Santé

C’est mon histoire : « J’ai essayé le naturisme »

« NE RÉFLÉCHIS PAS, désape-toi »

Un peu paumée, en pleine nature, je palpite de stress et d’excitation quand j’aperçois sur le chemin deux petits messieurs retraités, leurs sacs de déchets à la main… nus comme des vers ! C’est bon, j’y suis ! J’ai réussi à trouver mon chemin jusqu’au camp naturiste où mon compagnon m’attend pour un séjour d’une semaine, mon premier du genre. J’ai été élevée dans un milieu assez conservateur. Pour moi, la nudité ne va pas de soi. Je n’ai jamais vu mes parents nus et j’ai longtemps été gênée par mon corps. Impossible de me balader sans vêtements à la maison, seule et encore plus devant mon mari. Lui, au contraire, n’avait aucun complexe à enlever le haut et le bas. Nos vingt ans de vie commune n’ont rien modifié à l’affaire. Notre rupture a changé la donne.

Peu à peu je me suis autorisée à me promener en slip chez moi et à y prendre du plaisir. Physiquement, c’est hyper agréable de sentir le vent sur sa peau nue. Une fois, je me suis baignée sans maillot : une sensation extraordinaire. Et quelle fierté de réussir enfin à dépasser ma pudeur pour m’accepter comme je suis ! Du moins à mes yeux… Le regard des autres, par contre, c’est un autre défi, flippant et à la fois tentant, comme un saut à l’élastique à réaliser au moins une fois dans sa vie. Je m’en suis ouverte à mon nouveau compagnon. Deux semaines plus tard, surprise : il me propose de l’accompagner dans un camp naturiste. Mon coeur s’est accéléré. Entre le fantasme et la réalité, il y a un fossé. En plus, ce milieu traîne plein de préjugés. Mais tous les camps naturistes n’ont pas une réputation sulfureuse.

Mon copain m’a d’ailleurs vite rassurée sur l’ambiance de notre destination, a priori nature et familiale. Six semaines plus tard, après plusieurs heures de route, me voilà sur site. Je constate vite que le lieu est conforme à sa description : un vieux corps de ferme, avec un grand champ, des animaux, une forêt à l’horizon et des bungalows à flanc de colline. À l’arrivée, je me demande si je dois me déshabiller d’emblée. Autour de moi, femmes, hommes, enfants, personnes âgées, tout le monde est nu. Y compris mon copain, qui m’attend sur le seuil de notre bungalow, avec un grand sourire. Il me dit : « Ne réfléchis pas, désape-toi direct. »

Mais la nudité met tout le monde à l’aise et sur un même pied d’égalité

Je m’exécute et on partage une bière pour se détendre avant d’aller à la piscine. Sans consignes particulières,  j’ai fait ma valise comme d’habitude : baskets, tongs, robes, maillots et… un paréo, qui va se révéler être un outil stratégique. Je m’entortille dedans pour traverser le campement. Je ne sais pas trop où regarder les gens que l’on croise. À mon grand soulagement, eux ne me scrutent pas. Avant de venir, j’avais soigné mon bronzage et mon épilation pour être le plus « présentable » possible et faire en sorte que rien ne dépasse. Je ne veux surtout pas accrocher les regards. À l’entrée de la piscine, la douche est obligatoire et l’eau est translucide, ce qui me rassure sur l’hygiène impeccable du lieu. En fait, tout le monde se promène avec une petite serviette pour s’asseoir dans les espaces communs, comme sur les transats de la piscine, redoutablement bas.

Grand moment de solitude : comment s’y installer sans exposer son intimité ? Au prix de nombreuses contorsions, j’arrive à poser ma serviette et trouver la bonne position pour m’allonger sur le transat en toute dignité : pas facile ! Étendue, les jambes croisées, je commence à observer les uns et les autres derrière mes lunettes noires, plus pour me rassurer que dans un trip voyeuriste. Il y a des corps de toutes sortes : des grands, des petits, des gros, des peaux tachées, ridées, affaissées, des marques, des cicatrices et même des micropénis. Mais la nudité met tout le monde à l’aise et sur un même pied d’égalité. Il n’y a plus de faux-semblants ni de jugements par le vêtement : une mise à nu au propre comme au figuré. J’éprouve vite un sentiment de sérénité et de plénitude. 

