Santé

La question psy : « Pourquoi ne parviens-je pas à donner de l’affection à mes enfants ? »

« Faire un câlin à mes fils n’est pas quelque chose de naturel. » A 52 ans, Nathalia élève seule ses deux enfants âgés de 15 et 17 ans. « Je suis mère isolée depuis plus de quinze ans maintenant, et même si j’aime mes deux garçons plus que tout au monde, je n’ai jamais été capable de leur exprimer physiquement, ni verbalement mon amour », raconte-t-elle. « Je fais de mon mieux pour être une bonne mère en répondant à tous leurs besoins depuis leurs naissances, mais je n’ai jamais été très expressive. Je ne leur fais pas vraiment de câlin et ne les embrasse que très rarement, comme pour le nouvel an notamment », avoue-t-elle.

Nathalia n’avait pourtant pas autant de mal à exprimer son amour à ses fils lorsqu’ils étaient encore enfants : « Cette distance s’est vraiment installée lorsqu’ils sont entrés dans l’adolescence. Je ne rencontrais aucune difficulté à les prendre dans mes bras et à leur montrer tout mon amour quand ils étaient bébés ou jeunes enfants. »

Au fil des années, les deux adolescents se sont habitués à cette absence d’affection de la part de leur mère. « Je sens qu’ils ne sont pas spécialement à l’aise à l’idée d’entrer en interaction physique avec moi les fois où je tente maladroitement de les embrasser », souffle la mère isolée. Ses deux fils n’ont pourtant aucun mal à accepter les démonstrations d’affection de la part de leurs grands-parents ou de leurs ami·e·s. « Ils sont très proches de ma mère, leur grand-mère maternelle, qui est assez expressive avec eux. C’est très étonnant de sa part car elle n’a jamais été très affectueuse avec moi lorsque j’étais enfant. Mon père non plus d’ailleurs », affirme Nathalia.

La cinquantenaire en est convaincue : le fait de ne pas avoir reçu d’affection de la part de ses parents l’empêche d’en avoir à son tour pour ses fils. « C’est très difficile de transmettre quelque chose qu’on n’a pas expérimenté, je ressens une profonde culpabilité. Comment arrêter de m’en vouloir et améliorer les choses ? », interroge-t-elle.

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La réponse d’une thérapeute

Cette problématique revient très souvent en thérapie familiale. Donc pas d’inquiétude à avoir, beaucoup de parents sont dans le même cas de figure. Toute personne qui s’apprête à avoir un enfant se fait la promesse de ne pas reproduire les mêmes erreurs que celles commises par ses propres parents. Mais il y a parfois un loup, à savoir notre propre histoire d’enfance qui nous rattrape. Le fait de ne pas respecter la promesse qu’elle s’est faite à la naissance de ses enfants provoque naturellement une forme de culpabilité.

Schéma de répétition

Dans ce cas de figure, la mère des deux adolescents n’a elle-même pas reçu d’affection lorsqu’elle était enfant, cela veut dire qu’elle a probablement grandi dans un climat « insécure ». Le fait de se rendre compte qu’elle n’arrive pas à donner de l’affection en tant que parent, c’est également identifier le manque qu’elle a ressenti durant sa propre enfance. Pour cause, il peut être très difficile d’échapper au schéma de répétition lorsqu’on n’a pas les bases. Certaines personnes y arrivent car elles trouvent un conjoint qui leur apprend à être le parent qu’elles veulent être et la fonction thérapeutique du couple peut alors agir.

Dans le cas de Nathalia, le fait d’être une mère isolée ajoute de la difficulté. C’est comme si elle montait l’Everest avec peu d’oxygène. Mais qu’elle se rassure, parce que c’est une situation qui peut évoluer. Ce n’est pas parce qu’on a grandi sans affection qu’on est condamné à ne pas en donner à son propre enfant. Elle explique que ses difficultés sont apparues lorsque ses fils sont entrés dans l’adolescence, cela n’est pas tout à fait étonnant car c’est une période d’opposition où la relation entre l’enfant et le parent est redéfinie. C’est ce qu’on appelle un moment de déstabilisation.

Expliquer son propre récit

Se forcer et donner de l’affection alors qu’on n’en ressent pas l’envie n’est pas spécialement une bonne idée, car les enfants peuvent ressentir que ce n’est pas naturel. Par ailleurs, ces derniers ont tendance à penser que tout est leur faute. Il est donc essentiel de remettre les choses dans l’ordre en partant de sa propre histoire.

Je conseille à Nathalia et à tous les parents qui rencontrent les mêmes difficultés de parler de leur récit personnel et de dire « voici mon histoire : je t’aime, mais je n’arrive pas à l’exprimer car je ne sais pas m’y prendre à cause du manque que j’ai moi-même vécu ». Le récit fabrique tous les êtres humains, et quand on a des trous dans ce dernier, cela peut causer des traumatismes. On peut tout expliquer à ses enfants, à condition que cela les concerne et que ce soit le bon moment.

Remonter la problématique

Dans mes thérapies, j’utilise beaucoup le génogramme pour remonter les liens familiaux sur deux ou trois générations, parfois sur quatre. On s’en sert pour faire parler les différents membres de la famille sans qu’ils ne soient présents. Pourquoi les parents de Nathalia ne lui ont-ils pas donné d’affection ? En ont-ils eux-mêmes reçu ? C’est une méthode qui permet de remonter les problématiques afin de briser la chaîne de répétition.

Remonter la branche familiale de cette femme et de ses enfants pour faire parler leur père et leurs grands-parents permettrait d’avoir des informations sur le fonctionnement de l’ensemble de la famille afin d’en comprendre les ressources, mais aussi les traumatismes qui se transmettent.

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