Santé

Faire chambre à part pour relancer sa vie sexuelle, décryptage et témoignages

Le désir sexuel n’est ni constant, ni automatique. Quand il déserte la relation ou se montre capricieux, plusieurs leviers sont à notre disposition, tels que réapprivoiser son corps, engager davantage de tendresse à deux ou encore consulter un professionnel. Mais qu’en est-il de la question de faire chambre à part ? Une habitude qui, au premier abord, va à l’encontre des rapprochements physiques : « On imagine que les partenaires qui dorment séparément n’ont plus de vie intime et que le couple se porte mal. Or, ne pas partager le même lit peut contribuer à une vie sexuelle intéressante et épanouissante. », observe la sexologue Camille Bataillon.

« Quand mon mec vient dans ma chambre ou moi dans la sienne, j’ai l’impression d’être à l’hôtel ! »

« On a commencé à faire chambre à part il y a cinq mois car mon mec est insomniaque et bousille mon sommeil. J’ai mis du temps à me décider de peur de créer de la distance entre nous, jusqu’à ce que je réalise que cette distance était intéressante pour notre vie sexuelle. », raconte Anastasia, 35 ans. Aujourd’hui, la jeune femme flirte de nouveau avec l’envie de se rapprocher de son partenaire pour un moment intime avant de dormir, « exactement comme à l’époque où nous vivions séparément », dit-elle. Si le manque de l’autre alimente le désir, pas besoin d’étirer les kilomètres : deux chambres attenantes suffisent parfois à le générer. « Je me demande ce qu’il fait, s’il a envie qu’on se retrouve, et parfois je lui envoie un SMS. C’est érotique au possible, rien à voir avec nos soirées d’antan, à mater des séries au lit ! », poursuit Anastasia.

Souvent associé à l’insomnie, aux ronflements, aux réveils nocturnes, aux gros pyjamas ou encore à la télévision, le lit conjugal est susceptible de perdre, au fil de la relation, son caractère sensuel. En faisant chambre à part, le lit – de l’un ou de l’autre – peut redevenir un lieu de rencontre. Vierge de tout souci et des célèbres « tue-l’amour », il retrouve une forme de neutralité : « Quand mon mec vient dans ma chambre ou moi dans la sienne, j’ai l’impression d’être à l’hôtel ! », s’exclame Margot, 38 ans. Pour Mathilde, si faire chambre à part est bon pour la vie sexuelle, c’est parce que le canapé ou la baignoire prennent le relais quand le lit conjugal n’impose plus de relations sexuelles attendues : « En supprimant le concept de lit conjugal, nous avons perçu nos lits comme des supports de notre sommeil, et désormais, nous faisons l’amour ailleurs dans la maison, façon rendez-vous clandestins », confie-t-elle. Finalement, l’absence de lit conjugal semble priver les partenaires de sexe jusqu’à les conduire à devenir plus inventifs en termes de retrouvailles.

« Je fais l’amour sur rendez-vous »

Si faire chambre à part peut instaurer le manque, redorer le lit ou bien le canapé, encore faut-il choisir de faire « nuits séparés » dans cette optique. Or, souvent, « les couples font chambre à part par confort », observe Camille Bataillon. Autrement dit : nous dormons dans une autre pièce de la maison car le ou la partenaire perturbe notre sommeil et non pas parce que notre désir sexuel, lui, est perturbé. Une vie sexuelle plus intéressante est généralement une « conséquence surprise », à condition de se mettre d’accord et de se laisser porter par ce nouvel aménagement. Clara, 40 ans, fait chambre à part depuis dix ans et n’a pas constaté de mieux-être sexuel : « Je sais que nous pourrions rebondir sur cette configuration, d’autant que notre vie sexuelle a toujours été moyenne, mais je n’en ai jamais eu l’intention », raconte-t-elle. « Bien sûr que faire chambre à part peut ne pas avoir l’effet escompté », commente la sexologue, qui ajoute que « tout dépend pourquoi on le fait et ce que l’on décide d’en tirer ».

Léonie, 33 ans, s’est lancée dans le concept de chambre à part après la naissance de son premier enfant ; ainsi, le parent qui s’occupe du bébé ne dérange pas celui qui dort. « L’occasion de faire l’amour ne se présente plus à cause de la parentalité et de la chambre à part, mais c’est comme ça que j’ai compris qu’il nous fallait la provoquer. Désormais, on décide de se rejoindre et cela crée du piquant. Je fais l’amour sur rendez-vous ! », témoigne la jeune femme sur son compte Instagram @roger_la_ptite_soeur.

