Santé

La question psy : « Mon parent vit à travers moi : pourquoi, et comment puis-je me défaire de cette charge mentale ?»

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 « Tu feras des études, ma fille. Tu seras célèbre, ma fille. Tu auras une maison au bord de la mer, ma fille. » Des petites phrases anodines qui restent souvent en tête et nous confèrent parfois des rêves ou des aspirations qui ne sont pas les nôtres, mais celles de nos parents. Combien sont-ils à s’épanouir en vivant par procuration les succès de leurs progénitures ? Une façon, sans doute pour eux, de réparer leurs erreurs ou bien leurs échecs passés. Mais vivre une vie non pas pour soi, mais pour panser les blessures de ses propres parents, est pour beaucoup d’enfants, puis de jeunes adultes, une véritable charge mentale. La pression de ce schéma familial peut alors entraîner le sentiment de ne pas avoir eu le droit de faire ses propres choix, comme si on était passé à côté de soi-même. 

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Le fantasme d’un enfant qui serait comme une extension de sa propre personne est courant. Dès lors, l’enfant est formaté au point de devenir un être hybride à l’image du père ou de la mère. Quand notre parent dépose sur nos frêles épaules, dès le plus jeune âge, la responsabilité de son propre bonheur, c’est forcément un fardeau qu’il nous inflige. Des jeunes adultes empêtrés dans ces schémas en viennent à souffrir d’anxiété et parfois, dans le pire des cas, de troubles dépressifs.  Pourquoi les parents ont-ils souvent ce fantasme de vivre à travers leur enfant une deuxième vie, à leurs yeux mieux réussie, et comment s’émanciper de cette charge mentale ? La psychologue Aline Nativel Id Hammou nous éclaire. 

La réponse d’une psy  

« Dans un premier temps, il faut savoir faire la différence entre les angoisses normales et les angoisses pathologiques. Tous les parents projettent des aspirations sur leurs enfants, sans que cela revête forcément une dimension anxiogène. Cela fait aussi partie d’une parentalité normale que d’imaginer ce qui pourrait être bénéfique pour son enfant. Mais, parfois, l’attitude est davantage de l’ordre du pathologique. Dans ce cas, on dit que la personne est atteinte du syndrome de réussite par procuration. Dans cette configuration se met en place une sorte d’effet miroir entre le parent et l’enfant. Ce syndrome provient de frustrations, tant dans la vie d’adulte que dans l’enfance. En psychologie, on dit que son enfant intérieur resurgit. En donnant naissance à un autre être, la personne va penser qu’elle crée une sorte de prolongement d’elle-même. Toutes les sources d’insatisfaction, toutes les potentielles erreurs qu’elle a pu faire seront rattrapées par l’enfant, selon elle. 

Souvent, on se retrouve non plus face à des parents, mais plutôt face à des coachs. L’idée principale est de réparer ses erreurs, ses failles et autres insatisfactions. Mais tous les enfants ne sont pas forcément d’accord, ou bien ils ne seront pas aussi performants qu’escompté, ce qui peut entraîner une forme d’acharnement. Dans ce cas, on sort complètement du désir de son enfant pour le formater et créer un être à son image. Et puis, il y a aussi ceux qui ont réussi et pour qui c’est inconcevable que leur enfant ne réussisse pas à son tour. Mais tous les parents dans cette dynamique ne vont pas forcément vouloir tout contrôler dans la vie de leurs enfants. Le caractère plus ou moins conscient de ce phénomène est à souligner. »  

Ce conditionnement dès l’enfance a-t-il un impact même à l’âge adulte ?  

« La personne concernée va toujours se sentir responsable du bonheur de ses parents, ce qui entraîne fatalement une forme de culpabilité et un effort d’adaptation permanent. Les personnes concernées ont toujours cette peur en elles de décevoir, ce qui entraîne des troubles anxieux voire, dans certains cas, des troubles dépressifs. Dès l’enfance, un petit monstre va grossir à l’intérieur d’eux. Il symbolise cet état de mal-être qu’ils n’arrivent pas à comprendre. En tant qu’enfant, ils n’ont jamais réussi à faire sortir ce petit monstre et c’est ce qui pose problème ensuite. C’est comme s’il y avait un malaise qu’on n’avait pas réussi à sortir. Forcément, cela va ressurgir plus tard et, parfois, les mécanismes de défense lâchent à l’âge adulte. Progressivement, les choses s’éclaircissent et les personnes se souviennent qu’elles ont potentiellement renoncé à des passions pour suivre la voie qu’on leur avait tracée dès la naissance. Malgré tout, je dis toujours aux patients concernés qu’ils ont une part de responsabilité dans le fait que ce schéma ait pu continuer aussi longtemps. Ils auraient pu essayer de dire « stop ». »  

Comment se défaire de ce schéma familial qui pèse justement ?  

« Dans un premier temps, il faut accepter que cela puisse prendre du temps à ses proches d’accepter les choses. C’est difficile de s’entendre dire de la part de son enfant qu’il n’est pas heureux et qu’on l’a fait souffrir. Ce qu’ils comprennent : « Tu as été un mauvais parent. » C’est comme une gifle en plein visage. Les choses prendront forcément du temps, donc. Souvent, on a une sorte de déclic et on veut tout radicalement changer, mais il faut beaucoup de patience et d’empathie pour entamer le dialogue sereinement. Il faut pouvoir laisser du temps pour changer la relation et pouvoir révéler aux yeux des autres son nouveau « moi ». Quoi qu’il arrive, cela ne se fait pas facilement, et rarement dans la joie et la bonne humeur. En réalisant certaines choses, beaucoup de gens décident de changer de voie et renoncent, ainsi, à perpétuer une forme d’héritage familial. Des parents vont interpréter ce comportement comme une forme de traîtrise, ils vont dire qu’ils ont vécu la même chose à leur âge et qu’ils ne sont pas morts pour autant. La bonne question à leur poser est la suivante : « Mais, est-ce que cela t’a rendu heureux pour autant ? ». » 

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