Santé

Quand les enfants deviennent monnaie d’échange lors d’une séparation

« Il ne voulait pas que je sois présente à la rentrée de CP de ma fille parce que ce n’était pas ma semaine. Mais comme il ne pouvait pas m’interdire l’accès à l’école, j’y suis tout de même allée », confie Alexandra, mère de deux enfants et séparée du père depuis deux ans. Son ex-compagnon, avec qui elle a vécu une relation tumultueuse pendant 7 ans, n’en est pas à son coup d’essai. « Mon fils n’avait qu’un an et ma fille 5 ans lorsque je l’ai quitté. On a de suite fait une semaine sur deux alors que je trouvais ce rythme trop long pour les enfants. Pendant longtemps, il a refusé que je les appelle la semaine où ils étaient avec lui. À force de batailler, aujourd’hui, j’ai droit à deux coups de fil, jours et heures fixés par lui, évidemment », poursuit cette quadragénaire.

L’histoire d’Alexandra est loin d’être un cas unique. Depuis le début des années 2010, en moyenne chaque année, 425 000 séparations conjugales ont lieu (divorces, ruptures d’unions libres ou de PACS) et près de 380 000 enfants mineurs vivent donc la séparation conjugale de leurs parents. Si pour certains les séparations se déroulent sans heurts, dans d’autres cas, les ruptures peuvent s’avérer être très conflictuelles. La conséquence ? Des enfants qui se retrouvent souvent au cœur des disputes, tiraillés entre les deux parents oscillant entre culpabilité et loyauté. « Certains parents se perdent de la rupture et en oublient qu’ils restent avant tout un couple parental », analyse Sandra Barba, psychothérapeute. « Les enfants ne sont plus perçus comme ceux du couple mais comme un outil pour véhiculer un message, pour contrôler l’autre. On parle alors d’instrumentalisation de l’enfant qui devient donc un instrument de vengeance. »

Un sentiment de culpabilité pour l’enfant

Éviter de faire de son enfant le messager, c’est ce que Charlotte tente depuis des mois d’expliquer à son ex-mari. Ce dernier ne peut s’empêcher de glisser à leur fils de 5 ans des phrases toutes faites à lui répéter dès qu’elle récupère son enfant une semaine sur deux. « C’est un florilège d’idées reçues : papa dit que tu as eu des amoureux quand tu étais avec lui, que tu ne sais pas me faire à manger ou encore qu’il m’aime plus que toi… Et j’en passe ! Plusieurs fois, j’ai tenté de lui parler pour lui demander d’arrêter mais il nie avoir ce genre de réflexions auprès de notre enfant… », raconte cette maman solo. « Je peux comprendre qu’il ne vive pas bien notre séparation mais pour notre fils, il pourrait faire un effort. » Charlotte culpabilise aujourd’hui de ne pas avoir réussi sa séparation et s’inquiète des conséquences que ce chantage affectif pourrait avoir sur son enfant.

Tout le monde en sort malheureux

« Cette instrumentalisation peut durer toute une vie », décrypte la psychothérapeute. « Souvent les parents pensent que comme les enfants sont petits, ils ne s’en souviendront pas. Mais ce n’est pas le cas : les enfants peuvent notamment penser que si les parents n’ont pas été de nouveau ensemble, c’est à cause d’eux. » Résultat ? Des difficultés relationnelles peuvent survenir à l’âge adulte avec la peur de reproduire le même schéma que celui de ses parents ou bien il existe aussi un risque de couper les ponts avec l’un des deux parents, celui qui a été à l’origine de cette instrumentalisation. « Tout le monde en sort malheureux », commente Sandra Barba.

Limiter les échanges autour des enfants

Si Charlotte et Alexandra tentent vainement de renouer le dialogue avec leurs ex-compagnons dans l’intérêt des enfants, ce n’est pas chose facile de tenter de rétablir cette communication avec l’autre parent. « Mon ex-compagnon refuse de me parler, même pour des questions concernant les enfants comme les activités extrascolaires par exemple », raconte Alexandra. Pour la psychothérapeute, il faut « limiter les échanges autour des enfants, le temps au moins de passer cette période de deuil du couple. Il faut ensuite accepter aussi que l’autre parent soit garant de l’éducation quand l’enfant est chez lui. »

Pour tenter de maintenir un bon dialogue, il est important pour la professionnelle de se souvenir que « ces enfants ont été conçus avec amour et que cet amour perdure encore à travers eux ». Avant de conclure : « il faut se rappeler que dans la séparation et ce jusqu’à l’âge adulte, les enfants espèrent toujours que les parents se remettent ensemble. Il est donc important de marcher ensemble dans l’intérêt émotionnel et psychique des enfants. Enfin, il ne faut pas oublier que les enfants ont été un choix de vie et ne doivent pas être un poids lors d’une séparation. »

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