Santé

Ma famille, mes proches et moi : Constance, 37 ans : « J’ai réalisé que ma meilleure amie était ma pire ennemie »

« Annabelle et moi, on s’est rencontrées au lycée, dans la région Lilloise, raconte Constance. On avait beau être complètement différentes – elle, extravertie, volubile et solaire ; moi, calme, discrète, voire effacée – on était les meilleures amies du monde. Toujours fourrées ensemble. On se connaissait tellement par cœur que l’une pouvait terminer les phrases de l’autre et commander son dessert au restaurant. Et vice versa ».

Une rivalité qui commence

Après avoir décroché son baccalauréat, Constance intègre une école d’infirmière – son rêve d’enfance, glisse-t-elle -, tandis que son amie, elle, poursuit ses études en fac de médecine. « Annabelle était brillante, confie la trentenaire. Contrairement à moi, elle semblait ne jamais avoir été confrontée au malheur ou à l’échec. Ses parents étaient les meilleurs du monde – les miens se déchiraient depuis leur divorce, près de dix ans plus tôt – et ses petits copains, étaient tous plus beaux et plus amoureux les uns que les autres, alors que ma vie sentimentale ne ressemblait strictement à rien ».

Il n’empêche : la jeune femme jure ne jamais avoir été jalouse de son amie. « J’ai toujours manqué de confiance en moi, glisse-t-elle. J’étais plutôt flattée qu’une fille comme elle s’intéresse à ma petite personne. Elle était même parfois exclusive, ne supportant pas que je passe du temps avec d’autres personnes. Pour autant, je n’étais pas complètement dupe de cette amitié et je voyais bien que je donnais largement plus que je ne recevais. La répartition du temps d’écoute n’était pas du tout équilibrée, mais sa vie était tellement plus palpitante que la mienne que je lui pardonnais sans problème son égocentrisme. Je trouvais même ça normal ».

Amitié utile plus qu’agréable

Peu à peu, les chemins des deux femmes finissent pourtant par se séparer. « Au début de nos études supérieures, je l’appelais souvent, se souvient Constance. Je ne voulais pas qu’on s’éloigne. Mais à chaque fois que je lui proposais une sortie, que ce soit un ciné, un bar ou une virée shopping, elle prétextait avoir trop de travail. Ou alors, elle acceptait, dans un premier temps, et s’annulait à la dernière minute, comme le soir où je devais pour la première fois monter sur scène avec mon groupe de théâtre.

Ce jour-là, j’étais tellement triste que je n’en ai pas fermé l’œil de la nuit. Elle, de son côté, ne prenait jamais d’initiative pour qu’on se voie, sauf quand elle avait vraiment envie de sortir et qu’elle n’avait personne d’autre sous la main. J’ai fini par me lasser. D’autant que je voyais bien sur les réseaux sociaux qu’elle ne se privait pas d’aller faire la fête, en soirée ou en boite, le week-end, comme la semaine. Elle semblait toujours entourée et avait l’air de bien s’amuser, parfois même en compagnie d’amis communs. On a alors cessé de se parler, sans jamais s’être disputées. Je n’ai même pas cherché à savoir ce qu’elle devenait, car je voulais tourner la page. J’étais trop déçue ».

Je suis tombée sur son répondeur et lui ai laissé un message en hurlant de douleur

C’est Annabelle qui a repris contact, après pratiquement trois ans de silence. « Elle m’a envoyé un jour un message sur WhatsApp pour me dire que je lui manquais et qu’elle avait très envie de renouer les liens, se remémore Constance. Je l’ai appelée le soir-même ». Ce jour-là, la jeune femme apprend que son amie a échoué deux années de suite en médecine. Elle s’est alors inscrite dans un institut de formation en podologie, dans lequel elle se plaît finalement beaucoup. Côté cœur, en revanche, ce n’est pas franchement ça. Après avoir vécu pendant près d’un an avec un certain Safouane – même ça elle ne lui avait pas dit ! – elle avait été larguée, trois mois plus tôt, par texto. Comme ça, du jour au lendemain. Elle n’était finalement pas celle qu’il voulait. Cette rupture l’avait brisée, anéantie. Elle commençait tout juste à remonter la pente ».

Des jours durant, Constance écoute Annabelle lui raconter ses déboires amoureux et ses angoisses existentielles et fait tout pour la réconforter. « Elle m’appelait à n’importe quelle heure, sans même me demander si elle me dérangeait, raconte l’infirmière. Et moi, bonne poire, je lâchais illico ce que j’étais en train de faire pour lui prêter une oreille attentive. Parfois même, je sautais dans ma voiture et débarquais chez elle avec une bouteille de vin, prête à lui remonter le moral. J’étais mentalement épuisée de la porter à bout de bras ». Annabelle, elle, ne pose jamais aucune question à son amie. « Ma vie ne l’intéressait absolument pas, lâche l’infirmière, aujourd’hui totalement lucide sur celle qui se disait être son amie. Elle aurait de toute façon à peine écouté la réponse et ramené très vite la conversation à elle ».

Un samedi matin, c’est Constance qui a besoin d’Annabelle. Après avoir lutté pendant des mois contre le cancer, sa maman est décédée. « Lorsque je l’ai appelée, j’étais recroquevillée en position fœtale, confie-t-elle, encore remuée à l’évocation de ce souvenir douloureux. Je suis tombée sur son répondeur et lui ai laissé un message en hurlant de douleur. J’étais sûre qu’elle allait accourir aussi sec pour me prendre dans ses bras et me consoler, comme je le faisais avec elle à chaque fois qu’elle avait besoin de moi. Elle ne m’a rappelée que le dimanche soir. Je n’ai pas décroché. Et je ne l’ai jamais revue ».

* Les noms sont modifiés.

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