Santé

Le prénom joue-t-il sur notre personnalité ? Un expert a répondu à nos questions

Gabriel, Léo, Jade, Louise, le top 10 des prénoms 2022 est tombé. De quoi donner quelques idées aux futurs parents ou, à l’inverse, les orienter vers d’autres pistes pour se démarquer et offrir à leur progéniture un peu d’originalité. 

Quoi qu’il en soit, cette liste dévoilée par l’Insee le 4 juillet dernier est l’occasion de se pencher sur la puissance des prénoms : à quel point influencent-ils notre personnalité ? Quel rôle jouent-ils dans notre destinée ? Pour le savoir, « ELLE » a interrogé François Bonifaix, psychanalyste, spécialiste des prénoms, et auteur du livre « Le traumatisme du prénom » (éd. Dune 95).

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ELLE. En quoi le prénom influence-t-il notre personnalité ?

François Bonifaix. Ce qui influence la personnalité, ce sont les raisons du choix. Quand les parents choisissent un prénom, un bouquin complet de projets et de fantasmes pour l’enfant se cache derrière. C’est aussi pour cela que les prénoms fonctionnent par génération. 

Ce qu’il faut savoir, c’est que les prénoms les plus donnés représentent un prénom sur deux en France. Finalement, il y a très peu d’originalité, car cela colle à une époque, à une mode, et à un projet. Le top 10 des prénoms est le reflet de notre société, avec toutes les problématiques qu’elle comporte. Finalement, Jade porte aussi en elle un projet économique, sociologique, écologique et politique.

Depuis la crise de 2008, on retrouve à peu près les mêmes prénoms. Et quand on regarde la liste des garçons, il y a beaucoup de prénoms bibliques, communs aux trois principales religions en France. Pour cause, on est dans une société qui a de plus en plus besoin de remettre en place des valeurs universelles. On est aussi dans le domaine des anges, avec Gabriel et Raphaël, ce qui renvoie à un besoin de protection. Quant aux prénoms de filles, comme Louise, Emma, Ambre ou encore Alba, ils font écho à la beauté, mais pas uniquement physique. C’est ce que les parents souhaitent pour leur enfant, mais aussi pour eux. 

ELLE. Le fait de porter un prénom « commun » ou, à l’inverse, original, a-t-il un impact sur notre chemin de vie ?

F.B. Cela peut paraître bizarre, mais une personne qui porte un prénom commun aura plus de facilités à réussir dans la vie. Des études sociologiques montrent qu’un prénom original est presque discriminant. Cela veut dire que le projet des parents est différent, et que ces derniers attendent beaucoup de l’enfant. On le remarque énormément chez les stars : Anthony Delon, par exemple, a eu beaucoup de mal avec son prénom, qui est finalement presque trop commun. À l’inverse, Izïa [Higelin, ndlr] est plus original, et cela pousse l’enfant à donner encore plus pour se démarquer. 

Dans certaines familles, les pères transmettent leur prénom, de génération en génération. C’est une façon de brimer l’enfant, en n’étant finalement qu’un substitut, ou la continuité de notre vie.

ELLE. Les caractéristiques d’un prénom, que l’on peut lire dans les livres destinés aux futurs parents, déterminent-elles vraiment la personnalité d’une personne ? Un Jules sera-t-il forcément dynamique et honnête ? Une Marie sera-t-elle inévitablement réservée et généreuse ?

F.B. Oui, parce qu’il y a une espèce d’acceptation populaire autour d’une symbolique. 

Il n’existe pas de programme informatique qui permette de sortir un prénom en fonction de telle ou telle caractéristique, en disant : « Je veux un enfant généreux, intelligent et célèbre. » Mais c’est en lisant ces livres-là que l’on se dit qu’un prénom résume plutôt bien ce que l’on souhaite pour son enfant. 

Ensuite, c’est dans la façon d’éduquer que le projet autour de ces caractéristiques sera présent. Puis, c’est à l’enfant de s’approprier son prénom, en acceptant ou non de correspondre au projet de ses parents. 

ELLE. Certains prénoms, comme Kévin par exemple, ont mauvaise presse. Quelles sont les possibles répercussions sur la personne qui les porte ?

F.B. Kévin avait mauvaise presse pendant longtemps, car il fait partie des prénoms importés des séries américaines dans les années 1980, comme Brandon, Jonathan ou encore Jennifer. À l’époque, cela renvoyait à une couche sociale populaire. Mais aujourd’hui, il y a des Kévin médecins ou encore politiques, qui ont réussi aux yeux de la société. Ces prénoms-là sont en train de devenir passe-partout. 

Ceux qui ont mauvaise réputation, de nos jours, ce sont les prénoms francisés, comme « Djeizon » au lieu de « Jason », par exemple. À partir du moment où l’enfant, et même l’adulte, est obligé de se justifier sur l’orthographe ou la prononciation de son prénom, cela devient problématique, car c’est comme s’il devait se justifier d’exister. C’est aussi pour cela que les prénoms les plus donnés sont courts, car plus faciles à écrire. 

ELLE. Est-ce que porter un prénom un peu « vieillot » joue sur la personnalité, du fait de devoir se forger pour faire face aux moqueries ?

F.B. Oui, cela affecte énormément la personnalité, mais c’est à double tranchant. Le fait de devoir se défendre face aux railleries, soit cela oblige à développer sa confiance en soi, soit ça effondre. Tout dépend de la manière dont on s’approprie le prénom.

Un enfant qui s’appellerait Patrick aujourd’hui renverrait à un côté très vieillot, et au personnage du film « Camping », un peu comique et léger. Ce qui n’est pas simple à porter. Mais peut-être que dans 25 ans, il sera de nouveau à la mode.

Aujourd’hui, les Marcel reviennent, avec un côté bourgeois dans le bon sens du terme. À l’époque, dans les années 1920, ce prénom renvoyait à la classe ouvrière, et aujourd’hui, c’est comme si on y mettait de l’élégance. Les prénoms reflètent moins les couches sociales.

ELLE. Certaines personnes changent de prénom au cours de leur vie. Quels peuvent être les conséquences sur leur construction identitaire ? 

F.B. Changer de prénom est devenu très facile aujourd’hui. Plus de la moitié des patient·es que je reçois à mon cabinet ont changé de prénom, comme si l’ancien ne les définissait pas, ou ne leur appartenait pas. Quand il est impossible de s’approprier un prénom, le changer permet de devenir soi.

ELLE. On entend parfois que telle ou telle personne a « une tête de Sarah », par exemple, ou qu’elle porte bien son prénom. Au-delà des origines ethniques et culturelles, a-t-on vraiment la tête de son prénom ? Comment expliquer cet impact sur le physique ? 

F.B. Les prénoms de princesses ou de déesses, par exemple, donnent une indication sur le physique que les parents espèrent pour leur enfant. Ensuite, même si la génétique entre dans la donne, l’être humain a une capacité à se façonner, de manière inconsciente : c’est ce qu’on appelle la morphopsychologie. 

Shéhérazade, Victoria ou Athéna, n’auront pas d’autres choix que d’être belles, du fait de leur prénom et du projet de leurs parents. Cela passe par le visage qui permet de déceler certains traits de caractère, mais aussi la posture, les artifices tels que le maquillage, ou encore la façon de réagir à son environnement. C’est comme si vous affichiez la façon dont vous êtes perçu·e, et dont vous souhaitez être perçu·e. Finalement, on adopte les stéréotypes associés à notre prénom.

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