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C’est mon histoire : « Je suis tombée amoureuse de mon confident »

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JE CHÉRIS NOTRE COMPLICITÉ

Ce soir-là, Matthieu, d’un naturel pourtant plutôt timide, était si assuré. « Il fallait que je le sache », m’avait-il expliqué dans mon salon : il était amoureux de moi, depuis longtemps. Je ne m’attendais pas à cette déclaration, même si je pressentais ses sentiments. Matthieu, un collègue de travail rencontré dix ans auparavant, longiligne, teint pâle et cheveux blond vénitien. Matthieu, 27 ans, quelques années de moins que moi, habitait encore chez ses parents parce que, pour le moment, c’était plus pratique. Matthieu qui, depuis quelques mois, me sortait, m’avait entraînée à la salle de gym, m’encourageait. Son attention et sa gentillesse constante à mon égard me redonnaient confiance, me guérissant sans doute de ma dernière relation amoureuse toxique. Alors, devant sa déclaration, et au nom de cette amitié que je chérissais, je lui devais ma sincérité : je n’étais pas amoureuse. Mon histoire précédente avec celui que j’ai décidé d’appeler uniquement par l’initiale de son prénom, S., m’avait tellement détruite, que je ne pouvais rien envisager ni avec lui ni avec un autre.

J’avais rencontré S. quelques mois après la séparation du père de ma fille et le début de notre relation avait été flamboyant. Il déployait une fantaisie de tous les instants, improvisait des fêtes, suscitait le rire, était capable sur un coup de tête de parcourir 100 kilomètres pour aller dîner chez des amis. Son énergie me portait, me contaminait. Nous étions comme deux ados dans l’illusion de tous les possibles, grisés par cet amour naissant. Mais très vite, quelques semaines seulement après notre premier baiser, il s’était montré possessif, soupçonneux de tout. Il ne me voulait plus que pour lui. L’excellent rapport que j’entretenais avec le père de ma fille l’inquiétait. Il voulait que je n’appelle mes amis qu’en sa présence. Quand je buvais un verre avec mes copines, je le voyais traîner comme par hasard dans les parages, à travers la vitre du café. Un mauvais film.

AVAIS FAIT UNE CROIX SUR LES HOMMES

Après ses crises de jalousie à chaque fois plus violentes, il venait s’excuser, en pleurs, m’expliquant que sa mère ne l’avait pas aimé, que les autres femmes avec qui il avait partagé sa vie l’avaient fait souffrir. Qu’il craignait de me perdre parce que, disait-il, « il n’avait jamais connu un amour si fort ». Je traversais ces montagnes russes croyant à la force de son amour, qui en réalité n’en était pas, pensant que j’arriverais à panser ses blessures, et que, ce faisant, un jour, tout irait mieux. Jusqu’au moment où son agressivité n’a plus été que verbale, mais aussi physique. À partir de cette main levée sur moi, j’ai tout mis en œuvre pour qu’il sorte à jamais de ma vie. La relation avait duré deux ans mais elle avait tout broyé sur son passage. À commencer par moi. Pour me reconstruire, je m’étais recentrée sur ma famille, mes amis retrouvés, et ma fille avec laquelle je vivais comme dans un cocon, les semaines où elle était à la maison. Pour me protéger, j’avais fait une croix sur les hommes, j’avais l’impression qu’il en allait de ma survie.

NOTRE AMITIÉ NE ME SUFFIT PLUS

Après cette soirée vérité, Matthieu et moi avons continué à nous voir mais les jours passant, nos rendez-vous sont devenus plus rares. Il partait beaucoup en déplacement pour son travail, venait moins à la salle de sport. C’était peut-être mieux pour lui, pensais-je. Puis ses voyages se sont arrêtés et nos conversations au bureau ont repris, notre routine à la salle de gym aussi. Cependant, quelque chose avait changé. Une réserve dans ses gestes, dans son regard, comme s’il prenait de la distance, qu’il avait intégré l’impossibilité de notre histoire. Étrangement, j’en ressentais une petite déception qui par moments me pinçait le cœur. En six mois, nous avions construit une vraie complicité, sa délicatesse et son respect à mon égard me touchaient tellement. Il était devenu cet ami infaillible sur lequel je pouvais compter, m’appuyer, et avec qui je pouvais échanger des heures durant. J’aurais tellement aimé que mon « non » ne change rien à notre relation, mais c’était illusoire. Et puis un soir, où nous avions convenu de nous retrouver à la salle de sport, tout a basculé. À peine arrivée, je l’ai vu en train de discuter avec une fille. Et ils riaient. En une seconde, mon cœur s’est emballé, mon cerveau aussi. Deux pensées s’y bousculaient : « Cette fois, c’est bel et bien fini. Tu es passée à côté de lui, malheureuse ! »

