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C’est mon histoire : « Pour Noël, il m’a offert un plan Tinder »

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Avant Seb, je n’aimais pas Noël. Pour moi, ça sentait le froid, la solitude et l’absence. Ma mère a eu le bon goût de tout plaquer un 25 décembre, et moi avec. Sa vie lui pesait, elle n’avait rien choisi, il était temps qu’elle se réalise, et moi, à 8 ans, j’étais censée comprendre. L’année suivante, j’ai surtout compris que je passerais tous les réveillons suivants avec ma belle-mère, qui se révéla affreuse. À 12 ans, je partis en pension.               

À l’internat, moi, petite fille si sage, j’ai tout appris très vite : comment rouler une clope sous la couette, dans le noir ; comment escalader un portail, même très haut ; comment les filles, entre elles, pouvaient être source de joie et de chaleur. Les garçons, je m’en tenais loin : pas d’attache, pas de risque d’abandon. J’ai bien connu quelques flirts, quelques nuits volées et quelques aubes hasardeuses, évidemment, mais rien qui ne me donnait envie de m’arracher à ce cocon douillet que je m’étais créé : moi et mes copines, moi et moi-même. Jusqu’à Seb. J’avais 22 ans, lui dix de plus. C’était un homme, un vrai. Et il était profondément gentil. Je crois n’avoir rien aimé tant dans ma vie que la douceur de ses yeux noisette quand il me regardait… Il travaillait dans l’humanitaire et je pense que j’étais la grande cause de sa vie, moi, l’oiseau tombé du nid.                

Contrairement à moi, il n’avait pas peur d’aimer. Alors, d’emblée, il m’a tout donné. La sécurité d’un « chez nous » où je n’ai plus jamais eu froid. La liberté d’être qui j’étais, avec mes parts d’ombre, mes moments de doute, mon besoin de solitude… largement comblé par ses déplacements à l’autre bout du monde. Quand il revenait en France, nous étions comme deux oiseaux inséparables, et nous partagions tout : nos rêves, nos fous rires, nos envies… Et notre détestation de Noël. Sa famille était aussi éclatée que la mienne, nous avions donc toute latitude pour décider, à deux, de comment le fêter : rien que nous deux, et n’importe quand. Sauf le jour même. Et puis toute l’année, passée à chercher en secret des cadeaux qu’on s’offrirait le jour J. Seb ne me connaissait pas : il me devinait. Alors il tombait toujours juste. Mais le plus beau de tous, c’est celui qu’il m’a offert lors du réveillon de l’an dernier.               

Nous étions amoureux, oui. Et comme au premier jour. Mais, dès le premier jour aussi, j’avais senti que quelque chose me manquerait toujours. Je n’osais m’en ouvrir à lui tant mon ingratitude me faisait honte. Seb était le meilleur des amants, attentif, enthousiaste, inventif. Et patient, pour les soirs, voire les semaines sans : pendant de longues périodes, il m’arrivait en effet de ne plus ressentir aucun désir pour lui. Il le sentait, évidemment, mais jamais, jamais, ne me le reprochait. Sauf qu’au bout de dix ans ces moments de creux étaient de plus en plus fréquents. Un soir, Seb a explosé : « Mais tu veux quoi ? Un amant, un autre homme dans ta vie ? » Il pleurait, de rage et de tristesse… J’étais bouleversée. D’une toute petite voix, j’ai murmuré : « Non, mon amour, non ! Un autre homme, jamais ! Mais une femme, des femmes, je ne sais pas… Peut-être… » Il y avait cette brune, un peu punk, qui lisait du Despentes à la terrasse du café d’en bas. Ou alors cette grande gigue, un peu bancale sur ses talons, qui laissait toujours des effluves de jasmin derrière elle, quand elle passait près de mon bureau. Et puis cette mère de famille, croisée dans la cage d’escalier, dont les cernes étaient aussi profonds, le jogging aussi mou que le cul était haut. Prodigieuse-ment haut. Diaboliquement haut. Dans l’ascenseur, je le dévorais des yeux. En rêve, elles toutes me poursuivaient. Au réveil, je les chassais de ma tête, mais elles me hantaient, toujours plus désirables, toujours plus obsédantes. Et les souvenirs de mes nuits au pensionnat me revenaient : les rires étouffés, les mains furtives, la joie de découvrir un corps et une sexualité… Vite mise sous cloche au prétexte de : « Bon, les filles, on était bourrées. » Mais non. Même sobre, je le savais : malgré l’amour immense que j’éprouvais pour Seb, jamais je n’avais éprouvé de plaisir semblable avec lui.                

Plus je parlais, et plus il se voûtait. Abattu, mutique. Et puis, tremblant : « Mais alors, tu vas me quitter pour… » Il n’avait même pas la force de terminer sa phrase, comme si l’idée, incomplète, devenait moins menaçante. Ma main sous son menton, je lui ai doucement relevé la tête, pour planter mes yeux dans les siens : « Jamais de la vie, mon amour, tu m’entends ? Je te perds, je me perds. » Il a dû me croire à moitié : il s’est endormi sur le canapé. Le matin, il partait pour trois semaines aux Philippines, assister au bilan annuel de l’ONG pour laquelle il travaillait. Sur le pas de la porte, lui, pas un mot. Moi, un piteux « je t’aime ». Dans la nuit, à peine un « bien arrivé » sur WhatsApp. Et puis silence radio. Pendant dix jours, et jusqu’au 25 décembre, 3 heures du matin. Incapable de fermer l’œil, j’allais, pour la énième fois, mesurer le vide de ma boîte mail. Mais, cette fois-ci, elle m’attendait. Une de ces incroyables lettres dont Seb avait aussi le secret, et une des plus belles preuves d’amour qu’il m’ait jamais offerte : « Mon amour, il faut donc croire qu’après dix ans tu me bouleverses et tu me surprends toujours autant. Ce chemin-là aussi, je veux le faire avec toi. Parce que, avec ta main dans la mienne, en fait, je n’ai peur de rien. » Ces trois phrases-là, je les ai relues dix fois. Mes tempes battaient si fort qu’elles pouvaient exploser. Je croyais comprendre que… Je n’étais pas sûre de… Était-il vraiment en train de me donner son feu vert ? À son retour, nous avons parlé des heures. Des jours. Des nuits. « Tu ne les vois pas chez nous. Tu ne passes pas la nuit avec elles. Tu reviens dormir avec moi, et tu me racontes tout. » Seb posait ses conditions, et j’approuvais chacune d’elles.                

Notre pacte était scellé, et c’est donc à deux, comme toujours, que nous avons commencé à vagabonder sur des applis de rencontres. Les grands yeux en amande de Val ont plu à Seb. Il a validé, on a matché, j’y suis allée… Le moral plombé par le mal que, de façon évidente, j’étais en train de faire à mon amoureux. La discussion était agréable, mais je suis vite rentrée, et pendant des mois, nous n’en avons plus parlé. Mais, un dimanche, alors que nous nous promenions le long de la Seine, Seb a murmuré : « Je te demande pardon, pour l’autre fois. Il m’a fallu du temps, mais je suis prêt. Vraiment. » Cette fois, il souriait. Le soir même, on se reconnectait sur l’appli. Depuis, ça nous arrive de temps en temps… Et je dis bien « nous ». Seb m’aide à choisir mes vêtements, il brosse mes cheveux – je crois que tout ça l’excite un peu. Et puis je respecte la règle du jeu. La nuit, c’est auprès de lui que, toujours, je la passe. Folle d’amour, de gratitude. Et de désir aussi…

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