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Nicolas Mathieu et Charlotte Casiraghi : « L’écrivain a-t-il trahi la classe ouvrière ? »

« J’aime beaucoup Nicolas Mathieu, mais là je trouve qu’il est allé un peu loin dans le grand écart… » Tanya, 42 ans, résume le désarroi de certains lecteurs de l’écrivain. Comment ? Lui, l’auteur très engagé à gauche, le porte-parole de la classe ouvrière, des défavorisés, entamer une idylle avec Charlotte de Monaco, une femme qui vient d’une famille princière extrêmement fortunée, glamour, célèbre, qui représente a priori tout ce qu’il rejette ? Serait-il en train de trahir sa classe sociale, de renier ses convictions ? Certes, on objectera que les deux tourtereaux ont de nombreux points communs : Charlotte Casiraghi est une passionnée de littérature comme lui, c’est une femme sensible et cultivée, diplômée en philosophie, et qui semble fuir la superficialité et la mondanité, tout comme lui. Mais tout de même. De toutes les histoires d’amour que le célèbre écrivain pouvait vivre – et il aurait pu en avoir beaucoup quand on voit les déclarations enamourées que lui font ses multiples followeuses sur Instagram – fallait-il vraiment que le défenseur des démunis, le pourfendeur de la Macronie, le contempteur de la réforme des retraites, choisisse une membre de la famille de Monaco ? C’est un peu comme si Jean-Luc Mélenchon sortait avec Nadine de Rotschild. Comme si Annie Ernaux fricotait avec Frédéric Beigbeder. Comme si François Ruffin se pacsait avec Paris Hilton. Que s’est-il passé dans la tête de l’écrivain, qui a grandi dans une zone pavillonnaire près d’Epinal et qui est devenu le porte-voix des Français d’origine modeste avec son roman « Leurs enfants après eux », Prix Goncourt en 2018 ? Comment expliquer que ce « transfuge de classe », comme il se décrit lui-même, ait fait un si grand écart social que son bleu de travail s’en soit déchiré à l’entre-jambe, laissant apparaître un slip Balenciaga à paillettes ? Éléments de réponse avec la psychologue Florentine d’Aulnois Wang, thérapeute de couple, autrice des « Clés de l’intelligence amoureuse » (Larousse) et créatrice du podcast « L’Espace du couple », aux deux millions d’auditeurs.

Il est une victime de l’amour

L’écrivain de 45 ans, connu pour être ultra-romantique, a été embarqué, comme tant d’autres avant lui, dans une passion qui le dépasse. Cet homme aux allures d’éternel adolescent, fougueux, exalté, sait trop bien à quel point l’amour nous amène à perdre nos repères, à s’aventurer en territoire inconnu, à s’enflammer pour des personnes inattendues qui sont parfois à l’opposé de notre univers. « Les opposés s’attirent. C’est une très vieille règle que l’on retrouve dans toutes les histoires d’amour, commente Florentine d’Aulnois Wang. C’est l’histoire de “Pretty Woman“, ou de “Romuald et Juliette“, le film avec Daniel Auteuil, où un PDG tombe amoureux d’une femme de ménage.  On le voit fréquemment dans de nombreux couples, où les partenaires vont avoir une religion différente, des opinions politiques différentes, une origine sociale différente, etc. Même dans les couples “homogènes“, dont les membres semblent venir du même milieu, on retrouve une énorme polarisation. L’un va être hyper structuré quand l’autre est bordélique, l’un est casanier quand l’autre aime sortir… » Bref la passion entre Charlotte Casiraghi et Nicolas Mathieu n’a rien que de très normal. Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’un prince qui tombe amoureux d’une paysanne, comme dans tous les contes et légendes depuis la nuit des temps, Cendrillon, Blanche-Neige, etc. C’est une princesse qui s’enflamme pour un individu aux origines modestes. Voilà la vraie nouveauté de cette histoire. Serait-ce la raison de l’intérêt que suscite cette liaison ?