En confiance, je décide d’aller piquer une tête dans l’eau. Enfin, plutôt de trouver la meilleure option pour m’y glisser discrètement. En nageant, je retrouve cette pure sensation de l’eau sur mon corps nu et mes parties intimes. Après quelques longueurs, je me pose sur les marches d’accès à la piscine, à côté d’une dame retraitée. On commence à parler et elle me confie que c’est également sa première expérience naturiste. Je suis plutôt de nature réservée mais je trouve que l’atmosphère, bienveillante, crée de la proximité et facilite les échanges, sans barrières sociales ou physiques.

LA NUDITÉ réveille les sens

Sur le site, il n’y a ni télévision ni activités, à part la piscine, un bar et un terrain de pétanque, où les gens se retrouvent le soir. C’est généralement le moment où je dégaine mon paréo pour me protéger de l’humidité et de la fraîcheur qui monte. Idem le matin pour aller chercher ma baguette. Au bout de trois jours, j’ai pris le rythme, très reposant, du lieu, et j’oublie que je suis nue, même si je fais toujours gaffe en m’installant sur mon transat. On ne se défait pas de quarante ans de complexes du jour au lendemain… Mais je sens que j’ai fait du chemin et que mes verrous sautent petit à petit. Ce qui me rend épanouie. Au point de vouloir pousser l’expérience en m’aventurant dans la forêt voisine. 

Un après-midi, le temps est un peu couvert mais je convaincs mon compagnon d’enfiler ses baskets, notre seul vêtement, pour me suivre dans les bois. Je prends quand même mon fameux paréo pour me couvrir en cas de rencontre avec des non-naturistes. En forêt, la fraîcheur et l’humidité nous saisissent tout de suite. La nudité de nos corps renforce l’éveil de nos sens. En marchant, les branches nous effleurent la peau, les feuilles nous caressent, le moindre courant d’air nous fait frissonner. C’est très sensuel. Soudain, il se met à pleuvoir et le contact des gouttes sur la peau est incroyable. On se met alors à courir, nus et euphoriques, sous l’averse, pour rejoindre le camp : un souvenir magique.

« UN MESSAGE NOUS INVITANT à les rejoindre… »

Contrairement à ce que j’imaginais, la nudité à longueur de journée n’appelle pas le sexe non-stop. Au contraire. À force, cela tend à désérotiser le corps. Je pense même que cela peut casser le désir dans un couple. À mon sens, la chair cachée est bien plus sexy que la chair à nu. Sur place, nous avons sympathisé avec un couple de notre âge. Nous nous sommes retrouvés trois jours de suite pour l’apéro. Le dernier soir, l’ambiance avait changé. Ils étaient plus langoureux, démonstratifs entre eux. Mon compagnon m’a ensuite fait remarquer que l’homme était en érection. Je ne m’en étais pas aperçue sur le moment, heureusement. 

Trois jours après notre départ du camp, plus de doute : nous avons reçu un message de leur part nous confirmant leur statut de couple libre et nous invitant à les rejoindre. Je n’avais rien soupçonné du tout. À l’avenir, j’essaierai d’être moins naïve, plus vigilante et claire sur mes envies et mes limites. Car j’espère renouveler l’expérience dès que possible. Je suis sortie de ce premier séjour profondément apaisée et je me suis rhabillée à contrecoeur. En été, on est vraiment mieux tout nu ! Le naturisme m’a rendue plus confiante et indulgente dans mon rapport à mon corps et aux autres. Dans le fond, on se fout des apparences, l’essentiel n’est pas là. 

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