Santé

Thérapie de couple : Suzanne (66 ans) et Jean (67 ans), « Arrivés à la retraite, nous étions deux inconnus »

Suzanne et Jean, respectivement 66 et 67 ans, sont en couple depuis plus de 45 ans. Ils se sont rencontrés dans leur quartier d’enfance, via des amis communs. Depuis, ils ne se sont plus quittés. Suzanne a toujours suivi Jean, militaire de carrière, dans ses déplacements. Elle a travaillé quelques années comme secrétaire dans une mairie. Au moment de la retraite de Jean, il y a presque 10 ans, Suzanne a décidé qu’elle s’arrêterait aussi de travailler pour qu’ils puissent profiter de cette nouvelle étape de leurs vies ensemble.

« Je n’ai jamais passé tant de temps que ça avec mon mari », Suzanne

Suzanne raconte une vie assez solitaire : « Je suis mariée depuis 46 ans et je n’ai jamais passé tant de temps que ça avec mon mari. Il était souvent en déplacement pour son travail, parfois dans d’autres pays. Quand il était là, il rentrait tard le soir. Il voyait à peine ses enfants avant que je les couche. Le week-end, il faisait du sport et les vacances on les passait souvent à aménager chez nous. C’était une autre époque où sans réfléchir c’était la femme qui s’occupait des enfants. En tout cas, c’était comme ça d’où on venait. Je vois bien que mes filles n’ont pas du tout la même vie que moi et c’est tant mieux. Mais ça a beaucoup joué dans nos rapports avec Jean au moment de la retraite. »

Elle avoue ne pas s’être doutée de ce qui allait leur arriver : « On a été dans les premiers de notre groupe d’amis à être en retraite. Et puis je pensais que ça allait juste être notre vie de d’habitude en mieux, avec des grasses matinées de temps en temps et plus de temps ensemble. Mais en fait, après une vie à vivre chacun de notre côté, même si on se retrouvait le soir, on ne se connaissait pas vraiment. »

« Je n’avais aucune envie de divorcer et je crois que lui non plus », Suzanne

Le couple enchaîne les disputes : « On se marchait sur les pieds et on s’agaçait. Il ne savait pas où étaient les choses dans la maison et ne savait pas quoi faire pour me soulager. On a fini par se parler comme des chiens et dormir séparés. J’ai eu peur qu’on se quitte alors j’ai proposé qu’on se mette à voir un psy ensemble. C’est ma fille aînée qui a cherché sur internet et qui m’a donné une liste. J’ai choisi celui qui avait répondu au téléphone directement et qui avait de la place pas trop tard. »

Suzanne peine à convaincre son mari mais leurs filles trouvent les mots pour l’inciter à faire cet effort : « Je n’avais aucune envie de divorcer et je crois que lui non plus. Mais on était incapables de se parler sans s’énerver. Ce sont les filles qui nous ont aidés. Elles ont parlé à leur père en leur disant qu’elles lui en voudraient s’il ne faisait pas tout pour sauver son mariage. On y est allé dans deux voitures séparées. Parce que c’était plus pratique, je devais faire des courses et lui venait d’un entraînement de son club, mais c’était symptomatique. Ça nous a fait du bien tout de suite de parler. Le psy a compris immédiatement pourquoi on venait. »

« On a oublié d’être des amoureux », Suzanne

Suzanne est sous le choc : « Je ne pensais pas qu’on pouvait faire sa vie avec quelqu’un sans la faire vraiment. En réalité, il me voyait moins que ses collègues. On était proches mais un peu comme deux personnes qui doivent gérer des choses ensemble. Et on a oublié d’être des amoureux. Depuis, j’ai pu voir que c’était le cas dans beaucoup d’autres couples autour de nous. Certains se retrouvent et sont très heureux au moment de la retraite et pour d’autres c’est la douche froide et ils se séparent. On a failli se séparer. Je suis heureuse qu’on ait trouvé la bonne personne pour nous accompagner. On le voyait toutes les deux semaines et on avait des devoirs à faire à la maison. Principalement des listes de choses qu’on avait envie de faire ensemble ou des choses qu’on avait été heureux de faire ensemble. De notre côté, on s’est re-séduit. Il m’a invitée au restaurant, je lui ai appris à faire les gestes du quotidien. On a fini par s’aimer à nouveau. »

« J’ai eu l’impression d’être un étranger chez moi », Jean

Jean a toujours été un homme actif : « Je crois qu’il y a eu plusieurs facteurs dans notre crise. D’abord, j’ai eu du mal à accepter que j’étais devenu retraité. J’ai eu de la chance de partir jeune par rapport à d’autres mais ça a été dur d’arrêter. Ça m’a mis un coup au moral. Je n’ai aussi pas supporté d’avoir l’impression d’être empoté à la maison. De ne pas être à l’aise avec la machine à laver ou de ne pas trouver certaines choses dans les placards. J’ai eu l’impression d’être un étranger chez moi. On a fini par se parler mal avec Suzanne alors qu’il n’y avait pas de raison. Et ça a escaladé. Je me suis senti diminué en général et je me suis mis à être méchant. Ça ne me ressemble pas mais c’est comme ça. »

Il remercie ses filles de l’avoir poussé à la thérapie : « Mes filles, c’est tout ce que j’ai. Je ne me suis pas occupé d’elles comme elles le méritaient mais je fais tout pour me rattraper maintenant. Quand elles m’ont dit qu’elles m’en voudraient de ne pas faire d’effort, je n’ai pas réfléchi. Au début je l’ai fait pour elles et puis j’ai vite compris qu’il était question de Suzanne et de moi. Elles ont bien fait de me pousser. J’aurais été malheureux si j’avais divorcé de Suzanne. Et elle ne mérite pas qu’on la fasse souffrir. Mes filles sont malignes, je l’ai toujours dit. »

« Je trouvais les exercices stupides, je me sentais con », Jean

La thérapie est une étape douloureuse pour Jean mais il s’accroche : « Ça a été difficile pour moi de parler de mon couple et de mes sentiments devant un psy. Même de voir un psy tout court. Ce ne sont pas des choses qui se font chez moi. Je trouvais les exercices stupides, je me sentais con. Mais je savais que c’était la bonne chose à faire et quand je m’engage dans quelque chose, j’y vais à fond. J’ai eu mille fois l’envie de tout arrêter mais c’est Suzanne et mes filles qui m’ont donné envie de continuer. »

« On a tous les deux appris à dire merci à l’autre », Jean

Depuis, Jean est un homme heureux : « Je ne dis pas qu’on n’a pas quelques brouilles de temps en temps mais avec Suzanne on a trouvé un équilibre dans notre vie quotidienne. C’est difficile de réaliser qu’on n’a pas été très présent, que ramener de l’argent pour faire vivre la famille ne suffit pas. J’ai eu l’impression de tout donner à un moment et Suzanne aussi de son côté. On a tous les deux appris à dire merci à l’autre. On avait besoin de ça. »

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page