Santé

Connaissez-vous la masculinité comique ? Par le Dr Aga

Comme si souvent, c’est mon mari, ma muse, qui sans le savoir m’a soufflé cet article. Avec le temps, on a tous et toutes moins tendance à écouter ce que son conjoint raconte, et c’est dommage, parce que, parfois, c’est inspirant. Alors que je rentrais de la conférence de rédaction, l’autre jour, Didier s’est enquis poliment de ma journée en ces termes : « Ça va, t’as bien rigolé avec tes copines ? » J’ai levé les yeux au ciel.

Depuis plus de vingt-cinq ans, mon mec pense-t-il vraiment que mon métier consiste à coller des gommettes avec mes potes de moyenne section ? Que, dans un journal féminin, on passe notre temps à essayer des robes et à goûter des cupcakes en pouffant ? Je me suis demandé si son ton attendri relevait d’une condescendance genrée, d’un réflexe de boomer élevé par une mère dont l’activité professionnelle consistait à vendre des boîtes en plastique hermétiques à ses copines autour d’un thé, ou si on était tout simplement sur un bon gros patriarcat bien velu. À la réflexion, cette dernière option est exclue. Didier est tout sauf une brute bornée, à bien des égards, il est même beaucoup plus subtil et tendre que moi. Non, sa remarque, comme tant d’autres dont il a le secret (exemple:« Alix, je t’ai pris de la lessive »), c’était de la masculinité plus comique que toxique. J’ai cherché si d’autres hommes d’autres générations étaient comme ça, à dire des énormités à la fois mignonnes et hyper irritantes sans même s’en rendre compte. Bon, j’en ai trouvé un paquet.

ELUI QUI A UNE PETITE IDÉE DERRIÈRE LA TÊTE

Quand j’étais jeune fille, ma grand-mère m’avait mise en garde:« Attention chérie, les hommes ne pensent qu’à ça ! » « À quoi, mamie ? » (En vrai je savais mais je voulais qu’elle le dise avec ses yeux verts agrandis d’horreur.) « Ben, à faire des femmes leurs maîtresses. » Je ne sais pas si c’est parce que #MeToo est passé par là, mais j’ai le sentiment que, aujourd’hui, le sale secret qu’ils cachent, c’est plutôt qu’ils veulent faire de nous leur secrétaire. Pas leur assistante, mais bien leur secrétaire, ambiance sixties, c’est-à-dire en charge d’à peu près tout ce qui est pratique : prendre les billets de train, tenir l’agenda des sorties, commander au drive, mais aussi se souvenir de leurs codes de paiement sur Internet (entendu récemment : « Mais si, tu sais, le second, le premier je m’en souviens, je suis pas teubé, c’est ma date de naissance… »). Et après, comme ils sont mignons, ils nous couvrent de compliments: « Mais qu’est-ce que je ferais sans toi ? » – une réplique digne de Don Draper à Peggy Olson dans « Mad Men ». Et ça ne vaut pas que pour la génération mal-habile avec la tech, les jeunes hommes sont concernés aussi : passé leurs 20 ans, plus question de leur dire « Fais un poutou à maman », mais quand il faut commander un double des clés qu’ils ont perdues, c’est pour nos pommes.

La solution ? Exiger d’être payée. Je ne plaisante pas. On compte nos heures, on multiplie par le salaire horaire d’une super assistante (50 euros minimum) et on facture.

CELUI QUI PARLE DE TOUT CE QU’IL FAIT

Quand ils ne veulent pas nous transformer en secrétaire, certains hommes adorent commenter à voix haute tout ce qu’ils font pour leur famille : « J’ai étendu le linge », « J’ai pris rendez-vous chez le vétérinaire », « J’ai rangé toute la cuisine » (celle-là, je l’ai souvent, je l’adore) avec le ton d’un gars qui viendrait de libérer l’Ukraine. Ce qui est attendrissant, c’est leur désir de montrer qu’ils veulent bien faire. Ce qui est exaspérant, c’est qu’ils en sont fiers, là où nous agissons machinalement.

