Santé

Antidépresseur et libido, un lien pas toujours réciproque

Rappel introductif : qu’est-ce que la libido ?

« La libido désigne nos désirs, nos envies, nos pulsions de vie. Ce terme englobe certes l’activité sexuelle et son imaginaire, mais aussi d’autres formes d’énergies vitales » rappelait la sexologue et fondatrice du Club Kamami, Diane Deswarte.
En sexologie, il est vrai qu’on parlera davantage de désir sexuel que de libido pour exprimer cette envie de faire l’avoir, d’avoir des rapports intimes. « Toutefois, la distinction n’est pas forcément pertinente à faire car en effet, le terme » libido « est plus largement utilisé dans le langage courant et en consultation notamment » précise la sexologue Morgane Beauvais.

Est-ce que la libido peut être perturbée en cas de dépression ? Quel lien existe-t-il entre les dysfonctionnements sexuels et la prise d’antidépresseurs ?

Un lien peut en effet exister entre les deux. « Toutefois, en cas de baisse de libido, la vraie question est d’abord de rechercher si les problèmes de libido sont dus à la prise d’antidépresseurs, à la maladie en elle-même et/ou à d’autres facteurs » indique la sexologue.

Les effets de la dépression sur la libido

« Sachant que l’une des principales caractéristiques de la dépression est l’inhibition ou la perte de la capacité à ressentir du plaisir, couplé à la baisse progressive d’énergie en général dont la libido, il est alors souvent probable qu’une personne dépressive ne trouve aucun intérêt à faire l’amour » éclaire Morgane Beauvais. « Toutefois, d’autres paramètres pouvant provoquer des dysfonctionnements sexuels et sont également à prendre en compte ». Comme par exemple : l’existence de maladies concomitantes psychologiques ou métaboliques, des facteurs psychosociaux (problèmes de couple, surmenage, stress professionnel, deuil…). Mais aussi, des pathologies liées à l’âge du patient, à savoir : la ménopause, le diabète, le surpoids, l’hypertension artérielle ou encore l’usage de toxiques (tabac et alcool).

Quels sont les effets secondaires observés chez la femme et l’homme lors de la prise d’antidépresseurs ?

  • Chez le sexe féminin, on constatera généralement une baisse de lubrification (sécheresse vaginale), une anorgasmie (absence d’orgasme ou difficulté à l’atteindre), ou encore des douleurs pendant les rapports sexuels.
  • Chez la gent masculine, il pourra par exemple s’agir de problèmes érectiles, d’éjaculation précoce mais aussi et tout simplement d’une absence de désir.

À savoir : « Des troubles de l’érection sont observés dans plus de 50 % des cas lors de traitements antidépresseurs » rapporte une étude publiée dans la Revue Médicale Suisse (source 1). « N’étant pas tous égaux face à l’action des molécules des médicaments, les effets secondaires peuvent donc varier d’un patient à un autre et à de divers degrés » précise la sexologue.

Quels sont les médicaments antidépresseurs responsables de dysfonctions sexuelles ?

« Il s’agit en particulier d’antidépresseurs (AD) tricycliques, ayant une action anticholinergique telles l’amitriptyline (Laroxyl), l’imipramine (Tofranil), la clomipramine, favorisent l’impuissance » (source 1). « Mais là encore, le lien avec la libido dépendra de leur dosage et de la psychologie du patient » insiste Morgane Beauvais.

Comment garder une sexualité épanouissante quand on est sous antidépresseurs (en dépression) ?

La première chose à faire est d’abord d’en parler avec son ou sa partenaire et aussi, avec un professionnel de santé (médecin généraliste, sexologue, psychologue, psychiatre selon les cas). « Ce dernier sera ainsi en mesure d’évaluer si les troubles de la libido sont en effet, un symptôme de la dépression ou liés à la prise d’antidépresseurs » détaille Morgane Beauvais, sexologue.

Le fait de mettre des mots sur ce qui se passe permet bien souvent de dédramatiser le sujet. Morgane Beauvais, sexologue.

Les autres solutions

Au-delà de peut-être modifier le dosage de son antidépresseur (s’il y a) et/ou de le remplacer par un autre ne causant pas ou moins d’effet indésirable sur la libido, et ce toujours avec l’aval de son médecin, d’autres pistes peuvent être envisagées.

