Santé

La question psy des parents : « L’amie de mon ado a une mauvaise influence sur lui, que faire ? »

« Depuis que mon fils la connaît, il passe encore plus de temps sur son téléphone et fume des clopes, parfois dès le matin », raconte Céline*, 37 ans, et mère d’un adolescent de 14 ans, en classe de seconde.

« Ils se sont rencontrés l’année dernière par l’intermédiaire d’une copine commune, poursuit-elle. Mon radar de maman m’a tout de suite alertée : je suis persuadée que cette fille a une mauvaise influence sur lui. Je les ai vus récemment ensemble, et j’ai immédiatement remarqué qu’elle avait le dessus. Si elle lui demande de le rejoindre quelque part, qu’il n’en a pas envie, et que je lui interdis d’y aller, il finit par l’écouter – en me mentant par la même occasion. »

Une situation d’autant plus éprouvante, qu’elle affecte leur relation mère-fils. « Depuis qu’il la côtoie, je ne lui fais plus confiance. Pourtant, nous nous sommes toujours parlé très librement. Encore récemment, il me disait avoir rencontré un garçon avec qui il aimerait aller plus loin. Mais j’ai l’impression d’avoir lâché la bride… », confie Céline. 

Sentiment de culpabilité, inquiétude, frustration… les émotions se mélangent. « Même mes punitions ne fonctionnent pas. Je lui ai confisqué son téléphone ; il s’est débrouillé pour récupérer la puce et l’insérer dans son ancien portable. J’ai l’impression de devoir le surveiller tout le temps, je suis son gendarme numéro 1. Après le travail en fin de journée, je m’empresse de rentrer chez moi pour m’assurer qu’il est bien à la maison. Je suis extrêmement stressée, et crains que les choses s’enveniment. J’ai peur aussi qu’elle le précipite dans sa sexualité. Depuis qu’ils se connaissent, j’ai l’impression qu’il fréquente d’autres garçons un peu plus portés sur le sexe. En fait, je m’imagine beaucoup de choses. Et si un jour mon fils décide de ne plus la côtoyer, elle pourrait dévoiler des secrets qu’il lui aurait confiés. Avec les réseaux sociaux, tout peut aller très vite… »

L’adolescence est une période propice aux nouvelles expériences et à la transgression. En tant que parent, quand faut-il s’en inquiéter ? Comment agir en cas de mauvaises fréquentations ? Comment s’adresser à son enfant sans le brusquer ? 

LA RÉPONSE D’UNE PSYCHOLOGUE

« Ce cas de figure est extrêmement courant chez les parents d’adolescents. Généralement, ceux qui se posent ces questions ont repéré des changements de comportements chez leur fils ou chez leur fille. C’est ce qu’on appelle le fameux « radar intuitif ». 

Il est vrai que parfois, en tant que parent, il faut suivre son intuition. Pour autant, il est souvent difficile de dire à quelqu’un qu’on aime – en l’occurrence son enfant – qu’il se trouve dans une situation qui pourrait le faire souffrir. En particulier à cette période, un peu tout feu tout flamme. À cet âge-là, les meilleurs copains sont des trésors auxquels il ne faut pas toucher, quels que soient leurs défauts. Mais la question de la responsabilité éducative, pédagogique et morale du parent entre rapidement dans l’équation. D’autant plus si l’on sait que son enfant est embourbé dans une relation qui pourrait lui faire du mal. 

Quels sont les risques d’une mauvaise fréquentation à l’adolescence ? 

À l’adolescence, l’influence s’exerce généralement au sein de « groupes de pairs ». Des bandes de copains et copines qui se fréquentent parce qu’ils se ressemblent, et parce que ça les sécurise. Mais au fur et à mesure qu’ils grandissent, des personnalités diverses et variées se dessinent. Tous vont apporter quelque chose de différent à la dynamique relationnelle. Ce qui ressort le plus, c’est cette tendance à se sentir obligé de faire des choses contre sa volonté. On entre alors dans la catégorie des premières fois : les drogues, l’alcool, la sexualité, le vol et tout ce qui peut être en lien avec l’interdit. Cela est souvent assimilé à des défis, que l’on voit de plus en plus avec les réseaux sociaux. Ce qui peut être problématique aussi, c’est tout ce qui touche au consentement – tout ce qu’on s’autorise à faire au niveau de la sexualité, du corps, ou même de la scolarité.

