Santé

Allô, Giulia ? : « J’ai un blocage au lit »

« J’ai de la chance.

Je sais que j’ai de la chance : Sélim est le meilleur amant du monde, le plus doux, le plus attentionné, le plus à l’écoute qui soit… Ce qu’on vit, tous les deux, sur ce plan-là depuis notre rencontre (il y a trois ans), n’est vraiment pas donné à tout le monde. Ou plutôt à toutes – quand est-ce qu’on arrête de nous faire croire qu’on prend toutes notre pied, à chaque fois, et à tous les étages, juste avec des coups de reins ? Bref, c’est un autre débat…

En tous cas, Sélim, justement, c’est tout le contraire des mecs que j’ai pu connaître avant, et qui n’en avait à peu près rien à faire de ce que je pouvais ressentir ou vouloir. Alors j’ai très, très envie, à mon tour, de lui faire plaisir. Mais je bloque. Quand on se caresse, il voudrait descendre plus bas. Et moi, l’imaginer, sa tête entre mes jambes et surtout son nez… Oui, parce qu’il y a quand même le risque non négligeable que ça sente très mauvais, par là bas ! Et ben ça, je peux pas. Chaque fois qu’il essaye, je mets mes mains sous son menton, et je le fais remonter.

Je sais que ça le frustre, je sais que je le prive de quelque chose, mais j’y arrive pas. Pourtant, avec lui, je pourrais dire oui à tout, tellement c’est bon… Mais là, je me raidis – j’en ai même des crampes, et en fait, ça me coupe tout. A force, j’appréhende le moment où on pourrait faire l’amour parce que j’ai peur queçase reproduise : ses tentatives, mon blocage, sa frustration. Je ne sais pas à qui en parler, j’ai beaucoup trop honte devant mes amies – on se parle quand même d’un truc hyper anodin, et qu’a priori, tout le monde fait sans problème…. Donc c’est moi qui ai un problème. Je sais. Sauf que je ne sais pas comment m’en débarrasser. Je suis désolée si je vous fais perdre votre temps, Giulia, avec un truc aussi trivial, mais je dois trouver une solution. » – Fanny, 33 ans. 

« Chère Fanny,

Si vous cherchez une solution toute prête, je suis désolée, mais je ne l’ai pas – en revanche, j’ai enfin trouvé des égouttoirs d’angle en silicone et un peu pop, après des mois de recherches, et là, je peux vous filer le tuyau. Le problème avec le sexe, c’est que c’est toujours un peu plus compliqué … Alors… Ce que je sais, c’est que Sélim est votre partenaire, pas celui de vos copines. Et je vous mets ma main à couper que pour elles non plus, c’est pas toujours l’éclate. D’ailleurs, je vous fiche mon billet (on dirait ma grand-mère) qu’elles ont aussi leurs blocages, leurs bizarreries, leurs tocs et leurs manies au lit. Une sexualité parfaitement épanouie, ça n’existe pas. Tant mieux : c’est aussi de ses imperfections qu’elle se nourrit, parce qu’on les travaille, parce qu’on les interroge, parce que parfois on les corrige et qu’on ouvre de nouvelles portes…

Mais bref, comme vous dites, c’est un autre débat. Concernant celui-ci : ce que je sais, c’est qu’on ne meurt pas pour une caresse non donnée, ou non reçue. Ceci, non pas pour nier ce que vous traversez, mais pour vous alléger un peu le sac à dos : tout va bien. Sélim vous aime, vous l’aimez, et vous m’avez l’air bien raccords tous les deux – bande de petits veinards…

En revanche, Fanny, ce que je sais surtout, c’est que tout ce qu’il se passe entre deux partenaires consentants, on le fait d’abord pour soi. Pas pour l’autre. Aussi merveilleux soit cet autre, il ne mérite aucun sacrifice de votre part, ce d’autant moins qu’il ne vous l’a pas demandé. C’est de vous, qu’il s’agit. De votre plaisir à vous. De votre désir à vous. Et c’est de cunnilingus dont on se parle. C’est sans doute par là, d’ailleurs, qu’il faudrait commencer, par votre difficulté à dire les choses, à les regarder en face… Et à vous de mettre le nez dessus.

Qu’est-ce que cette pratique peut déclencher en vous que vous ne puissiez même pas la nommer ? Quelles images est-ce qu’elle convoque ? Quelles idées vous tombent dessus, et vous polluent la tête au moment même où elle pourrait avoir lieu ? Depuis quand, comment, pourquoi ? Les bébés ne naissent pas dans des roses, Fanny. Alors oui, la chair sent parfois… La chair. La vie. L’humain. Les déos n’ont pas toujours existé, et ça n’a pas empêché l’espèce de perdurer – et donc de se culbuter.

Les odeurs que vous ne sentez pas vous-même, que vous anticipez, et que vous pensez déjà nauséabondes, sont aussi naturelles que le léger frisson que vous pourriez ressentir quand les lèvres de Sélim se posent sur votre nuque – ou qu’un pénis en érection. Se laisser envahir par le désir, se laisser submerger par le plaisir, c’est laisser notre corps prendre le dessus. Avec ce qu’il peut avoir gardé de trivial, voire d’animal, certes. Mais ces animaux là, Fanny, ne sont pas dangereux. Ils nous emportent, ils nous embarquent, et nous ramènent toujours à terre, une fois le voyage terminé. A vous, maintenant, de vous en convaincre… »

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