Santé

Podcast – C’est mon histoire : « La ménopause a libéré ma libido »

Je ne l’avais pas entendu entrer. J’étais perdue dans mes… pensées, disons. Figé sur le seuil de notre chambre, Laurent me fixait. Je me suis arrêtée net et, je l’avoue, j’ai eu du mal à réprimer un fou rire devant le tableau que nous formions : moi, à moitié nue, sur le lit, mon canard magique à la main ; Laurent, rouge comme un collégien, bouche bée, incapable d’articuler un mot. C’est le bruit de son Smartphone tombant sur le carrelage qui nous a réveillés : « On peut savoir ce que tu fous ? » a aboyé Laurent. « Mais les enfants sont à l’école ! » Oui, c’est tout ce que j’ai trouvé à répondre à mon mari qui venait de me surprendre au beau milieu d’une joyeuse séance masturbatoire, un vendredi après-midi. Après m’avoir arraché mon canard magique, Laurent a claqué la porte. Piteuse, comme une collégienne prise en flagrant délit de plaisir buissonnier, j’ai remonté ma culotte et mon jean, avant d’aller le trouver au salon. Assis sur un pouf, les yeux rivés sur une bouteille de bière, Laurent la faisait tourner entre ses mains – fichue manie qui le reprend dès qu’il perd pied… Face à lui, sur la table basse, mon canard vibreur semblait le mettre au défi : « T’as vu ? Elle m’aime bien. Elle a juste oublié de te le dire. »

L’arrivée des enfants ? Une aubaine

J’avais hurlé, la première fois que j’avais vu le bout de son bec quand Laurent me l’avait offert lors d’une énième tentative de sauvetage de notre vie sexuelle. Moins que l’aspect peu romantique de l’objet, ce qui m’avait froissée, c’était de m’être retrouvée le nez sur mon manque de libido. Ce canard avait la tête du reproche. Je l’ai fourré aussi sec au fond du placard, d’où il n’est pas sorti pendant cinq ans. Et le voilà, donc, sur la table basse, à foutre Laurent en rogne – juste après m’avoir mise, moi, en joie. « Qu’est-ce qui se passe, bordel, Marie ? T’as quelqu’un dans ta vie, c’est ça ? », m’interroge Laurent d’une voie blanche, baissant la tête, incarnation du mari cocufié. S’il savait à quel point il est loin de la réalité… Je reste muette. Alors Laurent reprend : « Marie, je ne suis pas totalement idiot. Tu mets du rouge à lèvres, tu portes de la lingerie en dentelle alors que tu as toujours détesté ça. Quelque chose a changé. Quelque chose ou quelqu’un… S’il te plaît, parle ! » Me glissant près de lui, j’ai posé une main sur sa nuque et je lui ai répondu, le plus doucement du monde : « Mon amour, je ne te trompe pas, tu es fou… Mais c’est vrai, j’ai changé. Non, je ne suis plus la même et je ne le serai jamais plus. Je suis ménopausée. » Je n’en revenais pas. J’avais enfin réussi à prononcer ce mot affreux, que je retenais depuis des mois. La première fois que je l’avais entendu, c’était chez ma gynéco. Entre elle et moi, un bureau en verre, glacial. Au centre, feuilles blanches griffonnées : mes résultats d’analyses. Pas bons. Je sentais bien, depuis quelque temps, que mes cycles s’espaçaient. Mais ils avaient toujours été irréguliers. Et, pour moi, la ménopause c’était après  50 ans. J’avais le temps. Enfin, je le croyais. Enfin, je ne savais plus. Je ne comprenais pas grand-chose à ce que ma gynéco me disait, captant quelques mots, dans le brouillard : « Bouffées de chaleur… hormones… traitement… Vous vous habituerez vite ! », Conclut-elle, au summum du réconfort. Sur le trottoir, j’ai composé le numéro d’Isa, l’une de mes plus vieilles amies. Qui, comme d’habitude, a rappliqué illico. Autour d’un café, elle m’a écoutée sans rien dire. Jusqu’à ce que je lâche, entre deux sanglots : « Voilà, c’est la fin de ma vie de femme ». Isa a éclaté de rire : « Non mais ça sort d’où, cette vieille idée judéo-chrétienne ? O.k., tu ne peux plus avoir d’enfant. Mais depuis quand ça t’interdit d’avoir du plaisir ? On prend les paris. À tous les coups, c’est maintenant que ta vie de femme va vraiment commencer ». Et Isa a levé son verre à la santé de ma libido. Celle-ci n’avait jamais été vaillante. Quand j’étais petite, le sexe était si tabou à la maison que, quand un film passait à la télé, ma mère changeait de chaîne pendant les scènes d’amour, même les plus soft. Elle avait vu d’un très mauvais œil mon corps changer à la puberté, et m’avait bien fait comprendre que moins j’en montrerais, mieux je me porterais. Le combo sweat informe/jean coupe droite/soutien-gorge bandeau est devenu mon uniforme. Au départ, ça amusait Laurent quand on s’est rencontrés sur les bancs de la fac. Et il s’est sans doute dit qu’à 20 ans, on pouvait encore changer d’avis et d’habits. Sauf que, c’était de pire en pire. Laurent était très amoureux et je l’adorais mais son appétit sexuel étouffait le mien, déjà bien maigre. Plus il était demandeur, plus je me renfermais. L’arrivée des enfants fut une aubaine. Entre les grossesses, les couches et les nuits sans sommeil, tous les prétextes étaient bons pour ne pas faire l’amour. Je n’étais plus que mère et ça m’allait très bien. À Laurent, beaucoup moins. Avec une ténacité bluffante, il a à peu près tout tenté : les virées à l’hôtel, les vacances paradisiaques, les tentatives de dialogue, et même le sexe tantrique, le jour où je lui ai dit que j’étais plus spirituelle que charnelle. Son désir, constant, m’émouvait, mais échouait à faire naître le mien. Jusqu’au fameux canard donc, et la scène explosive qui a suivi. De ce jour-là, le sujet n’a plus jamais été abordé entre nous deux.

Canard un jour, canard toujours

Les enfants ont grandi, ils ont pris leur envol, me laissant seule, des journées entières à la maison. Nous vivions au bord de la mer et, dès que possible, je filais passer de longues heures sur la plage. Seule. J’aimais sentir le soleil dorer ma peau, le vent caresser mes cheveux, le sable jouer entre mes doigts… Pour le dire vite, au tournant de la quarantaine, j’ai découvert que j’avais un corps. Et qu’il pouvait me procurer du plaisir, une fois libérée des contraintes familiales, maternelles et sociales. Je crois que c’est à peu près à ce moment-là que mes règles ont disparu du paysage. Entre le coup de déprime chez ma gynécologue, et mon tête-à-tête avec le canard, le chemin a encore été particulièrement long. Des séances de yoga aux discussions entre copines, en passant par un intérêt parfaitement nouveau pour les pages « sexo » des magazines féminins, j’étais avide de tout ce qui, je le sentais, pouvait peu à peu faire sauter ce verrou qui m’avait tenue recluse pendant toutes ces années. Aujourd’hui, Laurent et moi tentons de parcourir ensemble les derniers mètres qui nous séparent encore d’une réelle félicité conjugale. Il doit apprendre à désirer et séduire cette nouvelle femme que je suis devenue ; je dois apprendre à faire entrer mon cher et tendre dans cette bulle de plaisir en solitaire que je me suis créée. Mais on en prend le chemin – avec notre ami le canard dans le tiroir de la table de chevet.

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