Il est romantiquement de droite et politiquement de gauche

Bien souvent nos valeurs s’opposent à nos goûts amoureux. Nos convictions, nos idéaux, qui trouvent leur origine dans notre tête, entrent en conflit avec nos sentiments, qui viennent du cœur, voire du bas-ventre… Ainsi une grande bourgeoise va être attirée, sentimentalement et sexuellement, par des « bad boys », des prolétaires aux manières un peu rugueuses. Et vice-versa. Un roman de Nicolas Mathieu semblait annoncer ce schéma de manière presque prémonitoire : dans « Connemara », en 2022, l’écrivain racontait l’histoire d’Hélène, consultante multi-diplômée embarquée dans un amour improbable avec Christophe, un prolétaire malmené par la vie. « J’aime bien dire que tomber amoureux, c’est une sorte de “recrutement non conscient“, note Florentine d’Aulnois Wang, au sens où l’on cherche sans s’en rendre compte un partenaire qui va nous compléter. Nous avons tous un potentiel fou dans notre enfance, mais notre milieu, notre éducation, notre entourage font rétrécir certains aspects de notre personnalité ou les empêchent de se développer. Dès lors, on va être attiré amoureusement par quelqu’un qui est très différent de nous, car il nous rappelle des parties de nous-mêmes qui ne se sont pas exprimées ou que l’on n’a pas eu l’occasion d’expérimenter. Par exemple, une jeune fille de bonne famille craquera pour un mauvais garçon car il incarne tout qu’elle n’a pas pu visiter de sa propre personnalité. »
Ainsi Nicolas Mathieu – outre l’amour sincère qu’il porte à Charlotte, outre les qualités indéniables de celles-ci – est peut-être fasciné par la princesse de Monaco en raison de ce qu’elle incarne, ce monde auquel il n’a pas eu accès dans son enfance : le luxe, la richesse, la célébrité. Ce qui ne change rien à ses idées politiques progressistes. Ni à l’authenticité de ses sentiments. Bref, on peut être romantiquement de droite et socialement de gauche.

Il est plus complexe qu’il n’en a l’air

Certaines mauvaises langues diront que Nicolas Mathieu est un Rastignac qui s’ignore, un ambitieux qui n’ose pas s’avouer qu’il est fasciné par la richesse et le luxe. Ils en voudront pour preuve son utilisation intense d’Instagram (où il déclarait sa flamme à une inconnue) ou sa façon d’être omniprésent dans les médias, signe d’un désir de reconnaissance bien plus fort que ne le laisse supposer son image modeste d’« écrivain des gilets jaunes ».  Pour notre part, nous préfèrerons insister sur le fait que Nicolas Mathieu est un individu bien plus complexe qu’il n’y paraît, refusant de se laisser enfermer dans une case. Ainsi il a toujours rappelé dans les interviews que, s’il avait des opinion politiques de gauche, il n’était pas un militant, et refusait de voir le monde en noir et blanc, en amis ou ennemis, comme le font les partisans d’une cause. Il a déclaré ce mois-ci au journal « La Croix » : « Je n’ai pas un métabolisme de militant. »

Je ne considère pas les choses par un prisme qui ferait gagner une vision sur une autre.

De même, il a pris récemment fait et cause pour l’écrivain Sylvain Tesson, classé à droite, quand celui-ci a été attaqué parce qu’il était pressenti pour être le parrain du « Printemps des poètes ». Défenseur acharné de la liberté d’expression, et de la liberté de l’artiste, Mathieu a souvent répété qu’il ferait toujours « primer la liberté des auteurs » avant toute cause, fût-elle politique, sociale, etc. N’est-ce pas cette liberté dont il use insolemment aujourd’hui en s’unissant à Charlotte Casiraghi ? Enfin, l’écrivain vosgien a maintes fois déclaré qu’il ne se sentait appartenir à aucun monde précis, se vivant plutôt comme un électron libre. « Chaque fois que je suis dans un monde, je me sens tenu de me faire l’avocat du diable du camp d’en face. Cela rend un peu fou de ne pas avoir d’endroit où habiter, de saisir les raisons de chacun… » (déclaration à « Madame Figaro » en février 2022). Bref, toutes les conditions étaient réunies pour que cet homme de gauche accomplisse cette si sympathique et douce transgression : aimer une princesse intelligente et belle.

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