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Bachelor version senior : pourquoi l’émission fait polémique aux États-Unis ?

De l’émission « Le Bachelor », en France, on a surtout retenu l’hilarante parodie de Jonathan Cohen, « La Flamme », sur Canal+. Comment, pris au premier degré, un concept aussi réac et misogyne – un homme doit choisir sa future fiancée entre vingt-deux femmes qui rivalisent de chatouneries pour lui plaire – peut-il encore faire de l’Audimat? Aux États-Unis, réputés berceau du wokisme, c’est pourtant le cas. Depuis le premier épisode du « Golden Bachelor » sur la chaîne ABC, les audiences grimpent un peu plus chaque semaine, flirtant avec les 5 millions de téléspectateurs, et la plateforme Hulu annonce un record historique de vues en streaming. La raison du carton ? L’âge du capitaine ! 

Le « golden » du titre de l’émission n’a rien à voir avec la fortune du candidat mais fait référence aux « golden years », ces « années en or » que couleraient les retraités, enfin débarrassés de leurs obliga- tions professionnelles et éducatives. Du dating pour seniors, en somme, mais avec la touche glamour – ou kitsch, c’est une question de point de vue – qui est la marque de fabrique de la licence Bachelor. Les messages-phares du programme ? Pas de date limite pour tomber amoureux ! Se redonner une chance de bonheur est toujours possible ! Une proposition d’autant plus habile que l’âge moyen des téléspectateurs d’ABC est de… 64ans ! Alors, à l’écran, ça donne quoi ?

Le profil parfait 

Dans ce programme, tout est dans le casting. Reconnaissons que le profil de Gerry Turner, le héros de la saison 1 du « Golden Bachelor », est plus proche d’un Brad Pitt que d’un Robert Tartempion, éleveur de vaches allaitantes de « L’Amour est dans le pré ». À 72 ans (eh oui), tout en blondeur (naturelle) et sourire féerique, on lui donnerait la petite cinquantaine : seule concession à son âge, un discret Sonotone qu’il surnomme son « bonbon d’oreille ». Ancien restaurateur (un gars qui cuisine ? rhoooo !), Gerry vit dans l’Indiana, dans une jolie maison au bord d’un lac (vous l’avez, la balade en canoé au coucher du soleil ?).

Il est père de deux filles quadragénaires et grand-père de deux petites-filles (déduction : fatalement acquis à la cause féminine). Il est croyant, mais pas fanatique (Gerry prie volontiers pour les candidates qu’il renvoie chez elles, c’est chou). Et là où son profil d’homme idéal tourne au génie, c’est qu’il est veuf. Jamais divorcé, non, mais marié pendant quarante-trois ans à son amour de jeunesse, victime d’une maladie fulgurante en 2017, six semaines seulement après avoir pris sa retraite. Comme sorti du brainstorming d’une équipe marketing sous coke, Gerry Turner est pourtant tout aussi réel que les femmes venues lui faire la cour. Et c’est là où le bât commence à blesser. Dans la première émission, où les candidates arrivent au « château », on a vu sortir vingt- deux baby boomeuses des limousines.

Sortir ? Non, jaillir, plutôt. Talons hauts, robes lamées, longs cheveux soyeux, jarret ferme et ventre plat, aucune n’avait l’air d’avoir l’âge de sa fiche technique (de 60 à 70 ans). Une seule s’est extraite avec difficulté de la voiture avant de s’avancer lentement vers Gerry, appuyée sur un déambulateur. Et devinez quoi ? C’était une blaaaague ! Renee, ex pom-pom girl, a enchaîné avec une chorégraphie digne de Las Vegas. Au fil des émissions, on a vu ces femmes « s’affronter » à motos, effectuer des strip-teases sous l’œil ravi, mais jamais égrillard, de M. Parfait. Et le débat s’est enflammé. Même le vénérable « New York Times », peu enclin à se passionner pour les émissions de dating, a consacré plusieurs papiers à la controverse.

Avis partagés

D’un côté, toutes celles (et ceux) qui pensent que montrer que la vieillesse n’est pas un naufrage donne du pouvoir aux femmes. On peut avoir 65 ans et être sexy comme jamais, c’est réconfortant. Pourquoi vouloir faire rimer ménopause avec sinistrose ? Certes, les candidates du programme sont pomponnées comme des caniches de concours, et leurs seins qui regardent le ciel semblent suspects, mais après tout, c’est leur choix de femmes adultes. Les habitués du « Bachelor » historique trouvent ces seniors beaucoup moins pestes que les trentenaires, dont l’un des sports préférés consiste à gâcher les tête-à-tête du prince charmant avec leurs concurrentes. Une télé-réalité qui montre des femmes mûres sympathiques et fair-play, c’est bon pour la cause !

C’est aussi la cruauté de ce programme qui attire les gens

De l’autre côté du spectre, nombre de féministes s’étranglent de colère. Pourquoi montrer ces corps, ces visages irréels comme représentatifs d’une génération qui voudrait juste qu’on lui fiche la paix avec les stéréotypes ? Pourquoi pense-t-on que, pour plaire à un homme, il faut se donner tant de mal afin de ressembler à ça ? Sur le fond, le côté ringard du concept de l’émission pose également problème : le summum de l’amour, ce serait donc une demande de fiançailles, vraiment ? Et ces participants qui n’évoquent jamais les idées politiques ou sociétales des uns et des autres, comme si ça ne comptait pas dans la séduction, on en pense quoi ? Au fait, la cruauté des cérémonies où des sexagénaires tremblotent sur leurs stilettos en attendant qu’on veuille bien leur tendre une rose, on en parle ?

Un argument que les fans du « Bachelor » balaient d’un revers de la main : c’est aussi la cruauté de ce programme qui attire les gens. On regarde ce type d’émission pour se défouler, souvent au second degré, et on est prêt à rire des hommes autant que des femmes ! Après l’élimination de Susan Noles, candidate chérie du public, une pétition a d’ailleurs circulé pour qu’elle soit la future première « Golden Bachelorette », inversant les rôles dans une démarche « féministe ». Une chose est sûre, ce qui réunira des millions d’Américains le 30 novembre pour la grande finale n’est pas une passion commune pour la sociologie. Avant d’être un phénomène de société, « The Golden Bachelor » est une télé-réalité, dont les défauts font tout le sel… Bonne chance à Gerry et à toutes ses girls !

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