Santé

Témoignages : « Je vis avec l’ex de mon mec »

Dans le petit monde du podcast, c’est comme si on s’était passé le mot. Les programmes sur les ex se multiplient, au point de devenir un genre en soi. Pour comprendre le présent, pourquoi ne pas interroger le passé ? De la série « Exologie », d’Adila Bennedjaï-Zou diffusée sur France Culture, à « Love Hurts », programme américain dans lequel Lea Thau, lauréate du prestigieux Peabody Award, retournait voir les garçons qui l’ont éconduite, les autrices questionnent leurs propres histoires d’amour. Pendant que « Ex… », le podcast de témoignages animé par Agathe Lecaron, tient toujours le haut du classement, Judith Duportail sort « Les Ex de François », épisode hors-série du « Cœur sur la table », le programme à succès de Victoire Tuaillon. En rencontrant les anciennes amantes d’un homme resté en excellents termes avec toutes ses ex, la journaliste interroge l’après, et la place des ex dans notre constellation affective. Il faut dire qu’il y a matière à réflexion… notre génération cumule plus de relations que les précédentes. « Les taux de séparation sont plus élevés, commente Saverio Tomasella, docteur en psychologie, psychanalyste et coauteur, avec Laurence Ostolaza, de “Se libérer de ses ex” (éd. Odile Jacob). Cela apporte une variété d’expériences humaines que n’avaient pas nos parents. Nos ex nous permettent de mieux appréhender la complexité humaine, de se rendre compte que tout le monde est un peu bancal et qu’aucune relation n’est idéale. Accueillir cette complexité apporte de l’indulgence et de la douceur vis-à-vis de soi. » Une fois le désir émoussé et la passion consommée, on peut s’autoriser à envisager l’amitié dans toutes ses dimensions : « La préoccupation de la sexualité, finalement, nous empêche de vivre tout ce que l’amitié peut apporter dans une relation, une forme de sincérité, débarrassée des rapports de domination, poursuit Saverio Tomasella. Quand une relation amoureuse est terminée, on peut désormais développer toutes les facettes de la relation qu’on avait laissées de côté. » Parfois, cela se compte en années. Mieux vaut tard que jamais.

« C’est toujours mon boss » Alicia, 35 ans 

« C’est Alex qui m’a recrutée au département finance de l’agence de communication dans laquelle je travaille. Il n’y avait aucune attirance au départ, il était marié et avait deux enfants. Notre relation s’est transformée avec le temps et les appels quotidiens pendant le Covid. Il est devenu mon confident. Sa vie de couple ne le rendait pas heureux, on est tombés amoureux et nous avons commencé une relation. Ça a duré un an, puis il a choisi sa famille. Sur le papier, notre relation n’a jamais existé, et pourtant c’est la plus belle histoire d’amour de ma vie. Cela a rendu mon deuil impossible. Aujourd’hui, on est un peu amoureux, amis, ex, collègues. Au quotidien, notre relation est la même, sans le sexe. J’arrive plus tôt le matin car, avant 9 heures, c’est notre moment à nous. Le soir nous rentrons ensemble, jusqu’à sa porte. Mes amies me demandent pourquoi je ne change pas de travail, mais je le vivrais comme un échec. Il est devenu un pilier dans ma vie. Quand ma sœur cherche un cadeau d’anniversaire pour moi, c’est lui qu’elle appelle. Mon ex précédent me reprochait de faire trop de blagues, d’être toujours “trop”. Alex m’a rendue plus forte. Je ne ferai plus semblant d’être quelqu’un d’autre pour qu’un homme m’apprécie. Mais voilà, j’ai 35 ans, et je l’aime toujours. Alors en juin, j’ai un rendez-vous pour une PMA toute seule. »

« J’ai écrit un roman sur mon amour d’enfance » Caroline, 35 ans

« J’ai 3 ou 4 ans quand je rencontre Romain, je vis dans un petit lotissement de banlieue parisienne et ses parents emménagent dans la maison voisine. Nous avons découvert le sexe ensemble, à 15 ans, j’étais sa première fois. On ne l’a jamais refait et nous n’avons jamais été ensemble. Pourtant, de mes 4 à 25 ans, il n’est jamais sorti de ma vie. Nous n’avons fait que nous perdre et nous retrouver. Quand il est parti faire ses études en province puis à l’étranger, j’ai vécu avec l’espoir qu’on se retrouverait un jour. Ma sœur s’est mise en couple avec son frère, je n’ai donc jamais pu le ranger dans le passé. Cela m’a empêchée de faire mon deuil. Je me suis inventé une vie dans laquelle cela fonctionnerait. J’ai fini par rencontrer quelqu’un mais, il y a quelques années, le sujet me démangeait tellement que j’en ai fait un roman. Je suis en couple mais je continue de rêver de lui, je me complais dans mon passé. Écrire cette histoire m’a fait réaliser à quel point j’avais idéalisé Romain. Aujourd’hui nous n’aurions rien à faire ensemble, mais je n’étais pas guérie de lui. J’ai écrit la fin que j’aurais voulu vivre pour accepter l’idée de passer à autre chose. »                                           

« L’amour des grands », de Caroline Michel (éd. Robert Laffont).

