Santé

La violence, nouveau mal du siècle ? Le décryptage du psychanalyste Roland Gori

ELLE. – Les émeutes de ces dernières semaines sont-elles une charge contre la société de consommation ou un désir d’en faire partie ?

Roland Gori. –C’est une manière de témoigner d’une exclusion qui est vécue comme une injustice. Cette violence est consubstantielle de la manière dont on gouverne sans ménager les besoins d’empathie, de solidarité, de protection de la population. Et ce n’est peut-être pas un hasard si, en Corse, il n’y a quasiment pas eu  d’émeutes. C’est une question de solidarité communautaire, de valeurs et de traditions. Tout ce dont on a privé l’homme moderne en le livrant à la solitude des grands ensembles.

ELLE. – Cette violence serait donc le symptôme d’une crise plus profonde ?

R.G. Je crois que cette crise politique est aussi une crise culturelle et sociale. Le pouvoir fait prévaloir une rationalité marchande, sans souci de la protection des citoyens les plus vulnérables. L’idéologie de la start-up nation a conduit à la privatisation des services publics. On les a appauvris, et ils ne rendent plus les services sociaux minimaux garantissant aux gens qu’ils seront soignés, secourus, éduqués. C’est un problème majeur. On a aussi essayé de gouverner sans les corps intermédiaires et sans les syndicats. Or, l’absence de compromis et de médiateurs déchaîne toujours les violences individuelles et collectives.

ELLE. – On a l’impression d’assister à une contagion de la violence. On a même vu la chanteuse Izïa imaginant sur scène le « lynchage » d’Emmanuel Macron…

R.G. –C’est une dérive et une sortie de route de la part de cette chanteuse. Mais cela révèle quelque chose de plus troublant : la désacralisation des institutions sociales. Pour des penseurs comme Thomas Hobbes ou Émile Durkheim, il n’y a pas d’ordre politique qui n’ait d’origine sacrée. Puisqu’on n’a plus aujourd’hui de grands récits religieux ou idéologiques, le pouvoir crée en permanence de nouvelles normes. Les lois qu’on produit de la sorte ne sont plus véritablement des lois, mais des circulaires de service. Lorsque la loi de l’État perd sa valeur souveraine, on court le risque du chaos et de la terreur. 

ELLE. – Voyez-vous émerger dans votre cabinet une nouvelle forme d’angoisse inhérente à cette violence ?

R.G. Beaucoup de patients m’ont parlé des émeutes. Ils ont été sidérés, au sens propre, par les images de ces violences. Toute sidération est un traumatisme pour l’esprit. Mais il est encore trop tôt pour dire ce que cela aura comme conséquences sur leur psychisme.

« La fabrique des imposteurs », Roland Gori (éd.Les Liens qui libèrent)

« Un monde sans esprit. La fabrique des terrorismes » Roland Gori (éd.Les Liens qui libèrent)

« Un monde sans esprit. La fabrique des terrorismes » Roland Gori (éd.Les Liens qui libèrent)

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