Santé

Quand le perfectionnisme se transforme vraiment en défaut

C’est une activité que l’on interrompt parce qu’on craint de ne pas être à la hauteur. C’est un objectif que l’on met de côté parce que la tâche nous semble titanesque. Ou encore un projet qui devient une obsession, que l’on a de cesse de retravailler, encore et encore, jamais satisfait·e du résultat. Nous connaissons tou·te·s la blague de ces candidat·e·s qui, en entretien d’embauche, à la question « Quels sont vos défauts », répondent « Je suis trop perfectionniste ». Il s’avère que l’excès dans la recherche du « bien faire » peut réellement devenir un frein. « Le perfectionnisme se définit par le paradoxe d’avoir des exigences élevées, mais de n’être jamais satisfait·e. Si l’on rate, c’est uniquement de notre faute – nous n’étions pas assez préparé·e, nous n’avons pas assez bien fait. Mais si on réussit, c’est que l’objectif fixé n’était pas assez ambitieux, ou que l’on peut mieux faire », résume ainsi Juliette Marty, psychologue clinicienne. Pour elle, avoir une certaine dose d’exigence et certains objectifs « devient malsain dès lors qu’on s’impose des efforts incessants pour les atteindre », au risque de se mettre « une pression constante sans jamais être pleinement satisfait ».

Le perfectionnisme comme stratégie d’adaptation 

La psychologue l’assure : « Nous ne naissons pas perfectionniste, nous le devenons ». Il s’agirait ainsi d’un mode de fonctionnement, que nous mettrions en place en réaction à un environnement, une situation particulière, ou encore face à un projet qui nous tient particulièrement à cœur. « C’est une stratégie d’adaptation que nous installons dès l’enfance ou l’adolescence. Cela peut être par l’imitation de modèles, ou en réponse à des situations qui se sont plus ou moins bien passées », décrypte Juliette Marty. 

« Je rêve d’écrire un livre, mais je fais un blocage au moment de me lancer dans le projet. Enfant et ado, j’ai toujours entendu mon père, qui adore écrire, se dévaloriser en comparant ses textes à ceux de ses écrivains préférés. Ce qu’il rédigeait n’était jamais à la hauteur, il n’arriverait jamais à la cheville de Romain Gary ou de St Exupéry, et donc ce n’était même pas la peine d’essayer. Je pense que ce discours fataliste a déteint sur moi et qu’aujourd’hui je me dis que tant que je n’écris pas un chef d’œuvre, autant ne pas écrire… », témoigne Ella, 33 ans. La comparaison, l’angoisse d’être ordinaire, voire médiocre, ou encore une exigence poussée à l’extrême : autant de leviers qui sont à l’action derrière le perfectionnisme. « Dans une société où le toujours plus, toujours mieux est encore la norme, le·la perfectionniste voit son fonctionnement comme une norme ordinaire. L’exigence est sa normalité, et il·elle ne se rend pas forcément compte de l’aspect démesuré de son fonctionnement », confirme Juliette Marty. « Je pouvais passer des heures à peaufiner un dossier, en pensant qu’il y avait toujours quelque chose à améliorer », affirme Camille, 36 ans. « En voulant être meilleure, plus performante, je suis finalement devenue tout l’inverse, puisque je rendais systématiquement mon travail en retard, ou incomplet », poursuit-elle.  

Accepter l’échec pour mieux réussir ?

Il faut une bonne dose d’introspection, de remise en question et surtout de lâcher prise à un·e perfectionniste pour se rendre compte que les choses vont trop loin. « Dans ma vie, j’avais tellement peur de l’échec et du jugement que j’étais dans le contrôle absolu pour tout. Je n’osais même pas me lancer dans de nouvelles activités comme du yoga ou de la céramique, juste parce que je me disais que je ne serai pas excellente tout de suite. Professionnellement, j’étais tout le temps à la limite du burn-out parce que je passais trop de temps à m’auto-corriger, à perfectionner mon propre travail, à mettre en doute mes décisions. Et au niveau perso, j’étais control freak. En vacances par exemple, il fallait que tout soit absolument idyllique pour que je sois satisfaite, et encore… j’avais toujours l’impression que ça aurait pu être encore mieux », témoigne Stéphanie, 37 ans. C’est finalement l’entourage de la jeune femme qui intervient, et qui l’encourage à affronter ses peurs. « Je me suis rendue compte que je ne profitais plus de rien. Que juste “bien“ c’était parfois suffisant, et qu’être toujours dans une quête du “mieux” m’épuisait. J’ai réalisé que j’étais terrifiée par le regard des autres, et par l’échec, alors que tout le monde autour de moi ne voulait que mon bien-être, pas ma prétendue perfection », explique-t-elle. 

Pour la psychologue, l’entourage pro et perso peut en effet être à l’origine d’une prise de conscience, en questionnant cette nécessité d’exigence et d’excellence à tout prix. « Il n’est pas évident de lutter sur tous les fronts. La peur de l’échec est un schéma solide qui nécessite d’être questionné pour être mis à distance : « Au pire du pire, que se passerait-il si j’échoue ? ». Le mieux est de s’attaquer à un seul domaine de vie : les études, la gestion du quotidien, le travail, les loisirs, le sport… Et commencer par celui qui nous fait le moins peur, qui nous semble le plus simple, au risque de s’éparpiller et finir par procrastiner. Faire un premier pas vers le changement, et constater que le fait de réviser ses exigences peut s’avérer acceptable », conseille Juliette Marty.

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