Santé

La question psy : « Nous n’avons pas le même désir d’enfant, notre relation est-elle vouée à l’échec ? »

Le couple se retrouve parfois dans une situation délicate. L’un des deux partenaires souhaite avoir un enfant, une possibilité que l’autre refuse catégoriquement. Selon nos projets et nos priorités de vie, ce désaccord peut créer une réelle incompatibilité. Si l’on n’arrive pas à communiquer et à trouver un compromis, la relation est-elle vouée à l’échec ? Comment et quand en parler ? Quelles questions se poser ? La thérapeute de couple, psychanalyste et sexologue Evelyne Dillenseger, confrontée quotidiennement à ces questions en cabinet, nous donne des éléments de réponse.  

Les conseils d’une spécialiste 

Si on est ensemble depuis un certain temps et que cette envie de parentalité émerge chez l’un des deux partenaires, il convient de se demander dans un premier temps pourquoi cette personne ne veut pas d’enfants. Il faut tenter de connaître les raisons de ce choix.   

Pour quelles raisons l’autre ne veut pas d’enfant ? 

Quelles peuvent être ces raisons ? La personne peut être convaincue de son non-désir d’enfant depuis toujours et cette décision ne bougera pas. Elle peut faire ce choix dans un souci de préservation de sa liberté, parce qu’elle préfère s’assumer seule, ne pas se trouver dans une situation de dépendance. 

D’autres personnes ne se sentent pas prêtes, parce qu’avoir un enfant implique d’assumer des responsabilités. Quelqu’un peut avoir comme priorité sa carrière et son aisance financière, avant de se soucier de devoir subvenir aux besoins d’un enfant. Ce choix peut évoluer, il n’est pas forcément définitif.  

L’éco-anxiété est un des facteurs de plus en plus courant quand on parle de non-désir d’enfants. Pourquoi mettre un enfant au monde aujourd’hui, avec la crise climatique ? Les guerres ? Beaucoup de jeunes ont peur de l’avenir et du monde dans lequel on va faire grandir nos enfants. Est-ce que c’est vraiment leur rendre service ? 

Les femmes sont malheureusement plus impactées par « l’horloge biologique ». Un homme peut toujours faire un enfant, une femme se pose des questions à partir de 35 ans, âge où la fertilité baisse. Les maladies comme l’endométriose, les problèmes gynécologiques, pèsent aussi dans la balance. On peut ne pas avoir envie d’attendre que la fertilité baisse.  

Il faut aussi se poser la question du couple dans lequel on se trouve ? S’agit-il d’une famille recomposée, par exemple ? L’un des partenaires a-t-il déjà des enfants et pas l’autre ? Cela créée un déséquilibre dans la relation, on n’est pas au même niveau car l’un des deux ne saisit pas forcément le désir, l’urgence du désir parental de l’autre.    

La clé : en parler 

Une fois que les raisons sont connues, il vaut mieux éviter de se montrer trop insistant·e. Il n’est pas question de harceler ou de faire un chantage affectif à son partenaire. Faire la tête, par exemple, serait l’une des meilleures façons de faire partir l’autre en courant. La clé, c’est de communiquer. Qu’est-ce qui peut évoluer ou pas dans cette situation ? Parler de désir d’enfant, c’est aussi ouvrir la discussion sur le couple en général. Le désir d’enfant sera le prétexte pour se questionner sur l’avenir à deux. Quelle tournure veut-on donner à son couple ? Est-ce que le sujet « enfant » pose un problème à lui seul, ou est-ce qu’on a vraiment des projets en commun ?  

Si le partenaire avance que son travail est prioritaire, on peut proposer des solutions. Dans un an, quelles seront ses perspectives d’augmentation, par exemple ? Est-ce que le fait d’avoir un meilleur salaire pourrait changer sa vision de la parentalité ? Avoir un enfant, c’est s’organiser différemment, on peut donc essayer de rassurer sur les possibilités d’avenir (déménager, acheter une voiture, se faire aider par les parents). 

Si on ne parvient pas à communiquer sur ce sujet, des tensions peuvent apparaître. En thérapie, on voit des personnes qui deviennent méfiantes. Leur libido pourra être affectée par la possibilité de rapports qui ne sont plus uniquement axés sur le plaisir, mais aussi sur la procréation. Parfois, on perd confiance en son ou sa partenaire. On n’est plus alignés, on va éviter le sujet, lancer des piques et démarrer des disputes qui n’ont rien à voir avec le sujet du désir d’enfant.   

Le non-désir d’enfant est-il définitif ?  

Du côté de la personne qui souhaite avoir un enfant, il faut se poser dans un premier temps les bonnes questions. Pourquoi je veux devenir parent ? Pourquoi avec cette personne ? Est-ce que j’en suis sûr·e ? Tout dépend également de l’âge. Selon l’âge auquel on se rencontre, je conseille d’en parler le plus tôt possible. Rencontrer quelqu’un à 35 ans est différent qu’à 25 ans. On sait ce qu’on veut, on sait un peu mieux quelles sont nos priorités dans la vie.  

Si on a acté à deux que la situation est définitive, la balle est dans le camp de la personne qui veut un enfant. Dans un premier temps, on se pose une question fondamentale : « Est-ce qu’on aime cette personne suffisamment pour ne pas avoir d’enfant ? Est-ce que je peux (et je veux) l’attendre ? » On peut se reposer la question dans six mois ou dans un an, parce qu’on aime la personne et que l’on veut voir comment la situation évolue.  

Si on a un réel désir d’enfant mais que notre partenaire ne le partage pas, il faut s’écouter. Quelle est votre priorité ? S’il y a urgence pour diverses raisons (médicales notamment), peut-être que ce n’est pas le bon partenaire. Vous n’allez pas attendre l’autre pendant dix ans et le travailler au corps tous les trois mois pour qu’il finisse par accepter une solution qui ne lui convenait pas au départ. Je conseille aux femmes de considérer la congélation d’ovocytes, qui peut permettre d’apaiser ces questionnements. 

Écarter la notion de sacrifice et ne rien imposer 

En thérapie de couple on n’aime pas le mot « sacrifice », et ce pour les deux partenaires. Si la personne ne veut pas d’enfant mais en fait quand même pour ne pas perdre sa compagne ou son compagnon, il pourrait développer une rancœur dans le futur. Soit contre le ou la partenaire, soit contre l’enfant dans certains cas. On ne peut pas imposer la parentalité à l’autre. Il faut discuter, trouver un accord ou malheureusement, convenir que cette condition est indépassable et arrêter la relation.  

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page