Santé

Qui sont ces adultes qui ne peuvent pas dormir sans leur doudou ?

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Tout commence lors d’un goûter chez une amie, quand une des invitées arrive avec son bébé qui tient contre lui un doudou. « Oh, c’est mon doudou », lance l’hôtesse. Quand on lui demande si elle lui a offert son doudou, elle répond, choquée : « Ça va pas la tête, mon doudou il est rangé dans mon placard, je le donnerais jamais ! Non, je lui en ai offert un neuf. » Face à cette déclaration, je suis surprise d’apprendre qu’à 28 ans, elle sait précisément où se trouve son doudou, le mien ayant disparu de la circulation depuis les années 90. « Tu serais surprise du nombre de personnes qui ont encore leur doudou, et même qui dorment avec ! » Enquête sur ces adultes qui n’arrivent pas à fermer l’œil sans leur doudou.

« Si ma maison brûlait, je sais très bien que c’est mon doudou que je sauverais en premier, avant mon téléphone. » Marine, professeure de 27 ans, ne se sépare jamais de son panda qu’elle a depuis l’enfance. Et pourtant, grand de 40 centimètres, il a vieilli, est tout ratatiné, a été troué, puis recousu. « Je dors avec tous les soirs, mais je ne l’amène jamais en vacances avec moi, j’aurais trop peur de le perdre, donc j’évite de le faire voyager. Je ne le prends que quand je vais chez mes parents pour le laver. » Célibataire, Marine garde son panda sur son lit. « Et si je rentre avec un mec, je jette vite le doudou par terre. S’il le voit et qu’il se moque, je lui dis que le doudou était là avant lui et sera là après lui ! » Comme beaucoup, Marine trouve du réconfort auprès de sa peluche, elle l’embrasse avant d’aller se coucher, si elle est triste, elle essuie ses larmes avec sa patte. Mais le plus souvent, son panda dort sous son bras. Un geste qui diffère selon les personnes. Camille, 31 ans, journaliste, le cale entre son épaule et sa tête lorsqu’elle lit le soir dans son lit, et pour s’endormir, elle le tient à la main ou contre sa poitrine. Laurent, 41 ans, patron d’une agence de communication, préfère que son Mickey, qu’il a eu à la naissance, dorme à côté de lui. « Il me regarde, il fait partie de moi, je sais qu’il est là, il me rassure. » Pour Sophie, 28 ans, qui travaille dans les relations publiques, ce n’est pas tant le geste, mais l’odorat qui est stimulé par son lapin. « Il ne reste que la tête du lapin, le corps a disparu il y a bien longtemps, mais de toutes façons, ce sont ses oreilles qui m’intéressent, je les sens. » Elle ne le lave donc que très rarement pour ne pas subir la pollution olfactive de la lessive.

« Peut-être ces adultes ont-ils besoin d’être rassurés »

Pour la plupart de ces doudouphiles, la cohabitation entre un doudou et un petit-ami peut s’avérer difficile sans être dramatique pour autant. « Au début, Christophe a eu peur, mais on en rigole, ce n’est pas un sujet sensible », explique Laurent. Le compagnon de Sophie la cherche parfois, en cachant son lapin. « Ça l’amuse de me faire péter un câble parce que je le cherche, il me dit que je suis un bébé. » Car le doudou est par définition une relique de l’enfance. « C’est un objet transitionnel, explique Lorie Bellanger, psychologue-psychothérapeute. C’est un objet rassurant, pour les moments où les enfants se sentent moins en sécurité, par exemple à la crèche, quand les parents ne sont pas là, ils le suçotent, le caressent, ça apaise l’inquiétude, c’est comme la continuité de papa et maman. Normalement, c’est seulement quand on est petit et qu’on doit gérer l’affect avec un objet extérieur. Peut-être ces adultes ont-ils besoin d’être rassurés. » Marine l’avoue, elle est de nature angoissée. Jusqu’à récemment encore, elle a eu du mal à dormir dans le noir. « Au moment du coucher, on lâche prise, on ressasse sa journée, on ne contrôle pas ses émotions, il faut donc se sentir en sécurité. La nuit, on régresse, on dort comme des bébés recroquevillés, on se laisse totalement aller. Certains adultes ont besoin de cet objet pour se rassurer car ils n’arrivent pas à le faire tout seul », explique Lorie Bellanger. Alice a dormi avec son doudou jusqu’à l’âge de 20 ans. « J’habitais avec mon copain, le doudou dormait avec nous dans le lit, et un jour, gentiment, il m’a dit : “tu n’es plus un bébé, c’est ridicule, ça me met mal à l’aise.” Il avait l’impression de dormir avec une petite fille. Quand on couchait ensemble, parfois le doudou était dans le lit, il le prenait et le jetait. » Alice a accepté, « non sans peine » de ranger Moutmout au placard. Il l’a suivie dans tous ses déménagements, et elle l’a offert à sa fille à sa naissance.

