Santé

Première grossesse, première dépression post-partum 2/2 : « La responsabilité de donner la vie est écrasante »

Laetitia est coincée. Son cerveau est parasité par des pensées sombres, voire macabres, tiraillé entre l’amour qu’elle porte à sa fille et la sensation de ne plus pouvoir faire semblant. Difficile d’en parler, pourtant il le faut. Qui de mieux pour la rassurer sur sa difficulté à être mère que le père de sa fille, Matthieu ? Lui qui l’a vue faire une crise d’angoisse monumentale la veille, il devrait comprendre. Alors qu’il se brosse les dents dans la salle de bain, elle déballe pendant de longues minutes les raisons de ses souffrances. « Écoute, j’ai réfléchi et je voulais te dire que je ne vais pas pouvoir. Je ne le savais pas avant de faire un enfant et j’en suis la première désolée mais je ne vais pas pouvoir être mère en fait. C’est trop douloureux. Trop vertigineux. Trop de responsabilités. J’ai peur de ne pas y arriver. J’ai peur d’être mauvaise… ». Et là, Laetitia n’obtient pas la réponse convenue qu’elle attendait. Matthieu ne la juge pas, ni ne la culpabilise. Il comprend, il abonde dans son sens. D’ailleurs, elle pourrait même abandonner sa fille, il le comprendrait. « C’est un déclic », constate Laetitia aujourd’hui. « J’entends quelque chose qui ne correspond pas à ce que j’attends, mais qui me soulage. La responsabilité de donner la vie est écrasante, alors entendre que tout ne dépend pas de moi et que je ne suis pas la colonne vertébrale de la vie de mon enfant est une première soupape. Ça libère la parole. » 

Lire aussi >>   Première grossesse, première dépression post-partum 1/2 : « J’étais douée pour masquer mon mal-être »

« Autour de moi, on s’autorisait à parler » 

Après le temps des forums et des articles angoissants sur les différentes formes de folie post-partum, la « psychose puerpérale », un état de confusion et de délire qui lui fait si peur et qui survient soudainement chez les mères sans antécédent psychiatrique, la jeune femme entame son combat contre la dépression. La bataille commence par des phrases, lâchées çà et là auprès de ses proches. « Je ne vais pas très bien, tu sais… ». Quand sa parole se libère, celle des autres afflue aussi. Son ex-belle-mère, modèle à part entière, baisse la garde. Cette femme en apparence exemplaire dans la maternité a elle aussi souffert après la naissance de ses enfants. Et elle n’est pas la seule. Plus Laetitia parle de dépression post-partum, plus les femmes autour d’elle s’autorisent à parler.  

En parallèle, un travail chez le psy lui offre des réponses qu’elle n’aurait jamais trouvées seule. « Tout ça n’est pas noir ou blanc, il fallait arriver à détricoter mes peurs petit à petit. « Le fait de comprendre les phobies d’impulsion sans se contenter de les analyser m’a fait avancer. Des peurs, il y en a autant que d’histoires personnelles », explique Laetitia. « Moi, j’avais une immense culpabilité par rapport au fait d’être devenue mère après avoir perdu la mienne. Il y avait en moi cette petite fille restée loyale à sa mère, qui se devait d’être triste et qui ne s’autorisait pas à vivre pleinement l’arrivée de son enfant. » Parler à son psy et à ses proches s’accompagne d’un dialogue fondamental avec sa fille, Viviane. Pour lui dire que tous ses maux de mère n’ont rien à voir avec elle. « Elle n’a pas à porter mon histoire et moi, je vais apprendre à devenir sa mère. Je lui ai donc demandé d’être indulgente avec moi. » 

« Je m’intéressais moins à moi-même, j’étais fascinée par les autres histoires » 

Le deuxième déclic a lieu un soir dans Paris, lorsque Laetitia se rend à un meeting organisé par l’association Maman Blues. Le but de ce groupe de parole, créé par des mères ayant elles-mêmes traversé une maternité perturbée, est de partager des expériences. De se sentir moins seule. Ça commence sur le trottoir, devant la porte. Solveig, jeune mère parisienne, croise le regard de Laetitia et comprend tout de suite pourquoi elle est là. « J’étais un peu vexée qu’on devine tout de suite que je suis là pour le groupe de parole, moi qui faisais tout pour le masquer. Mais tout ça a très vite sauté », confie-t-elle. « Je m’intéressais moins à moi-même, j’étais fascinée par les autres histoires, en m’y identifiant ou pas. Toutes étaient différentes. Moi, j’étais la seule à ne pas avoir de mère. Mais ce qui était pour moi une question très centrale ne l’était pas pour les autres. »   

« Ma quête de la maternité a été complètement déconstruite » 

Les attentes et les soi-disant règles sur la maternité sautent aussi. Et Laetitia revoit sa grille de lecture. « La quête de la maternité dans laquelle j’étais à l’époque a été complètement déconstruite. La maternité bouge avec le temps, rappelle-t-elle. Je suis la mère de mes autres enfants parce que je suis passée par cette épreuve. D’autres choses ont évolué, comme l’allaitement, que j’ai déconstruit avec le temps. Quand j’ai eu mon deuxième enfant, j’ai retenté. Mais les angoisses sont revenues instantanément. J’ai vécu l’arrêt de l’allaitement comme un échec. Lors de ma 3ème, c’était clair et net : je n’allaiterai pas, point barre. Des femmes allaitent et d’autres non. » Avoir traversé une dépression post-partum permet aussi de relativiser d’autres grossesses. Il peut être intimidant de faire d’autres enfants quand on a souffert de la première. Mais Laetitia en a tiré parti, a vécu ce combat comme un apprentissage. La dépression existe, elle peut refaire surface, mais elle sait désormais comment s’en sortir. Qui contacter. Elle sait qu’elle n’est pas seule. Que chaque mère vit la maternité différemment.   

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page