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C’est mon histoire : « Nous nous étions promis d’être loyales »

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LOUISE

« La première fois que j’ai vu Marie, j’en suis restée bouche bée : avec ses tatouages, son blouson de motarde et ses cheveux en bataille qui lui mangeaient le visage, elle était tout ce dont je n’avais jamais osé rêver. Avant elle, je n’avais connu que des garçons : dans ma famille, ultra-traditionaliste, l’homosexualité n’est pas une option. Elle n’existe pas, on n’en parle pas. Alors j’avais fait comme mes grandes soeurs avant moi, j’étais partie, très vite, en quête du prince charmant, celui qui m’épouserait et me ferait des enfants. Bizarrement, ça n’a jamais marché. La trentaine passée, un peu désabusée, je m’étais à peu près résignée à finir vieille fille – l’autre destin possible, pour les femmes de ma famille. Oui, mais voilà qu’est arrivée Marie…

Je me foutais complètement de savoir si elle était une fille, ou un garçon

Elle est entrée dans le bar où je fête l’enterrement de vie de jeune fille de ma meilleure amie. Elle était seule, on était un peu ivres, on lui a fait signe d’approcher, et je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Était-ce sa façon si pleine de m’écouter ? Ou alors ses yeux qui se jetaient dans les miens et lisaient si parfaitement qui je suis ? Et ce tic, qu’elle a, de se mordre la lèvre inférieure… Je n’ai pas résisté. On a parlé pendant des heures, et puis je me suis jetée sur elle. Je ne l’ai pas embrassée : je l’ai dévorée. Quand elle m’a embarquée à moto jusque chez elle, j’avais des ailes. Au petit matin, je me foutais complètement de savoir si elle était une fille, ou un garçon. J’étais avec elle, et j’étais bien. J’avais joui, vraiment joui, pour la première fois de ma vie, alors j’étais tout ouïe.

J’étais prête à tout accepter, pour peu qu’elle accepte de me revoir. Alors, quand elle m’a proposé de vivre en couple ouvert, je n’ai pas hésité : on se devrait fidélité amoureuse, mais pas exclusivité sexuelle. Le plus important, pour elle, c’était qu’on se dise tout. “Louise, m’a-t-elle dit, je t’adore, mais le couple, l’engagement, la fidélité, ce n’est pas mon truc. J’y ai cru, mais j’ai morflé, alors j’en suis revenue. Toi, jusque-là, tu étais quand même hétéro. Si ça se trouve, demain, tu vas retomber dans les bras d’un mec, et moi je n’ai pas du tout envie de remorfler.” Cette discussion était lunaire, mais ça sentait bon la liberté. Comme tous ceux qui en ont longtemps été privés, j’en étais, en une nuit, devenue assoiffée.

Pendant des mois, c’était Marie, ma liberté. Ma sortie de clous, ma transgression, mon inconnue, et je n’en étais jamais rassasiée. Je ne l’étais toujours pas, d’ailleurs, quand Elo a débarqué dans ma vie. Le soir en question, on était parties avec Marie à une soirée, ça avait vrillé, on s’était disputées. C’est une sanguine, elle m’avait plantée, seule avec tous ses potes, me lâchant, sur le pas de la porte : “Surtout, n’hésite pas à en profiter, moi, je ne vais pas me priver.” Elle m’a embrassée, très vite, très fort, et elle est partie. Comme ça. Elo était juste derrière moi. Elle m’a invitée à danser – j’adore danser. Ses mains ont commencé à se promener sur mon corps, et je les ai laissées faire. On a passé la nuit chez moi. Le lendemain, Marie tambourinait à la porte : “Ouvre-moi, je sais qu’elle est là ! “ Ses amis avaient tout balancé, elle était furax. Elo a ramassé ses affaires, elle a filé, Marie et moi on a parlé. Je pouvais la tromper, oui. Mais pas avec n’importe qui. Pas avec une ex à elle – première nouvelle. Pas devant ses potes.