Les avantages collatéraux du « chacun sa chambre »

« En dormant séparément, on prend du plaisir à être ensemble le matin, mais surtout, on profite davantage de nos soirées avant d’aller se coucher », poursuit Léonie. Ou comment le fait de se quitter au crépuscule ajoute de la préciosité aux moments passés à deux. Le soir, le couple peut se retrouver et s’offrir un instant de qualité. Mathilde, elle, a remarqué que Netflix était moins présent dans son couple : « On a envie de papoter, de bien manger, de s’enlacer, et si nous ne faisons pas l’amour, nous nous donnons rendez-vous quelques minutes plus tard dans sa chambre avant que je regagne la mienne. J’adore m’endormir seule ensuite, et parfois, mon mec me manque déjà. »

Pour Hortense, 40 ans, l’effet indirect de la chambre à part se joue sur le terrain du sommeil : « Qui dit couple reposé, dit couple qui se retrouve plus aisément pour faire l’amour », dit-elle. En effet, la fatigue peut ébranler le désir sexuel. « Faire chambre à part est un ingrédient fort du désir sexuel puisque cela permet aux partenaires de prendre soin d’eux et d’être reposés. Or, on a tendance à oublier que la libido s’exprime davantage quand on est en forme et disposés », souligne la sexologue Camille Bataillon. 

Assumer de faire chambre à part

Avant d’en arriver là, Hortense a beaucoup hésité. C’est son partenaire qui l’a convaincue : « Quand il m’a dit que dans la noblesse et la haute bourgeoisie, dormir séparément était la norme, j’ai accepté. C’était le détail qu’il me fallait ! », s’exclame-t-elle. Pour sûr : la chambre commune est une construction sociale. « À la fin du Moyen-Âge, l’Église catholique va instaurer le lit matrimonial comme symbole fort de l’union conjugal », écrit le sociologue Jean-Claude Kaufmann dans son essai « Un lit pour deux » (éd. JC Lattès), avant de préciser qu’« avoir une chambre dédiée au couple deviendra l’objectif à atteindre pour la grande masse de la population ». Les ménages populaires vont, dès lors, s’offrir un matelas commun.

Depuis, nous n’envisageons plus de faire demi-tour et nous associons la chambre à part à l’absence de sexualité. On oublie alors que se coucher séparément est un moyen de préserver son intimité et, par extension, d’entretenir celle du couple. N’est-ce pas de dormir tous les jours ensemble, avec la pression insidieuse et silencieuse du « faire l’amour », qui peut alourdir la charge sexuelle et générer des complexes au sujet du désir ? Décider de faire l’amour lorsque l’on fait chambre à part peut, à l’inverse, nourrir positivement la relation et effacer cette impression de rapports sexuels rarissimes : on ne se soumet plus à l’équation normative « lit commun + sexe » mais on redevient maître de notre sexualité, car à même de la convoquer et de la vivre quand ça nous chante.

Les étapes qui peuvent mener à la chambre à part

« J’ai envie de pousser tout le monde à faire chambre à part ! », lance Mathilde. Néanmoins, tous les « bons arguments » brandis ne suffisent pas toujours à encourager une telle initiative. Certains couples n’en ont pas envie et vivent très bien le partage d’un même lit. Mais d’autres sont titillés par l’idée sans oser la mettre en place. La sexologue Camille Bataillon rappelle alors qu’il existe des étapes, ou des configurations aussi salvatrices, telles que les lits séparés mais collés, ou encore « la couette à part » : « Faire lit à part ou couette à part propose à chaque partenaire de jouir de son espace ; de la même façon, l’idée de se donner rendez-vous se dessine. On franchit la barrière, on entre dans l’intimité de l’autre, et c’est bon pour le désir. », note-t-elle.

Ces habitudes peuvent être faciles à mettre en place, et s’avèrent évidemment pratiques quand faire chambre à part n’est pas possible. La taille de nos logements ne le permet pas toujours mais la taille de notre lit, elle, n’empêche pas d’inviter une nouvelle couette. Une façon de faire chambre à part sans le faire, et de stimuler sa vie sexuelle quand on a l’impression, parfois malheureuse, d’avoir tout essayé.


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