Santé

Womanizer : comment ce sextoy a révolutionné le plaisir féminin

LE GÉO TROUVETOU DE L’ORGASME

La révolution du Womanizer tient d’abord à sa technologie novatrice : un système imparable de stimulation du clitoris par aspiration. Quel cerveau génial est donc à l’origine de cette trouvaille ? Une féministe engagée ? Un géant de l’industrie porno ? Il s’agit en réalité d’un couple d’entrepreneurs allemands, Michael et Brigitte Lenke. Ingénieur agricole de formation, Michael est un fou d‘inventions, qu’il élabore dans son garage. En tout, il a déposé mille brevets à son nom, dont une technique pour maintenir la petite taille des bonsaïs qui fit sa première fortune. Au cours d’une lecture, il tombe sur un article évoquant le gap orgasmique : le fait que les femmes déclarent prendre moins de plaisir que les hommes lors des relations sexuelles. Intrigué, le MacGyver allemand sent le filon. Il interviewe de nombreux gynécologues, en parle longuement à sa femme et se concentre sur le clitoris et ses huit mille terminaisons nerveuses. Son idée : une stimulation douce avec de l’air pulsé. L’aspirateur à clito est né ! Pendant deux ans, sa femme sert de cobaye pour les ajustements. En 2014, le Womanizer est lancé.

LA NORMALISATION DU SEXTOY

« Aujourd’hui, le mot Womanizer est entré dans le langage courant, tout comme Frigidaire, qui est également une marque, s’amuse Camille Aumont Carnel, qui anime le compte @ jemenbatsleclito et autrice “Des mots du Q” (éd. Larousse). C’est devenu un basique des sextoys. Sa force, c’est de s’éloigner de l’image de l’énorme gode vulgaire qu’on s’enfonce. Et puis ça correspond mieux à la réalité, puisque 80 % des femmes ne se masturbent pas du tout par voie interne. Cet outil, qui n’a pas la forme d’un pénis, mais plutôt d’un joli galet coloré, est devenu complètement acceptable. » Design, doux, rond, il se pose sur la table de nuit sans créer de gêne.

Autre point fort : son positionnement malin qui l’a sorti de l’univers ringard et glauque des sex-shops pour en faire un objet bien-être, voire santé. On ne compte plus les études parues sur les bénéfices de l’orgasme, bon pour le moral et antistress. « Je m’en sers aussi quand j’ai mes règles, c’est très efficace pour les douleurs menstruelles », poursuit Camille Aumont Carnel. Au point qu’il est devenu un cadeau qu’on se fait entre copines, ou même sous le sapin. La masturbation, une nouvelle routine « wellness » ? Womanizer a d’ailleurs sorti en juin dernier un pommeau de douche pour se faire plaisir, avec jets d’eau adaptés et vitesses de réglage. Un shampooing, un orgasme, et la journée commence bien !

MON CLITO, CE HÉROS

« Je ne sais pas si Womanizer est un objet politique, disons qu’il surfe sur une révolution sociétale autour du plaisir féminin en marche depuis #MeToo, analyse Camille Aumont Carnel. Un objet n’est jamais à l’origine d’un progrès politique, les femmes n’ont pas attendu ces appareils pour se masturber, mais oui, il a répondu à un besoin. » Pour Léa, sexothérapeute et créatrice du compte @ MerciBeaucul_, « le Womanizer a tout de même permis de montrer que l’orgasme féminin n’est pas un mystère si compliqué. Un argument qui pouvait servir aux hommes pour se dédouaner si leurs copines ne jouissaient pas.

