Santé

Comment apprendre la gestion des émotions à son enfant ?

Identifier

« Il ne s’agit pas d’apprendre à son enfant à contenir une émotion, lance d’emblée Vincent Joly, psychologue pour enfants et adolescents. L’enjeu est de lui permettre d’identifier ce qu’il éprouve. » Cette étape d’apprentissage est primordiale. Les enfants en bas âge ne savent pas appréhender les émotions qu’ils perçoivent. Si l’on ne met pas de mots sur leur ressenti, cela risque de créer en eux de la confusion. « C’est d’autant plus important à la maison que l’école n’offre pas toujours l’espace nécessaire à l’expression de ces émotions, regrette le psychologue. On y supporte mal qu’un élève soit débordant d’excitation ou d’agitation. Or, l’univers médiatique dans lequel on vit surstimule nos vécus émotionnels – enfants comme adultes. Ces deux tendances contraires nécessitent un apprentissage plus poussé. »

Le spécialiste invite d’abord les parents à observer si leur enfant parvient par lui-même à dire ce qu’il ressent. Puis, il faudra prendre des exemples dans notre vécu afin d’illustrer des sensations. Pour expliquer ce qu’est la tristesse, on peut par exemple lui dire très sincèrement : « quand mamie est décédée, j’étais très triste. » Si l’on souhaite évoquer la joie, on peut évoquer un anniversaire passé ou une bonne nouvelle reçue. « Notre enfant va tout de suite comprendre !, assure Vincent Joly. Et cela lui montrera que les émotions ne sont pas seulement l’affaire des petits, c’est aussi le lot de chaque adulte. Il pourra ainsi mieux appréhender ses ressentis, ceux de ses parents et de ses enseignants. » Avant toute chose, l’adulte doit donc se demander si lui-même perçoit ses propres émotions, ce qui n’est pas si simple.

Traduire l’émotion

Pour aider son fils, ou sa fille, à mettre en mots ce qu’il ressent, on peut tenter d’émettre des hypothèses. « Si notre enfant semble s’impatienter et que l’on sent monter en lui de la colère, on peut lui suggérer : « j’ai l’impression que tu es fâché », propose Vincent Joly. Ainsi on lui donne une sorte de modèle de traduction de son émotion. » Les prochaines fois, il sera peut-être en mesure de vous dire par ses mots : « je suis fâché ».

« Il s’agit d’inviter les adultes à être authentique », abonde Marion Cuerq, spécialiste des droits de l’enfant et autrice du livre « Une enfance en nORd » (1). Après avoir passé dix ans en Suède, à observer la culture éducative du pays, elle décrit : là-bas, les enfants pleurent et crient – tout comme en France – mais les parents réagissent différemment. « On ne prétend pas être le tout-sachant, en enseignant verticalement à son enfant comment il doit gérer ses émotions ; on l’invite dans une relation d’égal à égal pour apprendre ensemble à gérer la vie émotionnelle », affirme-t-elle. Et d’ajouter : « L’adulte n’a pas, lui non plus, toutes les connaissances sur les émotions, et en assumant cette vulnérabilité, il crée un lien de confiance avec son enfant. »

Les émotions se constatent, mais ne se contrôlent pas

Ainsi, lorsqu’un parent vit une période de stress, inutile de le cacher et de dire que tout va bien. La différence entre le propos et le ton utilisé se ressentira. « On ne peut pas tricher avec les émotions, prévient le psychologue. Surtout que les enfants sont très attentifs au langage non-verbal. » Et lorsque lui-même vivra une crise, il prendra notamment pour modèle le fonctionnement de son parent. Raison de plus pour lui montrer que l’on accepte l’imperfection émotionnelle. « Les émotions se constatent, mais ne se contrôlent pas, insiste le spécialiste. Une fois constatée, on peut contrôler l’expression de ces émotions, mais pas le ressenti lui-même. »

Accueillir et partager l’émotion

Ressentir des émotions est une bonne chose. Vouloir contenir celles de notre fils ou de notre fille est déjà peine perdue. « Au contraire, il faut pouvoir les autoriser à vivre et à confier l’excitation, la joie et l’enthousiasme, mais aussi la tristesse et une certaine forme de colère, indique Vincent Joly. En tant que psychologue, on est plus inquiet pour des enfants qui n’arrivent pas à ressentir que pour des enfants qui débordent d’émotions. »

Là encore, l’apprentissage passe par l’exemple. Un parent doit s’autoriser à accueillir et partager ses ressentis devant son enfant, et ce, qu’ils soient positifs ou négatifs. « Si on lui dit que c’est important de dire qu’il est triste, mais qu’on s’enferme dans la salle de bains quand on pleure, nos actes et nos propos sont incohérents », souligne le psychologue. Le parent doit donc s’accorder de la bienveillance, et accepter de se montrer vulnérable autant que possible.

Exprimer par le dessin

En dehors des moments de crise, il est possible de faire le point avec notre enfant sur ses vécus émotionnels… Et sur les nôtres. « On peut inviter son enfant à une séance de dessins partagée, pendant laquelle on ne fait pas de beaux dessins, préconise Vincent Joly. Dessiner comme on le veut, sans se soucier de l’esthétisme, ouvre un champ de ressentis et permet au parent et à l’enfant d’avoir un espace d’expression émotionnelle pour évacuer ce qui le reste du temps ne se dit pas. » Un monstre pourra par exemple exprimer la peur ou la colère ; des excréments pourront être le signe d’un sentiment de honte, de gêne ou d’infériorité.

Dialoguer après une crise

Vivre ses émotions. Et les dépasser. Car s’il est important que l’enfant puisse les éprouver et les exprimer, il n’en reste pas moins nécessaire qu’il soit capable de le faire d’une manière supportable pour le monde extérieur. « Pour ce qui est de la colère par exemple, il faut enseigner à l’enfant de ne pas taper, mais plutôt de dire qu’il s’est senti blessé ou énervé, souligne Vincent Joly. Lui apprendre à passer par les mots plutôt que par le corps. » Cet enseignement ne se fait toutefois pas au moment même de la crise. Lorsqu’un enfant déborde, on ne peut pas faire grand-chose, en dehors de tenter de comprendre s’il a besoin de parler ou plutôt de s’isoler pour se calmer.

Après la tempête émotionnelle passée, il est cependant important de revenir avec lui sur ce qu’il s’est passé, en prenant en compte ce qu’il a ressenti tout en l’invitant à l’avenir à exprimer ses émotions avant d’exploser. Le plus important étant de sentir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour chaque enfant. Comme en Suède, où l’horizontalité des relations parent-enfant favorise une écoute mutuelle. « Dans la culture suédoise les parents vont à la rencontre de leurs enfants, il y a une égalité de dignité grâce à laquelle l’enfant est pris au sérieux dans ses ressentis », indique la spécialiste des droits de l’enfant Marion Cuerq. Avant de conclure : « Les enfants se sentent plus en confiance et c’est l’objectif, pour qu’ils aient envie de coopérer sur le long terme. »

(1) « Une enfance en nORd, pour une éducation sans violence et à hauteur d’enfant », de Marion Cuerq, éditions Marabout.

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