Ce matin-là, elle m’a fait jurer de ne plus recommencer. Mais les mois qui ont suivi, elle a été atroce. Un jour, elle était distante, mutique et froide. Le lendemain, je la retrouvais passionnée, amoureuse et folle de moi. C’était très déstabilisant. Je l’aimais d’un bloc, et définitivement, et absolument. Chaque fois que je tentais de lui en parler, elle se fermait comme une huître. De son côté, Elo m’envoyait des messages, tout doux, tout légers… J’ai fini par recraquer. Mais j’ai en moi cette fichue loyauté qui fait que les pactes, même les plus débiles ou les plus risqués, je les respecte : j’ai pris les devants, et j’ai appelé Marie, pour tout lui raconter. Elle a marqué un long silence, et puis, entre ses dents, elle a sifflé : “Je t’avais dit que, Elo, il ne fallait pas.” Elle a raccroché. C’était il y a six mois. Depuis, j’ai eu beau supplier, pleurer, lui écrire des dizaines de mails, lui laisser des kilomètres de textos, silence radio : Marie a complètement disparu de ma vie. »

MARIE

« Elle m’a tout de suite émue, Louise, avec sa tête de lesbienne débutante qui s’ignore. Elle m’a rappelé mes débuts. Comme elle, j’étais fragile. Comme elle, j’étais naïve. Comme elle, ma découverte des filles m’avait rendue folle de joie. Mais j’avais vite déchanté : celle qui devait être la femme de ma vie m’avait quittée, à quelques semaines du mariage, pour ma  meilleure amie. Et, quitte à faire dans le pathétique, j’ai appris, par la suite, qu’elles avaient profité des préparatifs de la cérémonie pour coucher ensemble le plus souvent possible. Ces tromperies avaient eu lieu sous mon nez, ou presque. Et tous mes amis étaient au courant. C’étaient la honte, l’humiliation et la douleur mélangées : j’ai mis des années à m’en remettre.

Au réveil, je le savais : j’étais piégée, je l’aimais

Quand j’ai rencontré Louise, j’avançais armée, derrière une carapace triple épaisseur. Les filles, je les tenais à distance et, s’il fallait, je pouvais me montrer très cruelle. Les aventures d’un soir, que j’avais fuies si longtemps, étaient devenues mon seul et unique mode de relation amoureuse. Jusqu’à Louise. J’ai flairé le danger à la seconde où je l’ai vue : elle avait l’air si sage, si douce… Un ange, voilà ce que j’avais pensé. Au bout de quelques heures, j’avais baissé la garde. Je l’ai invitée à passer la nuit à mon domicile. Sur ma moto, je la conduisais vers sa toute première fois, et mon coeur menaçait d’exploser de toutes ces sensations retrouvées. Au réveil, je le savais : j’étais piégée, je l’aimais. Heureusement, il me restait un bout de cerveau, et j’ai fait ce pacte avec elle : j’étais prête à la revoir, à condition qu’on se laisse vivre d’autres aventures, et qu’on se raconte tout. L’hypocrisie du couple à l’ancienne, j’avais donné !

Louise m’avait écoutée, les yeux écarquillés, et avait immédiatement accepté – c’est drôle, mais ça m’avait autant soulagée que chagrinée. Très vite j’ai chassé les nuages, et je suis revenue à moi. Mon nouveau moi, celui qui ne s’attache pas. Les premiers mois ont été magiques. Plus le temps passait, et plus je me sentais en confiance. Après tout, il est un peu débile, mon pacte, peut-être que, avec elle, ça pourrait marcher, la fidélité : c’est ce que je commençais à penser, juste avant cette soirée, juste avant cette dispute. Je ne sais même plus pourquoi, au juste, on s’est engueulées. Mais elle m’a blessée, et je me suis barrée.

 Le lendemain matin, j’apprenais qu’elle m’avait trompée. Avec une ex. Devant tout le monde. L’histoire se répétait… Mon sang n’a fait qu’un tour. J’avais réussi à me reconstruire après ma rupture, mais là, je coulais. Rien ne semblait pouvoir m’apaiser, pas même Louise – et pourtant, je le sais, elle a tout donné pour que ça s’arrange. J’ai beaucoup résisté avant de me laisser de nouveau aller à elle, à nous… Est-ce que j’ai voulu la tester ? Je ne sais pas. Mais elle a fini par me tromper. Et avec la même. C’était la fois de trop. J’ai lu ses textos, mille fois. J’ai écouté sa voix, en boucle, sur mon répondeur. Son absence me tordait le bide, mais c’est plus fort que moi : elle m’a trahie, et, ça, je ne le supporterai pas une fois de plus. »

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