Santé

Sexualité après l’accouchement : la masturbation comme tremplin ?

La sexualité après l’accouchement demeure bien souvent source d’appréhensions pour les femmes, notamment parce que les croyances à son égard sont nombreuses : douleurs possibles, désir capricieux, sensations d’antan volatilisées… Sur ce vaste terrain, chacune cherche son chat et le mode d’emploi. Quand refaire l’amour ? Comment s’y prendre ? Dans son dernier ouvrage, « Le post-partum dure trois ans » (éd. Larousse), la sage-femme Anna Roy n’élude pas le sujet et l’aborde même par le prisme de la masturbation, une approche qui, selon elle, mérite d’être considérée : « On oublie deux choses : que la reprise des rapports sexuels peut passer par l’auto-érotisme, et, surtout, que l’auto-érotisme demeure une possible réponse aux interrogations des femmes à cette période », dit-elle. Certes, un.e professionnel.le de la santé saura nous écouter et nous aiguiller face à nos possibles craintes, tandis que la masturbation, elle, ne porte pas la blouse blanche. Mais n’est-elle pas une piste intéressante, une sorte d’étape préliminaire à prendre en compte avant de remettre le couvert ?

La masturbation, la grande oubliée du post-partum

La masturbation féminine est de moins en moins taboue. En mars 2021, les Françaises étaient 56% à déclarer s’être masturbées au moins une fois au cours des trois derniers mois, contre 41% en juin 2017*. Et en post-partum ? Les chiffres ne nous le disent pas, sans doute parce qu’il demeure inconvenant, dans les esprits, de superposer la maternité à l’auto-érotisme. « Freud a infusé l’idée que la masturbation clitoridienne est associée à une sexualité juvénile, alors qu’une « véritable femme » ne devrait jouir que par pénétration vaginale », explique la sexologue Diane Deswarte, fondatrice du Club Kamami, qui ajoute que le poids de cette schématisation continue de générer du complexe ou de la retenue en matière d’auto-érotisme, alors que l’on sait aujourd’hui que le clitoris est au carrefour de tous les plaisirs, que sa stimulation soit externe ou interne.

En post-partum, difficile de ne pas entrer en dissonance : la reprise des rapports sexuels est généralement évoquée à l’aune de la pénétration (douloureuse ou pas ?) et du vagin (tonique ou pas ?). Voilà qui laisse peu de place à la masturbation : reprendre une vie sexuelle devrait se faire selon la théorie, toi sur moi, toi en moi. Aussi, devenir mère encourage peut-être à se sentir femme, mais n’est-ce pas à force d’opposer ces deux identités que la masturbation ne peut s’imposer ? Entre la maman et la putain, il n’y a qu’un pommeau de douche, et la mère s’y refuse. « Or, la masturbation, à l’inverse, peut aider à se raccrocher à son identité de femme, à ne pas être seulement une mère », constate la sexologue.

Avec la masturbation, « un corps à soi »

« Une femme qui vient d’accoucher a parfois le sentiment que son corps n’est plus tout à fait le sien, parce qu’elle ne le reconnaît pas toujours, mais aussi parce qu’il a appartenu à d’autres, au bébé, aux médecins, aux proches qui ont touché son ventre », remarque la sexologue Diane Deswarte. De là, la masturbation, qui a pour objectif de s’octroyer du plaisir, sans détour et sans obstacle, invite à renouer avec son corps, sa vulve, son intimité. « Elle est le moyen de retrouver un corps à soi, de démédicaliser ce corps qui a, pendant des mois, été perçu comme une incroyable machine à fabriquer la vie », note la sexologue.

Toutefois, oser « un corps à soi » en période de post-partum, lorsque le sujet de la sexualité flotte au-dessus du lit et semble appartenir au couple, n’est pas toujours évident. « Certaines femmes pensent qu’elles trompent leur partenaire si elles pratiquent la masturbation avant même que les rapports aient repris, d’autant plus si elles l’ont éconduit », observe Diane Deswarte. Peut-on se dépêtrer de cette culpabilité ? S’il nous tient à cœur de faire sauter le verrou, la sexologue rappelle que « l’essence de la sexualité est de ressentir du plaisir, de contrôler son plaisir, le moment où on l’invite, et la façon dont on l’invite ». Une façon d’entendre que notre sexualité n’existe pas seulement dans une configuration duale, et que se faire du bien bénéficie ensuite au couple, de la même façon qu’à l’adolescence, la masturbation participe à la découverte de soi. Pourquoi ne jouerait-elle pas ce rôle à l’âge adulte, après que le corps a été éprouvé par la maternité ?

Se rassurer mieux que quiconque

« Les femmes ont peur de ne pas retrouver leurs sensations plaisir, leurs orgasmes », constate Anna Roy, qui écoute toujours attentivement ses patientes se confier à ce sujet. La masturbation peut alors être vue comme une solution de réassurance, un chemin à parcourir avec soi-même, sans témoin. « Seule, une femme peut se regarder, s’étudier, et c’est au fil des caresses, qu’elle aura envie de s’octroyer ou non, qu’elle pourra tâter le terrain, faire le point sur ses sensations, ou bien même relever une gêne », développe la sage-femme. En d’autres mots, quand on cherche le bon timing, le bon geste, la masturbation livre des réponses franches et directes, qui se dessinent au calme, sans pression.

En somme, la masturbation en post-partum, n’est-ce pas une façon de goûter le plat que l’on vient de cuisiner avant de le partager avec d’autres ? Rien de plus soulageant que de constater, en solo, que tout va bien, que le plaisir est là. On ne peut nier, aussi, son caractère « pratique » : quand le manque de temps et de sommeil pèse sur les parents, il n’est pas toujours simple de faire l’amour avec toute la spontanéité du monde, et prévoir un rapport ne convient pas à tous. La masturbation s’infiltre aisément dans notre quotidien, et dans la plus stricte intimité, jusqu’à ce que le sexe nous revienne et notre désir sexuel refasse surface.

S’inspirer de la masturbation quand on ne se masturbe pas

La masturbation en post-partum peut être une étape avant la reprise des rapports sexuels avant son partenaire. Seule, on apprivoise notre corps transformé, notre plaisir et son nouveau langage, et c’est avec davantage de confiance que l’on s’élance en duo. Bien sûr, la masturbation, si elle ressemble à une étape, peut également être un fil rouge de reconnexion à soi-même, voire une activité bien-être comme une autre : « Certaines femmes la pratiquent après l’accouchement pour se détendre, pour apaiser leur corps, tout en ayant repris le sexe avec leur partenaire », souligne Diane Deswarte.

En sus, si la masturbation présente des avantages en post-partum, les rapports à deux les proposent aussi : « Un partenaire peut être rassurant, enveloppant, bien sûr ! Chaque femme choisit son chemin, sa reprise, on peut préférer explorer le sexe à deux, penser qu’il est plus agréable d’être accompagnée », insiste la sexologue. On notera simplement que la masturbation après l’accouchement, il fallait y penser. Pas seulement parce qu’elle est « utile », mais parce qu’elle nous enseigne quelque chose de fondamental : la reprise des rapports sexuels, c’est quand on veut, comme on veut, et en douceur. Peu importe que l’on se masturbe ou pas, invitons au moins les principes de l’auto-érotisme dans nos prochains rapports.

 

« Étude Ifop pour The Poken Company réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 1 au 5 mars 2021 auprès d’un échantillon de 5 025 femmes, représentatif de la population féminine âgée de 18 ans et plus résidant en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. »

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