dormir suffisamment, stimuler son cerveau : il est clairement démontré que cela améliore la qualité de notre mémoire à tout âge, mais aussi, et c’est sans aucun doute le plus encourageant, que cela peut diminuer le risque de survenue d’un trouble cognitif léger et/ou d’une maladie d’Alzheimer.

À lire aussi : Que faire face à Alzheimer ? Dre Véronique Lefebvre des Noëttes, éd. Le Roche Poche. 8,90 €.

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