Mes peurs étaient plus fortes que mes sentiments

Au moment où je perdais Matthieu, je m’apercevais que je tenais à lui plus que tout. Dissimulant mon trouble, je suis allée les saluer avant de me changer et de le rejoindre sur le tapis de course. J’ai réussi à tenir dix minutes de discussion anodine avant de poser la question qui me taraudait : « C’est ta copine ? » Sa réponse négative m’a allégée d’un coup. Dès lors notre relation s’est inversée. Alors qu’il gardait de la distance pour se protéger, c’est moi qui suis passée en mode conquête, à me rapprocher de lui dès que je le pouvais, à lui proposer d’aller à la salle ou de prendre un verre. Je ne voulais plus le lâcher et, quelques semaines plus tard, nous nous embrassions. Une évidence, qui ne fut pourtant pas suffisante. Je ne doutais pas de mes sentiments pour Matthieu mais je n’étais pas prête à me lancer dans une vie de couple. Comme une plaie mal cicatrisée, le fantôme de S. venait me hanter ou plutôt cette crainte que l’on ne m’étouffe à nouveau. Ainsi, Matthieu manifestait son envie de me voir souvent, mais je tempérais sans cesse : « Non, pas ce soir, j’ai besoin d’être seule », « Pas ce week-end, je vais rester avec ma fille ». Je voyais bien son regard déçu, ses questionnements à propos de mes sentiments, et sa peine m’attristait. Nous en parlions mais mes peurs étaient là, plus fortes que mes sentiments.

JE NE VEUX PAS TE PRIVER DE LA JOIE D’ÊTRE PÈRE

C’était d’autant plus irrationnel que je savais que Matthieu était ma chance de reprendre confiance en l’amour et de reconstruire quelque chose. Son amour infini, sa manière de ne jamais me brus- quer, son assurance tranquille, sa maturité. D’ailleurs, alors que j’avais peur qu’il passe directement de ses parents à chez moi, il avait déménagé, s’était acheté une maison. Je savais également qu’il voulait des enfants. Nous en discu- tions souvent, il espérait peut-être me convaincre, mais je restais inflexible. J’avais 36 ans, je n’y pensais plus, jusqu’à ce énième échange sur mon canapé : un déclencheur, à retardement. Le ton était sérieux, j’avais longuement réfléchi et j’étais sûre d’une chose : je ne voulais à aucun prix le priver d’être père un jour. « Je n’ai pas changé d’avis et si tu décides de me quitter parce que tu veux un enfant, je comprendrai. Et jamais je ne pourrai t’en vouloir », lui ai-je dit. Il m’a fixé d’un regard à la fois grave et doux avant de répondre : « C’est avec toi que je veux vivre, donc tant pis je n’aurai pas d’enfants. » Il venait de m’offrir une fois de plus une preuve d’amour, la plus grande sans doute. Il m’a fallu encore quelques mois et autant de séances chez le psy pour dénouer les nœuds que j’avais dans la tête, comprendre que la vie ne resservait pas toujours les mêmes plats. Et, un jour, j’ai senti que j’étais prête à avoir un enfant avec lui. J’avais 38 ans, et je suis tombée enceinte quelques semaines plus tard. Aujourd’hui notre fils a 1 an et demi, ma fille, 14 ans. Matthieu et moi avançons dans la même direction, des projets plein la tête, pour notre couple, notre petite famille. Jamais je n’aurais cru connaître un bonheur à la fois si grand et si simple.

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