Santé

Allô, Giulia ? : « Mes amis pensent que ma compagne est toxique »

« Chère Giulia,

Je suis en couple avec Barbara depuis plus d’un an, et je ne sais toujours pas quoi en penser. Enfin, quand je dis « couple », avec elle, c’est concept : elle me l’a dit dès le départ, le quotidien, la vie à deux, l’engagement, ce n’est pas son truc. Elle est plus âgée que moi (dix ans) et elle a beaucoup morflé. Donc, elle se méfie. Mais, je vois que, petit à petit, elle se détend : pendant des mois, elle filait au milieu de la nuit. Aujourd’hui, elle reste au petit-déjeuner avec moi. Autre exemple : elle ne m’avait jamais présenté personne de son entourage, je commençais à m’en inquiéter un peu, à douter de moi, ou de nous, mais ça y est, j’ai rencontré sa garde rapprochée – ils sont chouettes, vraiment.

C’est vrai que pour quelqu’un, qui, comme moi, est plutôt fleur bleue, ça n’était pas évident au départ. Mais, je me suis habituée, et en fait, je crois que ça me va, un peu d’air – même si, comme disent mes potes, Barbara, c’est carrément de la bourrasque, tellement elle déboule et repart sans prévenir… Oui. Ils ont raison. Mais, une bourrasque, c’est intense, ça surprend, ça fait vibrer. Comme je n’ai jamais vibré avant. Avec elle, rien n’est jamais installé, jamais acquis, jamais prévisible. Mais, du coup, entre elle et moi, c’est comme au premier jour : les retrouvailles, les effusions, le manque, tout. Et, le sexe, c’est… Wow —  tellement, tellement ça…  

Alors évidemment – enfin, je suppose que c’est logique – les engueulades, elles aussi, sont toujours aussi intenses. Ça, je n’adore pas. Je suis plutôt Suisse, moi. Ou alors casque bleu de l’ONU : team négociations, discussions, et compromis. J’ai été éduquée comme ça, je n’aime pas quand ça crie. Après, il ne faut pas exagérer, ce n’est pas tout le temps non plus. En fait, c’est le seul bémol, et il n’est même pas régulier. Donc moi, je dirais que tout me va, tant que c’est avec elle. Mais, quand j’en parle avec mes amis… Outch. Je sens qu’ils en ont parlé, je sens que quelque chose ne leur va pas.

Un soir, j’ai fini par leur rentrer dedans : je leur ai demandé ce qu’ils pensaient de Barbara, et de mon histoire avec elle. Ils me sont tous tombés dessus. Ça allait de « elle n’est pas pour toi », à  » elle est carrément toxique, quitte là », en résumé. J’ai vu rouge, je me suis tirée. Je me disais : comment peuvent-ils être mes amis et ne pas me soutenir dans ce qui, pour moi, est la première, vraie, grande histoire d’amour de ma vie ? 

Je me suis couchée folle de rage contre eux, et j’ai mis les distances quelque temps… Jusqu’à ce que je me rende compte à quel point ils me manquaient, à quel point je les aimais. Et là, le maxi doute : se pourraient-ils qu’ils aient raison ? » – Alice 35 ans.

« Chère Alice,

Ni vos amis, même les mieux intentionnés, ni moi, même la mieux disposée, ne serons jamais dans votre tête, dans votre cœur, dans votre histoire, à l’une, à l’autre, à toutes les deux. Vous n’avez plus quatre ans, personne d’autre que vous ne sait ce qui est bon pour vous. Or, l’amour étant chose aussi mystérieuse que singulière, vous, moi, vos amis n’y chercheront, n’y trouverons pas les mêmes choses. Et, rien n’a jamais réussi à prouver que les seules histoires dignes d’être vécues sont celles qui t’apportent la maison en meulière, la Volvo Break, et le Golden Retriever.

En revanche, une relation toxique repose sur des critères assez clairement définis -je ne parle pas de discussion de comptoir, je parle de travaux psy. Je ne parle pas non plus d’histoire toute pourrie / triste à mourir / méga relou, mais bien de toxicité. Le mot est fort. Quand il est posé, il mérite qu’on s’y attarde un peu.

Bien (raclement de gorge, profonde inspiration, et on y va). Est toxique une relation qui : vous rabaisse, vous ratatine, vous humilie, vous transforme en profondeur, et vous isole. Barbara vous a-t-elle coupée, ou éloignée de vos amis ? Elle est à la source d’un clash, certes. Reste à savoir ce qu’il durera. Barbara vous a-t-elle rabaissée ou humiliée ? Vous ne le dites pas. Mais, je vous sens prête à vous mettre en quatre pour elle, quand elle ne semble pas décidée, elle, à faire beaucoup d’effort pour parler votre langage amoureux. Ça, à minima, ça s’appelle une  » relation déséquilibrée ». 

Avant de la considérer toxique, tentez un truc, qui peut marcher : essayez, vous aussi, de poser vos limites, de manifester vos envies, de dire vos exigences. Vous verrez, ça peut vous faire le plus grand bien, à toutes les deux…  Mais, continuons : vous êtes-vous transformée, en profondeur, à son contact ? Modifiez-vous certaines de vos habitudes, masquez-vous certains aspects de votre vie, en sa présence ? Vous reconnaissez-vous, quand vous êtes seule avec elle ? Prenez le temps d’y réfléchir, Alice, parce que c’est fondamental.

L’autre, parce que vous l’aimez, parce qu’il vous aime, est censé révéler la meilleure version de vous-même…  À vous lire, je suis incapable de vous dire quel effet a réellement Barbara sur vous. Ce qui est sûr, c’est que, de très « conjugale », avec elle, vous vous êtes mise à aimer les courants d’air. Aujourd’hui, vous me dites que vous en aviez besoin, que cette nouvelle souplesse vous fait du bien, et je suis prête à vous croire. Est-ce la meilleure version de vous-même ou est-ce que, au contraire, vous vous contraignez à le penser pour lui plaire ? Vous êtes, encore une fois, seule à le savoir.

N’empêche que vous me semblez assez inconfortable dans cette relation : il y a ces disputes, que vous n’aimez pas, mais que vous encaissez, et puis cette façon de « ne pas savoir sur quel pied danser »… Bien sûr, l’incertitude fait partie du grand frisson amoureux. Et, tout est toujours une question de dosage. Mais si ce flou vous porte à tout accepter par peur de la perdre, alors là, oui, on a un problème : une relation, c’est à deux qu’elle se construit. À mi-chemin l’un.e de l’autre qu’elle se nourrit. Vous n’avez pas à vous « habituer » à elle, au risque de vous oublier, vous. Barbara n’est pas un animal sauvage, et vous n’êtes pas dresseuse d’ours : plus d’un an avant de passer la nuit entière avec vous, ça paraît un peu longuet, non ? 

Maintenant, si vous êtes parfaitement sincère, avec moi, comme avec vous, quand vous me dites que tout vous va, tant que c’est avec Barbara… Alors, foncez, parce qu’on ne vit qu’une fois – et parfois, il y a du vrai dans le cliché. C’est vous qui savez de quel côté penche la balance souffrance/plaisir, et c’est le seul indicateur viable.

Au fond, vous n’avez de comptes à rendre à personne d’autres qu’à vous-même. Tant que, dans cette histoire, vous vous sentez reconnue et respectée, goûtez-en le (si) bon. Le jour où vous vous sentez niée, écrasée, piétinée… Tirez-vous. Sans hésiter. Et, moi, je vous embrasse, Alice. »

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