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Noël : ce que les cadeaux que nous offrons disent réellement de nous

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Pourquoi un si petit cadeau pèse-t-il si lourd ? Pourquoi, chaque Noël, sommes-nous pris par la même frénésie shopping, partagés entre la joie et l’obligation d’offrir ? Pourquoi sommes-nous parfois déçus, froissés par les présents reçus, jusqu’à aller les revendre ? Le don peut devenir un fardeau pour celui qui donne comme pour celui qui reçoit. Un comble ! Juliette, 35 ans, s’est fait une raison : « D’aussi loin que je me souvienne, mon père m’a toujours offert des cadeaux qui lui plaisaient à lui et non à moi, un logiciel de traitement de texte alors que je voulais une console, un bracelet différent de celui que je lui avais montré parce qu’il ne l’aimait pas beaucoup… C’est devenu un running gag. Chaque Noël, mes amis m’interrogent : “Alors, il t’a offert quoi, cette année ?” » Ce que Juliette ne dit pas, c’est que le cadeau fait passer un message lourd de sens.

Le geste d’offrir part pourtant de la plus honorable des attentions, du plus affectueux des élans : faire plaisir, créer la surprise, raviver ses liens avec la personne. « Le don marque une relation sociale, souligne notre rapport à l’autre, confirme Valérie Guillard, maître de conférences en marketing à l’université Paris-Dauphine, qui a dirigé le livre “Boulimie d’objets, l’être et l’avoir dans nos sociétés” (éd. De Boeck). C’est la raison pour laquelle on est censé chercher l’objet le plus approprié afin de signaler à autrui l’importance qu’on lui accorde. Offrir est tout sauf un acte anodin ! » C’est même un élan très fort selon le philosophe Patrick Viveret, auteur de « Fraternité, j’écris ton nom ! » (éd. Les Liens qui libèrent) : « Le don est autant un élément bénéfique pour celui qui donne que pour celui qui reçoit, il relie en profondeur et fait sortir de la solitude. Il exprime notre besoin de lien. Nous reconnaissons qu’autrui est une chance plutôt qu’un être menaçant. » C’est le signe de notre attachement, comme le raconte bien Julie, 42 ans, qui parle avec émotion de cette amie exilée à Londres qui lui offre régulièrement carnets ou petits bijoux pour être présente auprès d’elle. « Le cadeau a un sens caché et il contient toujours un message subliminal, affirme la psychothérapeute Sylvie Tenenbaum, auteure de “Ce que disent nos cadeaux” (éditions Leduc.S). Il dit je t’aime, je tiens à toi… C’est un révélateur de la façon dont on est aimé. Quand cela se passe bien, c’est formidable.

C’est un rituel qui soude les liens. Nous déclarons à tout le monde notre affection mutuelle, nous théâtralisons notre attachement. J’en connais qui notent des idées sur un carnet pour savoir quoi offrir à qui le jour J, d’autres qui achètent de petits présents tout au long de l’année et les mettent de côté pour n’être jamais pris au dépourvu ! Ce qui touche dans le présent, c’est surtout le temps qu’a consacré l’autre à sa recherche ou à son emballage, c’est un signe d’amour. »

Alors pourquoi, parfois, le cadeau fait-il « mal » et que tout le monde finit par être déçu, celui qui donne et celui qui reçoit ? « Noël tourne souvent à la surenchère, explique Valérie Guillard, mais c’est une convention dont on peut difficilement s’exclure en n’offrant rien. Alors on se sent obligé d’acheter des choses chères et, le plus souvent, on ne tient pas compte du désir de l’autre, de ses attentes profondes… » Comme cette femme qui offrait chaque année à son mari un pull jaune, couleur qu’il détestait, raconte Sylvie Tenenbaum : « Dans ce cas-là, c’était limite un acte de désamour, le signal d’une mésentente ou de la détérioration du lien amoureux. Le donneur se dévoile beaucoup en choisissant tel ou tel livre, tel ou tel disque. Il révèle ce qu’il

pense de la personne à qui il donne, ce qu’il a compris d’elle. Et aussi ce qu’il n’a pas appréhendé… Certains jouent l’évitement en investissant dans des chèques-cadeaux. En réalité, donner, c’est lancer un signal fort à l’autre, donc c’est prendre un risque ! » Celui de passer à côté de la personne. Car le cadeau peut rater sa cible, blesser, attrister, voire même briser la relation. C’est le cas du « don compétitif ». Celui qui laisse une dette à l’autre, la contrepartie étant trop difficile à rendre : « C’est la dette dont parle très bien l’anthropologue Marcel Mauss, explique le philosophe Patrick Viveret. Quand le don crée une situation de déséquilibre, celui qui reçoit doit faire un contre-don au moins égal et si possible supérieur. Or dans nos sociétés de consommation, nous sommes souvent, malheureusement, dans une situation de don compétitif. » Un présent très onéreux peut donc paradoxalement être très égoïste.

Alors comment passer des fêtes radieuses, plus sereines ? En offrant moins mais mieux et en refaisant l’expérience de la générosité gratuite, désintéressée, sans transaction marchande. C’est ce que propose un jeune artiste, Stéphane de Freitas, à la tête de la Coopérative Indigo, qui lance une plateforme d’échange de services entre particuliers, en récompensant les gens les plus généreux. L’idée est de s’entraider, de soutenir par exemple des associations en récoltant des « digo », une monnaie virtuelle pour bénéficier soi-même, ensuite, d’un service. Patrick Viveret propose, lui, de revenir à la signification première de l’acte : « Il faut se souvenir que respirer, être humain et vivant, est déjà un don de la nature. Dans nos vies, nous ne faisons que transformer de l’existant, nous devons en être conscient. Apprendre à bien donner, c’est apprendre à soigner son rapport à l’autre. Le don “qui fait du bien” est celui que l’on fait lorsqu’on est “présent à l’autre”. » C’est la qualité de l’attention avec laquelle on offre qui compte, la vraie valeur au sens étymologique du terme (le mot latin « valor » signifie « force de vie »). Sa suggestion ? Remplacer le cadeau matériel par un cadeau relationnel, plus précieux : « Un sourire, un temps d’écoute et de présence… » À méditer avant de se ruer dans les grands magasins.

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