Avec ces nouveaux sextoys clitoridiens, on peut y arriver en une demi-seconde. Cela montre qu’il faut juste s’intéresser au plaisir féminin et avoir une meilleure compréhension physiologique des femmes ». Et c’est ce que fait l’industrie florissante de la Sextech, qui développe des dizaines de modèles de sextoys clitoridiens plus innovants les uns que les autres. « Il faut s’imaginer qu’il y a de très nombreux ingénieurs qui travaillent dans le seul but d’inventer le truc ultime et imbattable au niveau du plaisir féminin, c’est du jamais-vu », s’amuse Camille Aumont Carnel. Autre évolution, selon Léa : « Les hommes le voient aussi comme un outil complémentaire, sa forme ronde n’entrant pas en compétition avec leur pénis. Beaucoup de couples l’utilisent ensemble, ça a permis à plein de garçons de comprendre comment fonctionnait le clitoris de leur copine et la puissance du plaisir féminin. Ils ont réalisé que la pénétration ne suffisait pas. »

UN MARKETING IRRÉSISTIBLE

Derrière l’image féministe du Womanizer se cache surtout un juteux business et un discours marketing ultra-rodé surfant sur la tendance sexpositive et les multiples comptes Instagram autour de la sexualité féminine. On ne compte plus, en effet, les partenariats rémunérés avec des sextagrammeuses. De quoi toucher directement un public sensible à ces questions de jouissance. Comme une marque de parfum ou de vêtements, les sextoys se sont aussi offert les services d’égé- ries célèbres. « Je me masturbe, et vous ? » a-t-on pu lire sous la photo de la chanteuse Lily Allen présentant un modèle conçu en collaboration avec la marque. Oubliée la petite entreprise lancée dans le garage d’un couple allemand. Aujourd’hui, Womanizer appartient au Lovehoney Group, géant du sexe connecté, et annonce avoir vendu plus de 4 millions de produits dans le monde depuis 2014. Des ventes largement boostées par les confinements successifs. Chaque lancement d’un nouveau modèle est désormais un événement mondialisé. Prochain en date : le 16 janvier en simultané à Hong Kong, New York, Londres, Berlin et Brisbane.

TOUTES ADDICTs ?

Selon les chiffres fournis par Womanizer, 90 % des femmes qui l’ont testé disent avoir atteint un orgasme. Un plaidoyer ! « Plein de filles qui n’avaient jamais eu d’orgasme y sont arrivées avec ces nouveaux sextoys clitoridiens, confirme Camille Aumont Carnel. Avant, elles n’osaient sans doute pas se toucher, elles n’aimaient pas le contact peau à peau, l’idée d’utiliser leurs mains pour se masturber. Ça a vraiment révélé à beaucoup ce qu’était le plaisir. » Un constat que confirme Léa de @MerciBeaucul_ : « J’ai reçu plein de témoignages de femmes me disant qu’elles n’avaient jamais joui comme ça avant. Mais certaines me disent aussi que sans ces sextoys, elles ne pourraient plus jouir. Le risque, c’est que cela devienne une sexualité fast-food, on prend ce truc qui va vite et on consomme nos orgasmes. Ça peut donner une sexualité un peu mécanique. »

À laquelle on devient accro ? « Certaines ne savent plus comment atteindre l’orgasme autrement, et même pendant les rapports sexuels, abonde Camille Aumont Carnel. Plein de filles l’utilisent plusieurs fois par jour, certaines l’emmènent même au bureau pour s’en servir dans les toilettes. Il faut dire que c’est tellement fort et facile d’arriver à l’orgasme en quelques minutes, on peut être tentée d’enchaîner un peu de manière compulsive. Ce qui mène à un autre sujet : celui de la désensibilisation du clitoris. »

Depuis quelques années, en effet, de nombreux articles et sexfluenceuses alertent à ce sujet : trop de stimulation pourrait nuire à notre plaisir, même si aucune étude ne l’a encore démontré. « On ne connaît pas les effets à long terme de ce genre de vibromasseur, insiste pourtant Bethsabée Krivoshey, cofondatrice de Baûbo, une marque de soins pour la vulve. C’est une zone très fragile et sensible. Moi, je n’utilise plus le Womanizer, qui est trop fort, le modèle Coco de la marque Puissante est plus doux. Comme pour toutes les innovations, il y a eu un engouement un peu fou et, aujourd’hui, il faut se poser la question d’une utilisation plus modérée. De toute façon, tout ce qui est mécanique dans la sexualité est a priori un peu dangereux. Ça t’éloigne de toi, de tes sensations. Jouir en 26 secondes, est-ce que c’est vraiment ça l’idéal ?


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