La solution ? Faire pareil qu’eux. Dès qu’on fait un mini-truc, le verbaliser. « J’ai acheté du fromage. » « J’ai mis la voiture en charge. » « J’ai fait ma manucure toute seule. » « J’ai étalé du beurre sur du pain pour en faire des tartines. » De quoi les rendre fous.

CELUI QUI TESTE LES AUTRES HOMMES

Ici, il s’agit d’une observation personnelle, et ça m’amuserait vraiment de savoir si ça se passe comme ça chez les autres. Didier et moi avons trois enfants (hyper vieux) et leurs conjoints sont deux filles et un garçon. Dès que notre « gendre » apparaît, mon mari le colle au boulot: « Tu nous allumes le barbecue ? », « Tu conduis la voiture, Romain ? », « Tu remontes des bouteilles de la cave ? », comme s’il voulait le mettre à l’épreuve dans des trucs de « virilité » old school, alors que, avec nos « brus », il est normal. Tout juste s’il leur demande de raconter si elles se poilent au bureau avec leurs copines, elles aussi. Je plaisante. Il ne leur demande rien. C’est bizarre, non ?

La solution ? Équilibrer la balance en demandant, nous, à nos brus de faire la cuisine et le repassage. Rhooo, si on peut plus rigoler… En vrai, il est peut-être utile de rappeler à nos conjoints que le film « Mon beau-père et moi » est sorti en 2001 : il est désormais temps de prouver à nos filles qu’on a toute confiance en leurs choix de vie.

CELUI QUI N’EN REVIENT PAS QU’UNE FEMME SOIT PLUS EXPERTE QUE LUI

Il peut avoir 15 ans comme 85, je l’ai constaté : dès qu’une fille excelle dans un domaine réputé « masculin », cet homme est super admiratif. Je me souviens encore d’un match de foot des Bleus que vingt-cinq jeunes regardaient ensemble chez moi. Un des gars dit : « Il jouait où, Pavard, avant Munich ? » Les autres sèchent. Ma fille les regarde en souriant et répond : « Bah… à Stuttgart ! » La lueur de stupéfaction dans le regard de ces garçons… Et juste après, cette réflexion 100% « monde d’avant » de son frère Félix (c’est celui qui ne veut pas que je parle de lui dans le journal, j’ai jamais compris pourquoi) : « J’en ai fait un bonhomme. » Ce jour-là, on a tous rigolé. Alors que rien n’allait, au fond.

La solution ? Peut-être montrer l’exemple en ne relevant jamais le fait qu’une femme cartonne dans une discipline traditionnellement « masculine ». Elle sait réparer un moteur de tondeuse, lancer un satellite ? Et alors ? En 2023, y a guère que Pascal Praud que ça devrait épater.

CELUI QUI EST SOLIDAIRE DE TOUS LES TESTICULES DU MONDE

Cet exemple-là relève du reportage de rue. Sur les conseils de son éleveuse, j’ai fait castrer mon petit teckel il y a quelques mois. Absolument tous les hommes à qui je l’ai dit dans la rue, quel que soit leur âge (Tyson et moi passons beaucoup de temps sur le trottoir et nous nous y sommes fait des amitiés solides), ont grimacé, comme si c’est leurs gonades à eux qui avaient été sacrifiées. J’ai eu droit à des demandes d’explication (« Mais c’était obligé ? ») et même à des regards suspicieux (« Cette femme est féministe, elle veut tout déconstruire »). Alors que quand on avait fait stériliser notre chienne précédente, les seules réactions étaient : « Ah c’est mieux pour elle ! Elle se fera moins embêter et vous, vous serez tranquilles. »

La solution ? Sur le fond, je trouve plutôt mignonne la spontanéité de cette solidarité entre-couilles. Mais rien ne m’empêchera jamais d’aller à la blagounette. Alors, à tous ces messieurs, j’ai dit : « Vous savez, il n’a pas souffert. J’avais déjà castré mon mari et mes fils, mon geste est très sûr désormais. » Leur tête. Ma joie.

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