Santé

Domitille, 52 ans : « Je suis mariée à un hypocondriaque »

« Jean-Christophe a toujours été un chouïa inquiet pour sa santé, raconte Domitille. Lorsque je l’ai rencontré, il n’avait que vingt-six ans, mais je me souviens qu’il se plaignait souvent de maux de tête. Il avait beau essayer de me faire croire qu’il arrivait à garder à distance ses symptômes, je suis sûre que, au fond de lui, il était déjà mort de trouille. Il devait être persuadé d’avoir une tumeur maligne au cerveau (ou une autre maladie tout aussi grave) car il ne cessait d’enchaîner les rendez-vous chez les spécialistes, qui l’envoyaient tous passer des examens complémentaires ».

Cette cadre technico-commerciale de la région lilloise se souvient que cette histoire de migraines récurrentes et de contrôles médicaux avait duré des mois et des mois, jusqu’au jour où son cher et tendre avait, bien malgré lui, dû admettre qu’il n’avait rien. Pas le moindre début de pathologie. Tous les comptes rendus d’imagerie médicale étaient formels sur ce point. Et le médecin traitant de Jean-Christophe avait conclu qu’il s’agissait probablement de banales névralgies sur fond de névropathie. « Ce qui m’avait surprise à l’époque, c’est qu’il semblait presque déçu qu’on ne lui trouve rien, glisse la quinquagénaire. J’avais du mal à comprendre son attitude (il aurait plutôt dû se réjouir d’être en bonne santé, non ?), mais il y avait néanmoins une bonne nouvelle dans tout ça – du moins pour moi -, à savoir : il a immédiatement cessé de se plaindre. À partir de ce jour, je n’ai plus entendu parler de douleurs au crâne pendant des années. Il est même arrivé, un peu plus tard, que Jean-Christophe plaisante lui-même à propos de cette période où il croyait vivre ses derniers mois ».

Et après ? Domitille reconnaît que son mari est, pendant des années, parvenu à garder son sang-froid face à la maladie. « Il est vrai qu’on était tous les deux happés par quotidien, concède-t-elle. Entre son boulot d’ingénieur et nos trois enfants, il n’avait pas vraiment le temps de se faire des films ». Tout a basculé, il y a trois ans, lorsque Jean-Christophe a passé le cap fatidique de la cinquantaine. « Je ne sais pas si c’est parce que son père est décédé brutalement d’une crise cardiaque à cet âge-là, même si je pense qu’il y a forcément un lien de cause à effet avec cet événement, mais le fait est que mon mari a, précisément à ce moment-là, commencé à se laisser rattraper et déborder par ses craintes, poursuit Domitille. Depuis, il a constamment quelque chose qui ne va pas et, bien sûr, c’est systématiquement très grave (en tout cas dans sa tête). Je serais incapable de dire de combien de malaises cardiaques, d’AVC et de tumeurs rarissimes (dont une, récemment, au gros orteil gauche), il a déjà cru être atteint ».

Un comportement devenu lassant

Au début, Domitille admet qu’elle s’amusait des névroses de sa moitié. « Je trouvais que ça lui donnait un petit côté fragile extrêmement touchant, dit-elle. Je le rassurais avec des propos rationnels, le bichonnais un peu et, hop, il oubliait aussitôt que, quelques minutes auparavant, il était quasiment à l’article de la mort ». Sauf que, avec le temps, l’hypocondrie de Jean-Christophe a finit par beaucoup moins séduire Domitille. Elle aurait même désormais tendance à lui taper sur les nerfs. « Je sais qu’il ne le fait pas exprès et que, sans aucun doute, il souffre intérieurement, mais je ne supporte plus de le voir courir de médecin en médecin au moindre petit bobo (réel ou pas), lâche la quinqua, visiblement à cran. Pire : dès que l’un d’eux lui dit que les symptômes qu’il décrit ne correspondent pas à la maladie dont il croit être atteint, il pense qu’il se trompe, voire qu’il est incompétent, et file en voir un autre ».

Jean-Christophe passe également un temps fou sur internet à parcourir les forums et sites spécialisés pour essayer de trouver des réponses à ses soi-disant maux. « À chaque fois, ça ne loupe pas, il se tourne vers la plus terrifiante des explications possibles, ce qui le rend évidemment encore plus anxieux, poursuit-elle. Rien que l’année dernière, il a appelé trois fois le Samu, pensant qu’il était sur le point de passer l’arme à gauche. Franchement, ça devient invivable pour moi. Jean-Christophe est devenu triste et notre couple s’effrite. D’autant que nous n’avons quasiment plus de vie sociale, à cause de ses angoisses permanentes et de ses innombrables rendez-vous médicaux ». Lorsque Domitille fait remarquer à Jean-Christophe qu’il faut qu’il se ressaisisse, au risque d’aller tous les deux droit dans le mur, il se met systématiquement en colère, l’accusant de ne pas prendre la mesure de la gravité de ses symptômes ou de ne pas faire preuve de compassion et d’empathie à son égard. « Il ne veut pas admettre qu’il est hypocondriaque et qu’il aurait besoin de se faire aider, se désole-t-elle. Ce qui me fait peur, c’est que, un jour, il aura peut-être un problème grave et que, le connaissant, je ne le prendrai pas au sérieux. Et là, ce sera vraiment une catastrophe ».

* L’identité a été modifiée

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