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« Le réchauffé a parfois du bon » Antoine, 37 ans                                            

« Parfois je ressens le besoin de rappeler mes ex. Soit parce que je suis malheureux, soit parce que je n’ai pas accepté la fin d’une histoire et je suis dans un désir de reconquête, soit parce que j’ai un désir de revivre le passé, de retrouver celui que j’étais quand nous nous sommes connus. Il y a quelques semaines, une ex m’a appelé car elle venait de se faire cambrioler. Je suis allé l’aider et nous avons passé deux jours ensemble, comme si nous étions un couple, sauf qu’au bout de deux jours je suis reparti. C’était du réchauffé, mais parfois ça a du bon. Le sexe est plus facile, on sait comment l’autre fonctionne, quels sont les circuits, comment se donner du plaisir. Il y a quelque chose de très réconfortant là-dedans. »

« Nous vivons avec l’ex de mon compagnon » Rebecca, 38 ans                 

« Quand je suis arrivée à Lille, j’ai visité une coloc où Marc vivait avec son ex et d’autres amis. Je suis arrivée, et j’ai commencé à “coucher chez l’habitant”, notre histoire s’est construite sur le sexe, avant que nous ne tombions amoureux. Lui, ça ne le dérangeait pas qu’elle soit là, c’était son premier amour. Pour moi, c’était plus compliqué de trouver ma place, j’avais le sentiment qu’elle avait du mal à le lâcher, je voulais garder le contrôle et je développais ma propre relation amicale avec elle. Au bout de deux ans, nous avons quitté la colocation. Nous avons eu un enfant, dont elle est devenue marraine. C’était une manière de lui dire qu’elle aurait toujours une place dans nos vies. Il n’y avait plus d’ambiguïté entre eux, ils finissaient toujours les soirées ensemble, à se perdre dans des débats passionnés, dont je n’étais que le public. C’était un peu “too much à mes yeux”, elle était toujours dans les parages. Quand nous avons voulu acquérir une maison, nous n’avions pas les moyens et nous avons commencé à chercher des amis pour répartir les frais. Mais on ne trouvait personne. Elle était en couple, mais vivait seule et était prête tout de suite… Alors on s’est lancés dans un projet d’habitat groupé. Marc était un peu inquiet, moi aussi d’ailleurs. C’est un gros challenge de vivre avec l’ex de son compagnon, mais c’est une super marraine, et c’est vraiment le lien qui nous unit. Et puis j’ai toujours été ouverte à l’idée de vivre en communauté, de sortir du cadre de la famille resserrée. Cette histoire m’a surtout appris qu’en tant qu’humain on est capable de se faire confiance, de ne pas se sentir menacés, de s’aimer d’une autre manière. C’est leur histoire, mais elle est finie, c’est à moi de lâcher prise maintenant. »

« Nous ne nous sommes plus jamais parlé » Cécile, 50 ans                                            

« J’ai vécu dix-neuf ans avec Paolo, un Franco-Brésilien que j’ai rencontré quand j’avais 28 ans. Nous nous sommes très vite installés ensemble, je suis tombée enceinte dans la foulée. On s’entendait bien, je travaillais dans une agence de publicité, je bossais comme une malade. Il était artiste, ultra-bohème. Être avec lui me ramenait à la vraie vie et m’empêchait de devenir cinglée. Lui avait déjà deux enfants d’un premier mariage, et je me suis vite retrouvée avec trois enfants à la maison… Ça a commencé à dysfonctionner de tous les côtés, au niveau sexe notamment. Je ne pouvais pas être moi-même, ma personnalité ne lui convenait jamais. Je ne disais rien, j’encaissais, mais je cherchais à m’échapper de la maison. Tout est devenu trop tendu, trop violent même. On s’est séparés une première fois, puis une deuxième. Quand il a déménagé, il m’a écrit une longue lettre très gentille, que j’ai à peine lue. À partir de ce moment-là, nous n’avons plus jamais eu de contacts, même par texto. Il s’organisait avec mon fils pour le voir, mais rien ne passait par moi. C’est un échec que j’ai mis longtemps à assumer. J’aurais pu le relancer, mais j’ai laissé passer du temps, et cette situation s’est installée. Je l’ai vécu comme un deuil, il est parti sans ses affaires, sans rien, c’est comme s’il était mort. Mon fils a fini par les enlever après des années, car je ne pouvais pas y toucher. Je crois qu’on ne se parlera plus jamais. Ça me rend triste, mais je n’ai eu que ce genre de relations avec mes ex. Sauf le dernier, avec qui j’ai réussi à prendre un verre, à 50 ans ! Je ne sais pas ce que c’est d’être ami avec son ex, je ne sais même pas ce que c’est d’être ennemi, je ne connais que le “plus rien”. »

                                            

               

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