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© Getty

Parmi notre panel d’utilisateurs de doudous, certains ne s’en séparent pas, même lorsqu’ils voyagent. Journaliste, Camille a fait le tour du monde, et son chat l’a suivie. « Il a fait le Paris-Dakar avec moi, il a dormi sous la tente avec moi ! « Quand j’étais ado, je suis allée en colo et j’ai oublié mon doudou là-bas. Mon père a dû faire deux heures de voiture pour le récupérer. Une autre fois, on me l’a renvoyé par colis. » Tout comme Greg, 28 ans, qui fait très attention : « Je suis parti un fois sans lui, j’ai hyper mal dormi. Donc je l’emmène partout. Le perdre serait ma pire hantise. D’ailleurs, quand je prends l’avion, je ne le mets jamais en soute, si on me perdait ma valise, je ne m’en remettrais pas. C’est étrange, j’y suis attaché comme si c’était une vraie personne. »

Même son de cloche chez Laurent pour qui il serait impossible de partir en vacances sans son Mickey. « S’il n’est pas là, je ne dors pas. Je peux rater un train ou un avion pour aller le chercher si je l’ai oublié. Une fois, il m’a rejoint en Thaïlande par FedEx ! » Pour Sophie, le choix est cornélien quand elle part. « Mes amis, mon copain et ma famille savent pour mon doudou, mes amis s’en amusent. Si je pars en week-end avec mon copain, je ne prends pas le doudou, mais si je suis seule, oui, je voyage avec lui. » Mais elle l’a déjà oublié chez ses parents et a dû faire sans pendant de longues semaines. « Je trouve autre chose à sentir, comme la manche d’un pull ou un tissu très fluide. »

« Mon lit est vide sans mes doudous »

En forme de chat, de nounours, ou un simple tissu, les doudous prennent toutes les formes, pourvu qu’ils aient la douceur ou l’odeur. Sarah, 39 ans, a la particularité d’être pluridoudou ! A l’origine, elle avait un seul et unique doudou, une taie d’oreiller avec des nœuds. « Il était blanc rose à l’origine, aujourd’hui il est noir. Je l’ai rangé dans une boîte, précieusement, il est trop sale, plein de microbes. Depuis, je me suis créé de nouveaux doudous, j’ai commencé il y a environ vingt ans, quand j’ai quitté la maison familiale. Ce sont des vieilles chemises de nuit, ou la housse de couette de mon fils. » Elle les laisse dans son lit et ils « deviennent » doudou. Qu’en pense son mari ? « J’ai de la chance, il ne gueule pas trop, surtout que je les mets entre nos deux oreillers. Et ça le rassure même quand je ne suis pas là. » Sarah touche ses doudous, et aime sentir leur odeur, elle s’enroule dedans. « Mon lit est vide sans mes doudous. » D’ailleurs, dans les moments d’intimité avec son mari, les doudous n’ont pas de raison d’être rangés au placard.

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Mais que leur apportent leur doudou ? « C’est de l’autostimulation, cela stimule l’apaisement en eux », explique la psychologue Lorie Bellanger. Pour Jessica, 26 ans, le doudou est revenu dans sa vie quand elle s’est installée seule, pour avoir du réconfort la nuit. Quand son petit ami n’est pas là, elle dort avec, mais elle ne le prend pas avec elle en vacances. Pour Greg, il est difficile de mettre des mots sur sa relation avec son ours en peluche, Flèche, qui partage ses nuits avec lui depuis la naissance. « Je lui fais des papouilles, ça me relaxe. Je ne saurais pas expliquer mais c’est comme un animal de compagnie ou un membre de la famille, c’est rassurant de l’avoir et hyper relaxant. » La qualité du doudou de Laurent remonte à l’enfance : « Quand j’étais petit, il était le seul avec qui j’avais de grandes conversations ! C’est le seul objet qui me ramène à cette époque, j’ai coupé les ponts avec ma famille, j’ai quitté la maison à l’âge de 16 ans. » Pour Abigaëlle, 28 ans, le doudou la rassure la nuit, quand il lui arrive d’avoir peur. « En vacances, je n’en ai pas besoin, mais à la maison il est là, parfois contre moi, à d’autres moments il est quelque part dans le fin fond de mon lit. Il m’apaise quand je dors seule, comme mon mec et mes chats. Mais il n’arrive qu’en troisième position après eux ! »

« Ça comble sûrement un vide, je sais que je devrais arrêter »

Pourtant, socialement, tout le monde ne s’affirme pas comme un « adulte à doudou », comme le confie Camille. « Quand je reçois à la maison, je le cache sous mon oreiller ! C’est déjà arrivé que je couche avec un garçon et que Minou soit caché à côté ! » Son doudou, elle aimerait s’en séparer. « Ça comble sûrement un vide,  je sais que je devrais arrêter mais je n’y arrive pas, je l’aime trop ! Je pense que si j’étais installée en couple, j’arrêterais. » « Il ne faut pas les forcer à arrêter. Ils lâcheront leur doudou quand ils se sentiront prêts », précise Lorie Bellanger. Sarah ne s’en cache pas. « Je n’en ai pas honte, j’en parle autour de moi. Certains fument un joint pour s’endormir, moi j’ai mes doudous. Je ne fais de mal à personne, je suis équilibrée, je suis mère de famille, je mène une vie de femme normale. Pourquoi j’arrêterais ? »

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