Crise de la quarantaine : « J’ai décidé de quitter mon travail pour devenir autrice »
Mara a 41 ans et elle a étonné ses proches en prenant une décision qui a révolutionné sa vie : elle a quitté son travail dans une entreprise spécialisée dans les assurances, pour devenir autrice. Pour Mara, c’est la réalisation d’un rêve, d’une vie. Pour les personnes autour d’elle, une folie. Mais elle tient bon et construit peu à peu un futur à son image. D’aussi loin qu’elle se rappelle, Mara a toujours voulu écrire des livres pour les enfants : « Petite, j’écrivais un journal, j’écrivais des histoires sur des feuilles de papier que je distribuais à mes parents et à mes grand-parents. Au lycée, quand il a fallu choisir quelles études faire, j’ai suivi les conseils de mes parents. À l’issue de mes études, j’ai trouvé assez rapidement un travail dans les assurances, parce que mon oncle y travaillait. J’ai fini chargée d’indemnisation. Je faisais bien mon travail, mais je n’étais pas heureuse et autour de mes 40 ans, je ne me voyais pas faire ça tout le reste de ma vie active. »
L’écriture, dans les moments de doute, était mon seul moyen de penser à autre chose
Sarah Fay, autrice des romances The Killing Vipers (en cours de publication) a traversé les mêmes doutes de la perte de sens d’un travail qui n’épanouit pas assez : « Pendant 12 ans, j’ai travaillé dans une entreprise industrielle, et ai évolué en tant que chef de produit international. Mais à l’aube de mes 40 ans, en 2019, j’ai ressenti le besoin de m’évader, d’ouvrir mes horizons. Je rêvais toujours d’écriture (de devenir écrivaine), et soudain, j’ai pris ma plume et je ne me suis plus jamais arrêtée. L’écriture, dans les moments de doute, était mon seul moyen de penser à autre chose, de m’échapper d’un quotidien devenu lourd.
Début 2021, j’ai fait un burn out. Pendant quelques mois, je n’avais plus d’objectifs, j’étais perdue. Pourtant j’écrivais toujours. Alors que je décidais d’auto publier mon premier roman en avril de cette même année, c’est devenu une évidence : je voulais vivre de ma plume. J’ai donc négocié une rupture conventionnelle avec mon entreprise, et je suis devenue écrivaine à plein temps à l’été 2021. Mon objectif : profiter de l’opportunité qui s’offrait à moi pour tenter de vivre de mes romans. Aujourd’hui j’ai publié huit romans, dont un en maison d’édition et je ne compte pas m’arrêter là. »
Mara commence à échafauder un plan : « Sans en parler à ma famille et à mon copain de l’époque, je me suis mise à préparer la suite. J’ai placé une partie de mon argent, j’en ai mis assez de côté pour être tranquille pendant quasiment une année. J’ai changé d’appartement pour en prendre un plus petit. J’ai vendu une partie de mes affaires pour agrandir mon pécule. Quand j’ai été sûre que j’avais assez d’élément pour rassurer mes parents, j’ai annoncé à tout le monde que je quittais mon travail pour essayer de devenir autrice. »
Les proches de Mara réagissent avec violence : « Mon père a dit que je foutais ma vie en l’air. S’il s’est montré un peu supportif au départ, mon copain de l’époque m’a avoué au bout de six mois qu’il ne croyait pas en moi et qu’il préfère qu’on arrête là. Ma mère a essayé de me convaincre que je faisais juste une crise de la quarantaine et que j’allais regretter ce que j’avais fait une fois que ça serait passé. Je ne me suis pas sentie soutenue. Pendant des mois, je me suis éloignée de tous et je me suis concentrée sur mon but. Au fond, ça m’a fait du bien. »
Je suis devenue le cliché de la serveuse qui veut devenir actrice, mais avec des livres en tête
Après un an de tentatives avec des maisons d’édition, Mara n’a toujours pas publié de livre officiellement, mais elle envisage d’essayer de les publier à compte d’auteur : « Ça se fait beaucoup aujourd’hui et c’est un système qui rétribue mieux les auteurs et autrices comme les personnes qui font les illustrations. Je pourrais aussi lancer un crowdfunding. Je ne sais pas encore, mais j’y pense de plus en plus. L’édition est un petit milieu et je viens de nulle part, je ne connais personne. Je pense que je pourrais d’abord me faire un nom sur internet et aussi tester mon talent avec du public directement. J’ai encore de quoi vivre et j’ai fait des petits boulots qui ne me demandaient pas beaucoup de temps dans l’année. Je suis devenue le cliché de la serveuse qui veut devenir actrice, mais avec des livres en tête. Je ne regrette rien. »
Les proches de Mara ont fini par comprendre que son rêve était important pour elle : « Avec le temps, ils ont compris que je n’allais pas revenir en arrière. Que j’allais toujours trouver une manière de vivre mon rêve. J’y ai gagné à nouveau le respect de mon père. Peut-être que ce qui a déclenché tout ça était une crise de la quarantaine, comme le disait ma mère, mais au final, je n’ai fait que me retrouver. »
Pour l’autrice Sarah Fay, tout est une question de courage et d’attitude : « Je pense que tout est dans la posture. Quand on écrit et surtout qu’on désire en vivre, on se doit de garder une posture « professionnelle ». L’écriture est non négociable : on agit de manière à aller jusqu’au bout. Ce n’est pas évident, aller au bout d’un premier jet peut être compliqué, mais il faut savoir mettre de côté ses blocages (son syndrome de l’imposteur, sa peur de l’échec, son perfectionnisme…). Une personne qui écrit et qui le fait sérieusement (même si elle n’est pas encore allée au bout de son manuscrit) est légitime. C’est une écrivaine et personne ne pourra venir contredire ce fait. Car écrire est un acte difficile qui demande énormément. Donc, il est important de laisser les doutes, et nos potentiels détracteurs, pour avancer et continuer. Personne n’a à venir juger notre envie/désir d’écrire. C’est un acte personnel, notre passion, et c’est déjà bien plus que la plupart des autres personnes qui disent en rêver, mais ne font jamais rien. Tant que la personne qui écrit le fait avec intention, je pense qu’elle ne devrait pas avoir peur du regard des autres et de ses proches. Et qui sait ? Elle pourrait recevoir du soutien là où elle ne pensait pas en avoir. »
