Santé

Pourquoi cette année les Français veulent-ils fêter Noël en grand ?

Vous attendez le 25 avec impatience ? Vous êtes déjà à fond dans les préparatifs ? Normal. Cette année, on a tous un fort besoin de Noël. Une irrésistible envie de guirlandes, de bougies, de retrouvailles, de champagne, de légèreté. Depuis quelques années déjà, les Français plébiscitent cette période. Mais aujourd’hui, malgré la crise et l’inflation, le désir de se retrouver autour du sapin est plus grand. Si 54 % de nos concitoyens disent que « l’inflation va changer leurs fêtes de fin d’année », ils sont aussi 76 % à compter « fêter Noël » quoi qu’il arrive*. Comme un cocon dans lequel on se retrouverait, loin du fracas du monde. Noël serait-il le dernier « safe space » où se réfugier ? Voici pourquoi on en a tous besoin.

Besoin de FAIRE UNE PAUSE

Arrêter de s’informer, sortir la tête des réseaux sociaux, se tenir loin, pendant quelques instants, des guerres, des invectives, des polémiques, des discours haineux. Voilà ce que promet la période qui arrive. « Aujourd’hui, il existe chez les gens une fatigue informationnelle énorme, constate Géraldine Bouchot, spécialiste des tendances chez Carlin. Dans le contexte international dramatique que l’on connaît, Noël apparaît comme une parenthèse réconfortante. À l’heure de l’hyper- connexion, de “l’infobésité”, cette fête a un rôle quasi thérapeutique, apportant un vrai réconfort psychologique. Elle est devenue une fête du ralentissement. » Ainsi cette période qu’on disait un peu ringarde avec ses guirlandes, son bon papa Noël et son foie gras truffé s’avère un parfait contrepoint à notre frénétique ère digitale. « Noël, c’est un peu comme un film qu’on a déjà vu et dont on connaît la fin, ajoute la philosophe Tania Sanchez, autrice de « Philosophie de la vie quotidienne » (éd. Eyrolles).

On savoure le fait que tout est déjà prévisible. Il n’y aura pas de rebondissements inattendus. Pendant un instant, le futur cesse de nous paraître incertain, menaçant. C’est la fête de l’immuable. » Notons que ce rôle joué par la célébration de la Nativité n’est pas nouveau. Si, à la fin du XIXe siècle, on a forgé l’expression de « trêve des confiseurs », c’est parce que les hommes politiques de l’époque, d’un commun accord, avaient décidé de faire une pause dans leurs débats passionnés, houleux et agressifs. Un moment, en somme, pour déguster quelques bonbons au lieu de s’envoyer des claques. Comme maintenant. Bref, ce n’est pas la fête de Noël qu’on devrait l’appeler, mais la fête de « No Hell » !

Besoin de MERVEILLEUX

Noël permet aussi de renouer avec un esprit naïf, premier degré, marqué par un refus des choses sérieuses et graves. « C’est un moment pour moi, où j’assume de penser à autre chose, où je m’autorise une certaine légèreté, une certaine futilité », explique Anna, 44 ans, mère de deux ados. Nappe de Noël, chants de Noël, pulls de Noël, films de Noël… tout un univers de Bisounours est enfin permis (voir par exemple sur Instagram), qui nous rattache à l’enfance. Et encore plus en ce Noël 2023. « Cette année, dans les décorations, dans l’esthétique générale, on constate l’envie de créer une vraie parenthèse magique, enchantée, enfantine, note Géraldine Bouchot. Quelque chose de totalement détaché des réalités terrestres pour s’échapper dans le rêve. On est moins dans un Noël traditionnel, type “cottage core”, comme on le voyait les années précédentes, mais davantage dans un univers onirique. Ainsi, les vitrines surréalistes du créateur Charles de Vilmorin aux Galeries Lafayette ou bien encore celles de la Samaritaine, inspirées de “ Charlie et la chocolaterie”. » Même si beaucoup vont devoir se serrer la ceinture au niveau des cadeaux, chacun va chercher des stratégies, des parades pour célébrer malgré tout la période. « Le Noël seconde main explose, rappelle Géraldine Bouchot. Vinted a un onglet “Décorations pour le sapin” qui marche très bien. Même chose pour les bourses de jouets d’occasion. Les consommateurs n’ont plus honte d’acheter des cadeaux qui ont déjà servi. Des comportements qu’on aurait été gênés d’assumer il y a quelques années. » Vous n’aurez pas ma liberté de célébrer !

