Santé

Dans l’intimité de la Gen Z : « Presque toutes les filles de mon âge ont eu un rapport non consenti »

« Je me souviens que mes premières conversations sur le sexe ont eu lieu au collège. Nous les filles, n’étions pas hyper calées sur le sujet mais les garçons en parlaient tout le temps. Le sujet s’est débloqué au lycée, quand nous commencé à vivre nos premières expériences. Je dirais qu’en première, tout le monde avait déjà un peu tout vu. Ma première fois a eu lieu en seconde avec mon premier copain. Je venais d’avoir 16 ans. Contrairement à mes copines, qui ont commencé par des préliminaires avant de faire leur première fois, j’ai tout testé d’un coup. J’étais très à l’aise parce que nous en avions beaucoup parlé avant. Mon copain et moi étions en couple depuis deux mois quand on a décidé de coucher ensemble, alors que nous étions chez lui un jour. Cette communication est importante, car c’était sa première fois aussi. Comme nous étions novices tous les deux, nous ne savions pas du tout comment nous y prendre. On s’était rassurés sur le fait que, même si ça se passait mal, ce n’était pas très grave. Tout le monde le dit, la première fois n’est jamais géniale. Il ne voulait pas que j’aie peur. Quand on a commencé les préliminaires, il s’assurait que tout allait bien et m’a demandé s’il me faisait mal. Nous avons surtout dialogué dans l’instant. Juste avant, il avait demandé si j’étais prête et si je me sentais de le faire. J’avais dit oui parce que nous avions confiance l’un en l’autre. Ça s’est fait vraiment tout seul et j’en garde un bon souvenir.  

 « Ma génération est un peu débile au sujet de la contraception » 

Depuis, j’ai eu deux autres copains et pas vraiment de coups d’un soir. Seulement un que je connaissais très bien, car je ne pourrais jamais coucher avec un inconnu. Les mecs de vingt ans ne sont pas forcément très rassurants et leur rapport au féminisme est peu encourageant. Je les entends dire : “A part montrer leurs seins, elles servent à quoi ces féministes ?”. Je ne veux pas faire une généralité mais il semble que la plupart s’en moque royalement. Leur rapport à la contraception est inquiétant lui aussi, parce qu’ils sont en majorité réticents à se protéger. On en vient à se demander s’ils refusent systématiquement de le faire ? Beaucoup se vexent quand on leur demande de se faire tester. De ce côté-là, notre génération est un peu débile. On m’a déjà dit “Oh, tu fais chier”. Ils se protégeaient quand même car sinon, il ne passait rien : pour moi, c’était non négociable. D’après eux, les sensations ne sont pas les mêmes avec un préservatif. Et puis… devoir l’enfiler “casse le truc”. Aucun des garçons que j’ai connus n’a jamais retiré le préservatif pendant un rapport, mais j’ai déjà eu des accidents. Dans ces cas-là, c’est pilule du lendemain, automatiquement. Une charge contraceptive dans laquelle ils sont très peu impliqués.  

Prendre la pilule ne me dérange pas. Depuis la troisième, je m’y suis habituée. Mais c’est mon problème. Si je l’oublie, c’est ma faute. Demandez à un garçon de mon âge de prendre la pilule masculine, il va vous rire au nez. Ça ne les a jamais concernés et ils trouvent toujours cela inconcevable. Un de mes anciens copains ne comprenait pas pourquoi il devrait prendre la pilule du jour au lendemain. Ils ne sont pas à l’aise avec ce sujet-là, comme avec le thème des règles. Ils ne veulent pas en entendre parler. Le copain d’une de mes amies a installé une alarme sur son téléphone pour lui rappeler de la prendre, mais c’est bien le seul que je connais qui s’en soucie.  

« Les garçons de vingt ans sont des forceurs » 

Je suis en étude de droit à Angers. En province, il n’y a pas beaucoup de monde à la fac. Peut-être que les gens sont moins ouverts d’esprit. Ici, il est encore mieux vu chez les garçons d’enchainer les relations avec des filles différentes que de vivre une histoire sérieuse avec la même personne. Leur but est de coucher avec autant de monde que possible. Au contraire, si une fille s’amuse à coucher avec plusieurs mecs, on l’insulte et on va en parler pendant des semaines. Je n’ai jamais vu un mec défendre une fille qui s’amusait beaucoup en disant : “Laissez-la faire ce qu’elle veut”. Souvent, on dit que c’est une pute.  

