Santé

La question psy : « Je suis obsédée par le rangement de mon appartement, comment me libérer de cette charge mentale ? »

Bonjour Docteur,

« Mon obsession pour le ménage a débuté quand j’ai emménagé dans mon premier appartement, après le Bac. Ma colocataire était vraiment cracra. Je ne disais rien, mais il fallait toujours que je nettoie derrière elle.

Depuis, j’habite avec mon conjoint et mes enfants, et je ressens constamment le besoin de ranger, la propreté m’obsède. Je ne peux pas reporter au lendemain, il faut que je le fasse tout de suite, sinon je ne me sens vraiment pas bien.

Typiquement, j’ai un gros problème avec la salle de bains, il faut toujours qu’elle soit nickel. Pas plus tard que tout à l’heure, je suis allée me démaquiller, et j’ai fini par nettoyer le lavabo, les murs et la cuvette. C’était plus fort que moi. Si un invité se rend aux toilettes, qu’il ait uriné ou déféqué, je me sens obligée de dégainer l’eau de javel. 

Avant d’acheter mon robot – ce qui m’a fait beaucoup de bien – je passais l’aspirateur plusieurs fois par jour, c’était n’importe quoi. Quand mes copines venaient prendre l’apéro, et qu’elles faisaient tomber des miettes par terre, je m’empressais de sortir mon mini-aspi pour les retirer. 

Je ne me sens bien que lorsque les draps et les serviettes sont propres, que toutes mes machines sont faites, et qu’il n’y a aucune poussière qui traîne. Quand je me couche et que je sais que tout est propre, là c’est vraiment le kiff ultime. Mais ça n’arrive réellement qu’une fois par semaine !

En astiquant mon appartement, j’ai peut-être l’impression que c’est plus propre dans ma tête ? Quoi qu’il en soit, je ne ressens aucun plaisir quand je range ou fais le ménage, je m’en plains même parfois, et ça pèse énormément sur ma charge mentale. Pour autant, je ne me vois pas déléguer cette tâche à mon conjoint. Même quand la femme de ménage passe, ça n’est jamais assez parfait pour moi. Alors, que faire pour apaiser mon esprit ? »

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Chère Johanna,

« Tout d’abord, je tiens à vous rassurer : ce que vous exposez-là n’est pas trop inquiétant. On a toutes nos petites obsessions. Dans certains cas, ce symptôme peut s’inscrire dans un syndrome plus large (tel que le trouble obsessionnel compulsif, TOC), qui peut lui-même s’intégrer dans une pathologie. Mais les éléments que vous évoquez ne sont pas suffisamment exhaustifs pour poser un diagnostic de façon sûre. En revanche, vous semblez avoir de nombreuses préoccupations et ruminations.

Vous dites ne pas pouvoir reporter le ménage et le rangement au lendemain. Mais quels sont les arguments qui vous font penser cela ? Le fait de vous sentir mal n’est pas une raison suffisante. Votre émotion monte de façon élevée, mais sa cause n’est pas forcément rationnelle. La question à vous poser est la suivante : qu’est-ce qu’il y a de si dramatique dans le fait qu’éventuellement, votre appartement ne soit pas rangé avant demain ? En l’occurrence, la gravité de la situation est égale à zéro. Si votre salle de bains n’est pas nettoyée dans la minute, le résultat sera complètement anodin. Ce n’est pas le caractère agréable ou désagréable qui pose souci, mais le fait que votre attention consacrée au ménage et au rangement soit inadaptée à la réalité.

Par ailleurs, vous semblez répondre de façon stéréotypée à vos émotions : comme vous vous sentez mal, vous réagissez. Or, passer à l’action n’est pas systématiquement ni la seule ni la meilleure manière réagir aux émotions. Vous pouvez aussi accepter le fait de ne pas vous sentir bien. Dans la vie, c’est très fréquent. Et si vous vous adonniez à des activités qui ont du sens, et moins pragmatiques ? En d’autres termes, vous pourriez vous dire « OK, là je ne me sens pas bien parce que l’appartement est sale et mal rangé, mais ai-je plus urgent à faire ? Si c’est le cas, je fais ce qu’il y a de plus urgent. »

Quant à la charge mentale, tout est question de limite. Lorsqu’on est enfant, ce sont les parents qui mettent un cadre. Quand on devient adulte, plus personne n’a d’autorité sur nous. Le revers de la médaille, c’est qu’on doit poser nous-mêmes nos limites, et faire en sorte de les respecter. Vous pourriez par exemple vous demander « Jusqu’à quel niveau de propreté vais-je faire des efforts, et à quel moment vais-je m’arrêter, tout en étant raisonnable ? »

Il est aussi question de libre arbitre : si vous faites le ménage parce que vous aimez ça, c’est OK. Si vous le faites parce que vous êtes prise dans des schémas dysfonctionnels, quitte à pomper tout votre temps et votre énergie, ce n’est pas bon. Pour conclure : l’émotion ne doit pas décider à votre place. » 

Dr Nicolas Neveux, psychiatre à Paris, auteur du site e-psychiatrie.fr 

*Le prénom a été modifié.

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