Par ailleurs, ce qui est le plus difficile à accepter pour les parents, c’est que leurs enfants cherchent d’autres modèles qui vont à contre-courant des modèles familiaux. Cela se fait de manière inconsciente, pour de raisons de curiosité et de besoin de découvertes. 

Quels signes doivent alerter les parents ?

Ce qui est important, c’est de bien faire la distinction entre les changements normalisés par la dynamique adolescente, et les changements opérés à cause d’une relation. Est-ce que mon ado se comporte ainsi du fait qu’il grandit, ou est-ce parce qu’on lui a demandé de le faire ? Il faut prendre le temps d’observer et analyser la situation. 

Certains signes sont assez révélateurs : si votre ado est de plus en plus triste, qu’une sensation de malaise s’installe, ou qu’il communique moins bien avec vous, par exemple. Le laisser-aller peut également alerter : un style vestimentaire plus négligé ou une hygiène moins soignée. Il faut faire attention à tous ses centres d’intérêt qu’il pourrait mettre de côté progressivement, et de manière très insidieuse.

Comment réagir ?

Si vous avez identifié que telle personne exerce une influence sur votre ado, demandez-vous ce que vous savez de cette amitié. Êtes-vous vraiment au clair sur leur relation ? Quels sont leurs points communs ? Votre enfant y trouve-t-il des bénéfices ? Ce que je conseillerais, c’est de ne pas être uniquement dans le reproche ou dans les sanctions. Écoutez vos ressentis, parlez-lui, et vous vous sentirez peut-être soulagé·e de vous apercevoir que vous vous êtes trompé·e. Quant à votre enfant, il vous en voudra peut-être durant six mois, et passera à autre chose…

Par ailleurs, il est important de garder cela à l’esprit : on ne peut pas se défaire d’une mauvaise influence du jour au lendemain. Le désamour peut prendre du temps. En tant que parent, il sera plutôt question de vigilance et de prévention, par petites touches de dialogue ou d’actions. Par exemple, si vous savez que votre ado se rend au cinéma avec cette ami·e, pourquoi ne pas lui proposer une autre activité à laquelle il sera plus réceptif ? À moins de lui interdire clairement d’y aller. Tout dépend de la sortie en question, et du cadre que l’on se sent de maintenir – avec fermeté ou non. Parlez-en avec votre co-parent s’il y en a un, pour tenter de trouver la bonne stratégie. Le but étant que votre ado aille mieux.  

Ce que je peux conseiller, c’est de faire appel à des adultes tiers dans le réseau de votre enfant. À l’adolescence, on écoute à 40% son parent. Vous pouvez demander de l’aide à un coach sportif, un prof de musique, un enseignant, une tante, une marraine, un parrain… Quelqu’un dont votre fils ou votre fille aura une image un peu plus cool, et à qui il pourra se confier plus facilement. Ce réseau satellite permettra de transmettre le message à votre ado de façon plus adaptée. Et en tant que parent, vous vous sentirez soutenu·e, accompagné·e et compris·e.

Faut-il en parler aux parents de l’ami·e en question ? 

Il faut surtout bien faire le point avec son ado, en clarifiant la nature de la relation. En effet, on peut parfois surinterpréter les faits. Après avoir collecté le maximum d’informations, je recommanderais plutôt de se tourner vers un tiers professionnel (psychologue ou pédopsychiatre). Contacter les parents de la personne impliquée parce qu’on est énervé·e pourrait être pris comme une agression. Si l’on choisit cette option, mieux vaut le faire en dernier recours. » 

(*) Le prénom a été modifié.

(*)  Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, spécialisée dans le domaine de l’enfance, l’adolescence et la famille.  

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