Les garçons de mon âge ont pour la plupart une image de “forceurs”. C‘est-à-dire qu’ils sont très mignons au début mais deviennent exécrables dès lors qu’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. J’ai l’impression que plus le temps passe, plus l’effet du porno dégrade leur vision de la sexualité. Ils en parlent de plus en plus tôt et de plus en plus crûment. Envoyer un message sans détour pour proposer de coucher, sans les politesses d’usage ne les gêne pas outre mesure. Si tu es intéressée, tant mieux, sinon tant pis.  

« Je ne suis pas très à l’aise pour parler de mes envies au lit » 

Au lit, ils sont dans le mimétisme et l’imitation des films qu’ils regardent. Ce sont eux qui dominent et nous, on suit. Ils nous disent comment commencer, nous guident. On s’est habituées à ce qu’ils parlent tout le temps de sexe et qu’ils prennent l’initiative, alors on n’a pas trop l’instinct de proposer quelque chose, par exemple lorsque l’on a envie de changer de position. Pendant les préliminaires, au contraire, j’ai l’impression de mener plus souvent la danse. En général, ils ne vont pas forcément faire en sorte que la fille aille jusqu’au bout. Une fois qu’ils ont joui, ils n’en ont pas grand-chose à faire de ton plaisir. Un de mes ex était très égoïste, du genre à dire : “J’ai bien aimé, c’est le principal. Je me fiche de toi et de ton ressenti”. Avec mon copain actuel, on parle beaucoup pendant et après le sexe. Il me pose tout le temps des questions, me demande si j’ai bien aimé telle ou telle chose, ce que j’aimerais qu’il fasse. Évidemment, j’ai des envies. Mais je suis moins à l’aise que lui pour en parler. J’ai du mal à exprimer ce que j’aime et ce qui me met à l’aise. Sûrement parce qu’en tant que femme, j’ai peur du jugement. Je sais à quel point les hommes sont durs envers nous. J’ai déjà assisté à des conversations que mon ex avait au sujet d’autres filles, les copines de ses amis par exemple. Il les traitait de “putes” à tout va, simplement parce qu’elles aimaient faire certaines choses au lit.  

Moi, je n’ai pas vraiment été influencée par le porno. Mes premières relations étaient “innocentes” parce que je ne connaissais pas grand-chose de la sexualité avant de la pratiquer. J’avais eu des témoignages d’amies qui me racontaient leurs expériences. Encore aujourd’hui, le porno ne m’excite pas et je n’en regarde pas quand je me masturbe. Pendant le sexe, je ressens d’autant plus cette manie qu’ont les mecs de mon âge d’imiter ce qu’ils y voient. Prenons l’exemple de la fellation : le fait d’appuyer sur la tête, ça m’agace ! La femme fait ce qu’elle veut : si elle a envie d’être à son rythme, laissez-la faire. Ce qu’ils pensent être une pratique dans le porno ne se pratique pas spontanément dans la réalité. C’est personnel bien sûr, mais je trouve que la fellation ne se fait pas avec tout le monde, n’importe quand. C’est une pratique qui peut être assez rabaissante, justement pour cette raison. J’ai donc souvent refusé de le faire. Pas avec mon copain actuel parce que j’ai entièrement confiance en lui. En revanche, j’avais accepté de le faire avec mon ex au bout d’un certain temps et celui-ci avait directement appuyé sur ma tête, sans me demander. Je suppose que les hommes considèrent ce moment comme celui de la toute-puissance et de la domination.  

« Presque toutes les filles de mon âge ont eu un rapport non consenti » 

Presque toutes les filles que je connais ont eu un rapport non consenti. Moi, cela m’est arrivé une fois avec un garçon que je fréquentais depuis deux ou trois semaines. Nous échangions par message, jusqu’au soir où j’ai été invitée à une soirée chez lui. Je dormais avec lui pour la première fois, mais je n’avais envie de rien. Il a commencé à caresser mes cuisses de manière insistante, alors j’ai dit “non”. “Je n’ai pas trop envie.” Ça l’a énervé et il m’a reproché de lui parler depuis trois semaines mais de ne pas vouloir coucher avec lui. C’était très brutal. Il a aussi essayé de me pénétrer avec ses doigts et a réussi. C’est là que je l’ai repoussé. C’est encore difficile à digérer aujourd’hui mais ma réactivité me permet de bien le vivre. Je lui ai directement hurlé dessus et je suis rentrée chez moi en coupant tout contact. Cette réaction immédiate m’a permis de conserver une certaine dignité, mais je sais que certaines filles sont incapables de se défendre et sont complètement paralysées. Je pense que c’est le pire pour elles. Je suis tombée sur quelqu’un de mauvais, mais je me dis que tous les garçons ne sont pas comme ça. »   

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