Santé

La question psy des parents : « Mon ado veut dormir en couple sous notre toit, comment réagir ? »

L’adolescence est une période propice aux premières étreintes, aux premières caresses, aux nouvelles façons d’explorer son corps et celui de l’autre. En France, l’âge médian du premier rapport sexuel est de 17,6 ans pour les filles et 17,0 ans pour les garçons, selon le Baromètre santé 2016, de Santé publique France.

« Maman, est-ce que mon petit copain peut dormir à la maison ce week-end ? » Si la demande n’est pas toujours formulée de façon si explicite, elle peut provoquer un certain malaise dans la relation parent-enfant. Pour cause, elle reflète tout un tas de questionnements et de problématiques liés à la vie sexuelle de son propre ado : la peur de rentrer dans une forme d’intimité, d’être trop intrusif. La nuit, certains parents ne peuvent s’empêcher de s’imaginer certaines scènes embarrassantes, d’interpréter tel ou tel bruit. « Dois-je accepter ou refuser catégoriquement ? » Pour toutes ces raisons, les parents ne savent pas toujours quoi répondre à leur progéniture. 

Alors, faut-il lui parler de vos propres doutes ? Y a-t-il d’autres étapes à mettre en place avant d’accepter que son/sa partenaire dorme en couple sous votre toit ? Faut-il poser des limites liées aux rapports sexuels et aux marques d’affection ? Comment aborder la thématique de la santé sexuelle tout en respectant sa vie privée ?

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LA RÉPONSE D’UNE PSYCHOLOGUE

« Excepté dans les familles monoparentales, il faut que les deux co-parents soient d’accord, avant d’autoriser leur enfant à dormir avec leur petite copine ou leur petit copain. S’il y a des questions qui émergent, c’est souvent en lien avec les doutes, les angoisses ou les questionnements des parents. Le mieux est de faire le point sur ses ressentis, les partager avec son co-parent, qui peut parfois nous aider à alléger quelques appréhensions.

Quelles sont les bonnes questions à me poser ? 

Est-ce que mon enfant est heureux ? Qu’est-ce que signifie être en couple pour lui ? Est-ce qu’il y a une sexualité ? Si l’idée de recevoir le/la partenaire de son enfant peut faire peur, cela peut aussi faire plaisir, car c’est la preuve que notre ado nous fait confiance. 

Quel cadre imposer à mon ado ?

La façon dont on l’accueille à la maison s’établit généralement dans un cadre concret, en mettant des règles en place, auxquelles l’adolescent·e doit pouvoir consentir. S’il ne les respecte pas, la question de la sanction ou du refus total, à l’avenir, peut se poser. Si les parents refusent que leur ado ait des pratiques sexuelles au sein de leur domicile, il est important de bien formaliser leurs limites. Pour ce faire, ils peuvent en discuter ensemble, entre co-parents, et avec leur enfant.

Les limites peuvent aussi s’établir autour des marques d’affection. De nombreux parents refusent que leur ado embrasse son/sa partenaire, ou pose des gestes de tendresse devant eux, par gêne. Ce que je recommande souvent en consultation, c’est de faire le point sur ce qui les dérange vraiment. En effet, l’ado n’a peut-être pas attendu la validation de ses parents pour avoir des pratiques sexuelles, chez eux en leur absence, ou dans d’autres lieux. Néanmoins, s’il s’agit de son couple et de sa vie sexuelle, et que tout cela relève de sa propre liberté, le contexte – à savoir le domicile familial – ne doit pas être mis de côté par l’adolescent·e. Tout est question du compromis. Le plus grand conseil que je puisse donner, c’est d’essayer de communiquer sur la gêne que cela peut occasionner, des deux côtés. Lever les tabous, les barrières que l’on peut avoir en tant que parent, et aider son fils ou sa fille à en parler également. 

Comment lui parler de sexualité sans le brusquer ?

Le maître-mot, c’est la « diplomatie ». Ainsi, il y a plusieurs erreurs à ne pas commettre :

  • Parler de sa propre sexualité d’ado. Les enfants sont souvent hermétiques à ce type d’approche, car ils ne sont pas prêts à s’imaginer que leurs parents ont pu avoir une vie sexuelle à l’adolescence. Cela provoque souvent un dégoût immédiat chez eux. « Moi, tu sais, à ton âge… », à partir de cette phrase-là, ils n’écoutent plus.
  • Se comporter comme un inspecteur de police, en imposant une réunion annuelle pour aborder le sujet de la sexualité pendant une heure, et ne plus en parler jusqu’à la prochaine fois.

À l’inverse, il vaut mieux diversifier les échanges, en le faisant réagir à un film ou une série, par exemple. « J’ai entendu parler de tel livre. Est-ce que cela t’a intéressé·e ? Est-ce que ça t’a plu ? » 

On peut aussi aborder la question de l’éveil corporel, en demandant à son enfant s’il a besoin de sous-vêtements, dans un magasin, par exemple. Ou bien lui demander s’il ou elle a envie de consulter un·e gynécologue. Tous ces leviers pour parler de son corps, son cœur et sa sexualité, seront des méthodes beaucoup plus douces et moins intrusives. Ainsi, l’ado sera beaucoup plus réceptif·ve au discours du parent, et se sentira plus en confiance pour poser des questions.

Concernant les thématiques de la santé sexuelle et du consentement, il y a un vrai travail de fond à réaliser. Il ne faut pas attendre que son petit garçon ait 15 ans pour commencer à évoquer le consentement, la santé sexuelle, la santé physique, etc. Il y a tout ce travail éducatif à faire en amont sur la question du corps qui n’appartient qu’à soi, le désir sexuel ou l’éveil sexuel. Il est aussi important de parler de contraception, et des IST, même si tout le monde n’a pas les mêmes responsabilités. 

Que faire si je ne suis vraiment pas à l’aise à l’idée que mon ado dorme en couple chez moi ?

Si le parent dit « oui », et sent une tension ou un malaise monter au fil des jours, mieux vaut faire deux pas en arrière et expliquer à son ado qu’il préfère ne pas réitérer l’expérience, pour le moment en tout cas. Lui préciser que ce n’est pas contre lui/elle, mais que la situation est assez désagréable, trop intrusive.  

Cela ne veut pas dire que l’on ne sera jamais prêt. On peut aussi proposer à son enfant d’inviter son petit copain ou sa petite copine à manger, le convier au rituel pizza-ciné du vendredi soir, dans un premier temps, pour faire connaissance. De nombreux parents ont besoin de temps pour s’acclimater, et accepter que leur enfant puisse aussi aimer quelqu’un d’autre. » 

(*) Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, spécialisée dans le domaine de l’enfance, l’adolescence et la famille. 

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