Besoin de SE RETROUVER EN FAMILLE

Que ce soit en famille ou avec des amis, on a tous envie de se retrouver en bande à Noël. Savourer un moment à bavarder en groupe, une coupe à la main. Les jeunes sont particulièrement en demande de ces raouts intergénérationnels (ainsi, pendant le confinement, un sondage Odoxa/«LeFigaro»,en 2020, a montré que ce qui manquait le plus aux jeunes, c’étaient les « réunions de famille », à 78 %). « Depuis plusieurs années, toutes les études montrent que la famille est devenue la valeur refuge, confirme Géraldine Bouchot. Noël étant la fête familiale par excellence, elle est également un lieu de réassurance où l’on vient consolider les liens, retrouver un peu de cha- leur humaine. » Et on peut imaginer qu’il n’y aura pas trop d’engueulades cette année, autour de la dinde, sur les questions politiques ou sur l’actualité. « Tout le monde est saturé d’informations autour de moi, explique Liam, père de famille de 52 ans. Les réseaux sociaux sont le lieu d’une prise de bec souvent violente autour du conflit israélo- palestinien. Du coup, on ne va pas en rajouter. Dans ma famille, tout le monde s’est dit qu’on allait y aller mollo et éviter les sujets qui fâchent… » Une retenue qui correspond bien à l’esprit de trêve qui est celui des fêtes. « Noël, c’est le moment du récit contre l’information, avance Tania Sanchez. Dans la vie quotidienne, aujourd’hui, nous n’échangeons plus que des infos, qui se périment très vite. C’est un peu triste et aride. Noël est ce moment où l’on se raconte des histoires, des histoires de famille, des souvenirs, des anecdotes de travail, des aventures qui sont arrivées à tel oncle, telle grand-mère. »

Besoin D’ESPOIR

Alors que les nuages noirs s’accumulent à l’horizon – menace écologique, guerre en Ukraine ou à Gaza, crise mondiale –, Noël retrouve son sens premier : faire briller un peu d’espoir dans les ténèbres. Souvent les contempteurs de cette fête (14 % des Français ne vont pas fêter Noël*) la critiquent car ils y voient une ode à la consommation et à la surbouffe. Mais c’est oublier que cette période, depuis les premiers temps, correspond aussi à un besoin psychologique fondamental, celui d’un renouvellement, d’une espérance. «Rappelons que pour les chrétiens, c’est la fête de la Nativité, de l’Enfant- Jésus venu sauver le monde, note le philosophe Bertrand Vergely, auteur de “Retour à l’émerveillement” (éd. Albin Michel). Et dans l’Antiquité, à la fin du mois de décembre, on fêtait les Saturnales, qui marquaient le solstice d’hiver, ce moment où les jours commencent à rallonger, où la nature redémarre. Cette idée de recommencement est primordiale : c’est elle qui nous fait avancer, qui nous donne de l’énergie. Elle nous sauve de la mort, de la tristesse. La vie est un éternel recommencement. » Ainsi Noël n’est pas qu’une fête commerciale, artificielle. Elle répond à un besoin de sacré en nous : « Avec tous ses codes – le repas, le sapin, les cadeaux –, ce moment est exceptionnel, hors du quotidien, renchérit Tania Sanchez. Au même instant, chacun se plie à un rituel, fait comme tout le monde. On oublie d’être individualiste, singulier, original. Cela obéit à un besoin de transcendance, qu’on soit croyant ou non. Le désir de sentir quelque chose qui nous dépasse, qui nous relie tous. Car, au fond, c’est très angoissant de ne jamais éprouver cette transcendance. » Fêter Noël, c’est aussi se sentir faire partie de l’Humanité. Et espérer que le cours du monde aille mieux. Bon Noël !

* Sondage LSA/YouGov, octobre 2023.

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