« Ceux qui souffrent de dépression sont souvent dans l’inaction, il est donc important de se remettre en mouvement, émettre de l’énergie pour (re) stimuler les sensations » explique la sexologue. « Il peut par exemple être intéressant de se faire masser ou de se masser soi-même (pieds, jambes, vulve, bras, poitrine…), en commençant peut-être par de simples pressions au réveil. Tout ça est gratuit et non invasif, c’est un peu comme se faire à un câlin à soi-même qui va permettre de réparer des espaces traumatiques. »
« La danse, le sport (les squats, jogging…) peuvent aussi aider à remettre de la conscience dans le corps via l’oxygénation du sang, la transpiration… Et qui d’une certaine manière, peuvent donc aider à réactiver la libido » poursuit Morgane Beauvais. Mais aussi, l’art-thérapie : méthode visant à utiliser le potentiel d’expression artistique et la créativité d’une personne à des fins psychothérapeutiques.
Sans oublier non plus, l’importance d’un bon sommeil et de maintenir un bon équilibre alimentaire : manger sainement et varier. « Mais là encore, ce ne sont que des propositions adaptées ou non à chaque patient, selon qu’il soit en dépression passagère ou qu’il souffre plus profondément de la dépression comme maladie installée. Dans ce dernier cas, il pourra en effet être plus difficile d’appliquer ces recommandations. L’avis médical sera donc quoi qu’il en soit, indispensable complète celle qui est aussi, créatrice du podcast « Sin eden sublime ».

L’importance des sens

« Quand on va mal, on dit souvent qu’on a perdu le goût de la vie. Tout le challenge est donc de redonner du sens en jouant, par exemple, avec les sens (goût, ouïe, odorat, vue, toucher) » relève Morgane Beauvais. Au-delà de se remettre à cuisiner de bons petits plats, vous pourriez entrer carrément dans le vif du sujet, en allant dans un sex-shop et craquer pour des bougies odorantes ou bien des lubrifiants aromatiques qui ne devraient pas laisser indifférents vos sens…

Le tantra et ses bienfaits

Le tantra peut dans certains cas, être recommandé pour se redécouvrir : « La lenteur de cette pratique ancestrale va, en effet, permettre de réactiver doucement les sensations. C’est une approche intéressante pour érotiser progressivement son corps et peut-être, retrouver un désir sexuel épanouissant » explique la sexologue. Toujours selon Morgane Beauvais : « Le tantra reste toutefois quelque chose d’engageant physiquement et émotionnellement. Donc proposer le tantra à une personne en difficulté, ne sera peut-être pas la meilleure idée. Disons que le tantra est l’étape supérieure – pour les personnes qui vont mieux et sont déjà sortis de l’état dépressif. »

Vrai ou faux : est-il possible de prendre des antidépresseurs tout en prenant du Viagra ?

Il est bien sûr possible de combiner les deux dès l’instant que vous ne présenter pas de contre-indications à la prise de Viagra (diabète, problèmes cardiaques…). Dans tous les cas, il sera recommandé de prendre conseil auprès de votre médecin généraliste ou spécialiste (sexologue, urologue…). « Attention aussi à ne pas croire que le Viagra pourrait agir sur la libido ou sur la dépression en elle-même, cette pilule aura certes une action mais uniquement sur l’érection. Elle fonctionne un peu comme un bouton on / off » avertit Morgane Beauvais. Et pour rappel, il est tout à fait possible d’avoir une érection sans désir sexuel.

Après l’arrêt d’antidépresseur (prise de longue durée), comment faire pour retrouver du désir sexuel ?

« Réduire ou arrêter de manière progressive un traitement antidépresseur avec l’accord de son médecin, c’est une grande étape pour le patient. Il est important de conscientiser cette évolution et d’émettre une intention sur l’avenir et ce qui nous donne envie dans la vie et l’intimité » détaille Morgane Beauvais. Le fait de verbaliser ce message à haute voix et de l’écrire peut davantage aider à l’intégrer. « C’est un peu comme une lettre d’amour qu’on s’adresse à soi pour se faire du bien et retrouver confiance en soi » conclut la sexologue.

Vous l’aurez compris, si les antidépresseurs ont parfois « bon dos » dans le fait de faire baisser la libido, ils sont aussi loin d’en être l’unique raison.

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