Santé

Clémentine, 38 ans : « J’ai découvert l’homosexualité de mon mari »

« Je me souviens du jour où ma vie a basculé comme si c’était hier, raconte Clémentine*, encore meurtrie à l’évocation de ce souvenir. Bertrand est entré un soir dans la salle-de-bains, alors que j’étais en train de me démaquiller. Il s’est assis sur le bord de la baignoire et m’a dit, très posément : « je crois que je suis homosexuel ». Sur le coup, j’ai évidemment cru qu’il plaisantait (mon mari a toujours été un poil taquin), puisque lui et moi étions ensemble depuis plus de dix ans. Nous avions un adorable petit garçon de quatre ans et tout fonctionnait merveilleusement bien entre nous, tant sur le plan physique (nous faisions souvent l’amour et avec énormément de plaisir), qu’intellectuel. Nous partagions les mêmes centres d’intérêt et les mêmes envies. Bref, nous étions heureux et avions plein de projets ensemble, dont celui de donner rapidement un petit frère, ou une petite sœur, à Gabriel, car mon horloge biologique commençait à tourner. Je sais que, dans notre entourage, notre couple faisait beaucoup d’envieux. Lorsque j’ai compris que ce n’était pas une mauvaise blague, et que mon mari – l’homme de ma vie – était bien en train de me faire son coming out, le ciel m’est tombé sur la tête. Je n’ai pas pu me contrôler et j’ai éclaté en sanglots ».

Une révélation hallucinante 

Le temps de retrouver ses esprits, la jeune interprète nantaise réalise subitement que tout son mariage a été basé sur un mensonge, sur une illusion. D’autant que Bertrand lui avoue, dans la foulée, avoir toujours su qu’il était attiré par les hommes. Il n’avait jamais eu le courage d’assumer son orientation sexuelle, s’était-il excusé, et il l’aimait, elle, profondément (elle resterait la seule femme de sa vie et il ne fallait pas qu’elle en doute), mais il avait rencontré quelqu’un, quelques mois plus tôt et, à presque quarante ans, il voulait être désormais celui qu’il était vraiment.

« Plus que trahie, je me sentais totalement désemparée, glisse la trentenaire. Je m’en voulais de ne rien avoir vu venir. C’est vrai qu’il arrivait parfois à Bertrand d’attirer mon attention sur un beau garçon dans la rue, mais je prenais plus ça pour un jeu qu’autre chose. Si j’avais été moins jalouse, j’en aurais sûrement fait autant avec les jolies filles ». Clémentine avait toujours été sincère avec Bertrand. Elle ne comprenait donc pas comment il avait pu, de son côté, faire comme si de rien n’était et lui cacher ses préférences pendant toutes ces années. « J’arrivais à douter de tout ce qu’on avait construit ensemble, lâche-t-elle.  Avais-je bâti notre vie seule et s’était-il laissé porter ? Ou en avait-il eu vraiment envie, lui aussi ? »

L’image de la famille parfaite était définitivement derrière eux

Clémentine ne savait plus où elle en était. « Ma seule consolation a été de me dire que ce n’était pas de ma faute, que je n’y pouvais rien, dit-elle. Contre une femme, c’est sûr, je me serais défendue bec et ongles pour sauver mon couple, mais contre un homme, c’était impossible. Je ne pouvais pas me battre, car il n’existait pas de rivalité ». Ce soir-là, Clémentine demande à Bertrand d’aller dormir dans la chambre d’amis. « J’avais besoin de me retrouver seule avec moi-même pour faire le point, dit-elle. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit et j’ai beaucoup pleuré, notamment en pensant à tous ces moments heureux qu’on avait passés tous les deux, puis tous les trois, quand Gabriel est né. Même si je ne voulais pas me séparer de Bertrand, en tout cas pas tout de suite (je ne m’imaginais pas vivre sans lui, malgré tout le mal qu’il venait de me faire), je savais, en mon for intérieur, que plus rien ne serait plus jamais comme avant. Et aussi qu’on ne vieillirait probablement pas côte-à-côte ».

Je crois que je lui en voudrais toujours

L’image de la famille parfaite, telle que Clémentine l’avait imaginée quand elle était petite fille (et que tous les trois renvoyaient aussi aux autres), était définitivement derrière eux. Dans les semaines qui ont suivi, les conjoints ont beaucoup parlé et décidé de rester encore un peu ensemble, le temps de s’organiser et, surtout, d’expliquer les choses autour d’eux, notamment à Gabriel. « C’est lui qui s’est chargé d’annoncer la nouvelle à tout le monde, explique la jeune femme. J’avoue que ça m’a soulagée. Je n’avais pas envie de me sentir jugée dans le regard des uns et des autres. Pour eux, j’allais sans doute être la pauvre épouse qui, sans le savoir, vivait avec un homo refoulé ». Trois ans et un divorce plus tard, Clémentine essaie toujours de se reconstruire.

 « Mon ex-mari est resté très attaché à moi, confie-t-elle. Il m’appelle quasiment chaque jour, ce qui ne m’aide pas vraiment à tourner la page. Pour ma part, je crois que je lui en voudrais toujours, en mon for intérieur, d’avoir fait exploser notre famille, mais j’essaie d’aller intelligemment de l’avant. Les deux premières années ont été très difficiles, car j’étais encore amoureuse de lui, mais aujourd’hui je ressens une profonde amitié pour lui. Et je m’entends même plutôt bien avec son compagnon ».

* L’identité a été modifiée

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