Santé

Allô Giulia ? : « L’absence de rapports sexuels pose problème dans mon couple »

« Chère Giulia

Je ne peux pas dire que je n’ai plus de désir pour mon mec, c’est faux. C’est ce qu’il pense, mais c’est faux. Il pense aussi que je voudrais aller voir ailleurs, mais là-dessus, pareil, il se plante. En revanche, il a raison sur un point – ça, c’est mathématique, difficile à nier : on fait nettement moins l’amour qu’avant. Quand on s’est rencontrés, c’était partout, tout le temps, n’importe quand, n’importe comment… Ni lui, ni moi, n’avions jamais connu ça. Julien est un mec assez respectueux, assez à l’écoute – ça change ! Après, je ne saurai pas dire exactement ce qu’il s’est passé… Je ne sais pas si c’est le temps qui passe (huit ans, quand même), les enfants (deux), ou le stress, ou la fatigue, ou le quotidien, ou tout ça à la fois, mais c’est vrai que j’ai moins envie. Dis comme ça, ça peut paraître évident. Sauf que lui a toujours envie. Autant qu’avant. Et je ne sais pas comment il fait…

Je préfère (très) peu de sexe, mais du bon sexe

Au début, il venait me chercher tout le temps. Mais je l’ai tellement repoussé qu’il n’a plus osé. Et l’autre soir, il a explosé. De colère, de tristesse, et de frustration, m’a-t-il dit. Ça m’a foutu un coup. Je n’imaginais pas sa détresse, et je me suis sentie complètement démunie. Parce que le pire, c’est que, moi, notre vie sexuelle me va. Oui, parfois, j’aimerais qu’on fasse plus souvent l’amour. Mais pour ça, il faudrait qu’on vive ailleurs que dans un TGV lancé à 300 à l’heure en permanence. Pardon, mais le soir, je m’écroule. Je n’ai qu’une envie, c’est de dormir – et je sais, ce n’est pas méga sexy… En revanche, dès qu’on est en vacances, ou dès que la pression se relâche un peu, l’envie revient, intacte, et je pourrais le plaquer contre le mur – ce que je fais, d’ailleurs, et ça toujours aussi bon.

En fait, moi, je préfère (très) peu de sexe, mais du bon sexe. Lui, j’ai parfois un peu l’impression que du moment qu’il tire son coup, il est content. Et peu importe si c’est pas top. Peu importe si on pense à dix mille choses en même temps. Peu importe si on n’a rien fait ensemble de la semaine, ou pas échangé de la journée. À vrai dire, moi, c’est ça que je ne trouve pas hyper sexy… Ce côté un peu « consommateur du cul », si vous me passez l’expression. Résultat, de ce côté-là je nous sens de temps en temps très loin l’un de l’autre. Et je ne sais pas comment on pourrait faire pour se rejoindre… Est-ce que je dois me forcer, même un peu ? Est-ce que j’ai raison de lui dire non ? De penser que tant qu’on rit, tant qu’on a des projets ensemble, tant qu’il y a de la tendresse, en fait, tout va bien ? Ou est-ce que son coup de tonnerre, c’est un signal d’alarme : attention, mon couple part en sucette ? » – Laura, 39 ans  

« Chère Laura,

Au risque de vous faire une belle jambe… Vous pouvez toujours chercher, vous ne trouverez pas un couple, même chez les Inuits, qui n’ait pas traversé ce que vous me racontez. Oui, le temps érode le désir. Oui, l’alchimie des premiers instants résiste mal au quotidien – surtout avec enfant. Oui, les années passant, la sexualité se travaille, mais, non, elle ne perd pas forcément en qualité. Et, oui aussi, les femmes expriment plus souvent une baisse de désir que leur compagnon… Mais non, les hommes ne meurent pas s’ils ne baisent pas. La détresse de Julien, aussi intense soit-elle, ne doit pas vous brouiller la vue : Le. Sexe. N’est. Pas. Un. Besoin.

Le désir est une matière vivante. Il est donc fluctuant

Le problème, c’est qu’on nous a appris à le considérer comme tel, tout en le restreignant à un répertoire strictement reproductif, quand nous avions pour devoir unique, homme et femme, de perpétuer l’espèce. Ilf allait avoir des rapports parce qu’il fallait faire des enfants. Point. Et c’est ça qui n’est pas sexy, Laura… Mais quelque chose me dit que les temps ont changé, que la pilule a été inventée, et qu’on peut faire l’amour par plaisir, sans pour autant rôtir en enfer. Je dirais même que c’en est la seule raison valable. Sans plaisir, pas de désir. Et sans désir, alors le sexe devient une contrainte… Une de plus, sur la To Do List déjà longue comme le bras pour les femmes. Et c’est là qu’on retombe sur ces bons vieux rôles sexués qui nous assignent à résidence… Si Julien, comme tous ses congénères, n’avait pas été élevé dans l’idée qu’un homme, ça conquiert, ça chope, et ça retourne madame sur la table, en aurait-il toujours aussi envie ? Je veux dire : cette envie, qu’il exprime, est-elle, chaque fois, un vrai désir de communion du corps et de l’esprit avec la femme qu’il aime ? J’en doute. Ou alors, ça veut dire qu’il est hermétique à tout : à sa vie, qui a changé, à son quotidien, qui s’est légèrement chargé, au temps, qui a passé…

Le désir est une matière vivante. Il est donc fluctuant, par essence, et ne peut, au grand jamais, être imperméable aux circonstances – à moins d’être un dildo, une machine ou un sociopathe en puissance… Les femmes, elles, ont toujours eu droit aux états d’âmes, et la migraine leur était même fortement recommandée : une femme bien n’a pas envie de sexe, point. En revanche, une femme bien fait le ménage, la lessive, et change les couches des enfants. Résultat, aujourd’hui encore, même dans les couples les plus woke, elles se tapent à la fois la charge domestique, et la charge mentale : la gestion, et l’organisation du quotidien. À quoi s’ajoutent les charges domestiques et affectives : infirmières et geisha à la fois, dans l’imaginaire collectif, elles ont aussi la responsabilité du bien-être à deux, et du bien jouir ensemble.

Alors, vous savez quoi ? Évidemment que vous vous écroulez de fatigue, le soir… D’ailleurs, c’est peut-être par là qu’il faut commencer : votre bien-être, à vous – preuve que ça fonctionne : en vacances, vous lui sautez dessus. Faites en sorte de partir en vacances de vous-même, et de votre couple, même dans le TGV. Ouvrez la fenêtre, prenez l’air, de temps à autre, et goûtez le paysage. Vous riez toujours, tous les deux ? Vous avez toujours de la tendresse l’un pour l’autre ? Alors faites-moi confiance : c’est par là que le désir viendra. Je vous embrasse, Giulia. »

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