Santé

Vacances : comment supporter les enfants des autres ?

Ah, l’été !… Le soleil, la mer, les glaces à l’italienne, les apéros jusqu’à pas d’heure… et les enfants des autres ! Ceux des copains, avec qui on est partis en vacances, le gamin de notre cousine venue pour le week-end, les rejetons des amis britanniques rencontrés à la plage, la marmaille du camping qui se retrouve pour jouer devant notre tente… Sans oublier, bien sûr, dans le cadre d’une famille recomposée, les ados de notre conjoint, que l’on voit parfois peu pendant l’année, mais que l’on fréquente beaucoup plus intensément pendant la période estivale…

Ah, tous ces enfants ! Comme ils sont marrants et comme ils sont étonnants. C’est toujours une surprise d’être face à tous ces jeunes êtres qu’on ne connaît pas. On les trouve sympathiques, rigolos, charmants, pleins de talent… Ou bien fatigants, pénibles, accros aux écrans, mal élevés… On ne sait pas toujours très bien comment s’y prendre. Faut-il intervenir quand leur comportement nous déplaît ? Faut-il les ignorer ? Souvent, on compare leur attitude à celle de nos gamins. Et on s’interroge sur nos principes éducatifs…Pour y voir plus clair, nous avons établi une petite typologie et demandé l’avis de deux spécialistes, Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne, autrice de « La Guérison émotionnelle » (éd. Odile Jacob), et Stéphane Clerget, pédopsychiatre, auteur de « L’Intelligence spirituelle de votre enfant » (éd. Leduc).

L’enfant ACCRO AUX ÉCRANS

La situation — Antonin, 13 ans, le fils de vos meilleurs amis, passe tout son temps – au petit dej, à la plage, à l’apéro – devant les écrans : téléphone, Nintendo Switch, ordi… Un vrai stakhanoviste ! Ce qui ne manque pas de vous gêner, vous qui passez votre année – et l’été – à empêcher votre propre fils de 12 ans d’en faire autant… Lequel souhaite évidemment imiter son camarade tentateur. Délicate situation : faut-il en parler aux parents ? Décider d’une politique commune pour restreindre les écrans ? Essayer de morigéner l’enfant en douceur, en cachette de ses « darons » ?

Le conseil des psys — « Je ne crois pas qu’il faille en parler aux parents, explique Jeanne Siaud-Facchin. Après tout, chacun élève ses enfants comme il veut. On n’est pas dans un tribunal éducatif ! En revanche, il ne faut pas hésiter à rester ferme face à son enfant et à conserver ses principes éducatifs concernant les écrans ou d’autres domaines. Lui dire : “Je comprends que tu sois frustré, mais c’est la manière dont nous faisons les choses dans la famille…“» Stéphane Clerget confirme : « Cela peut donner un exemple à suivre aux autres parents. Souvent ceux-ci n’ont pas réussi à mettre des limites et ils peuvent avoir envie de le faire en nous voyant. Sinon, on peut aussi se montrer plus flexible. Après tout, ce sont les vacances… »

L’enfant QUI LIT TOUT LE TEMPS

La situation — Valentine, 9 ans, la fille de votre meilleure amie, venue vous voir pour le week-end, est une enfant étonnante. Elle a toujours le nez plongé dans un livre. À 9 ans, en CM1, elle a déjà dévoré quatre fois les Harry Potter, elle vient de terminer « Les Trois Mousquetaires » et s’attaque à la comtesse de Ségur. Un spectacle ravissant, mais qui vous file aussi un coup de spleen quand on sait à quel point vous avez du mal à faire lire votre propre fille (elle a mis six mois à lire le roman « Garin Trousseboeuf » chez Folio Junior écrit en gros caractères et recommandé par la prof d’histoire-géo). Vous ressentez de l’envie, de la jalousie… 

Le conseil des psys — « Évitez d’établir une comparaison entre les enfants, lance Stéphane Clerget. Ce serait une erreur. Dire : “Tu devrais faire comme elle”, c’est le meilleur moyen de dévaloriser votre progéniture et de détruire leur amitié. À la limite, on peut féliciter la jeune lectrice pour son comportement, mais alors on pensera à féliciter la nôtre pour d’autres choses, afin d’éviter la jalousie. En outre, en général, les enfants se complètent : l’enfant lecteur, sage, posé aime notre enfant car il est plus volubile, plus démonstratif, plus inventif. » « Un enfant qui lit n’est pas forcément la panacée, ajoute Jeanne Siaud-Facchin. De manière stéréotypée, on se dit qu’il sera forcément mieux éduqué, plus épanoui, plus intelligent, pourtant certains enfants se réfugient dans la lecture parce qu’ils ont des difficultés à communiquer avec les autres. Attention au poison de la comparaison ! Les comparaisons que nous établissons ne sont pas révélatrices des “problèmes“ de notre enfant, mais plutôt de nos propres peurs et, a priori, de notre angoisse de mal faire. »

L’enfant QUI NOUS PREND DE HAUT

La situation — Charlène et Quentin sont un couple délicieux. C’est un vrai plaisir de les accueillir en vacances. Ce n’est hélas pas le cas de Morgane, leur fille de 10 ans. Cette gamine mutique vous regarde d’un air méprisant et semble toujours vous juger. Malaise. Vous avez beau vous forcer, vous la trouvez foncièrement antipathique. Est-ce grave, docteur ? Faut-il aimer les enfants des autres ?

Le conseil des psys — « En tant qu’adulte, on doit essayer de contrôler ses  sentiments négatifs, ne pas être dans un rapport trop affectif. Et tenter d’entrer en contact avec un enfant difficile. Il ne faut pas oublier qu’un enfant désagréable est souvent en souffrance. Il ne va pas bien », souligne Stéphane Clerget. « Son comportement hostile n’est pas dirigé contre vous, rappelle Jeanne Siaud- Facchin. Essayer de l’apprivoiser peut se révéler un défi intéressant. Et si on y parvient, c’est une expérience enrichissante ! Cette démarche est vraie aussi avec les adultes. Dans la vie, il est toujours utile de changer son regard, de modifier son point de vue et de dépasser ses préjugés. »

L’ado DE NOTRE CONJOINT

La situation — Habituellement, pendant l’année, vous voyez assez peu Lila, la fille adolescente de votre compagnon (elle habite chez sa mère). Mais, au mois d’août, vous allez pouvoir en profiter pendant trois semaines. Tout se passerait bien si elle ne mettait un point d’honneur à ne jamais écouter ce que vous dites, à ignorer ce que vous proposez. Comment vous faire entendre ?

Le conseil des psys — « Dans le cas des familles recomposées, la situation est assez simple, répond Stéphane Clerget. En tant que beau-parent, soit vous avez une délégation complète de l’autorité du parent biologique et vous pouvez intervenir. Vous pourrez dire, par exemple : “Ton père a décidé que tu n’as pas le droit de rentrer après minuit.” Soit vous n’avez pas cette délégation, vous restez en retrait, et n’exercez votre autorité que sur votre propre enfant. »

L’enfant HORS DE CONTRÔLE

La situation — Jean, 14 ans, a une influence détestable sur votre fils. Il fait tout le temps le con à table, il gâche les apéros, il glousse, chuchote à l’oreille de votre rejeton, n’aide  pas à débarrasser, parle mal aux adultes, semble se moquer de tout le monde. Ses parents ont l’air débordés et vous regardent d’un air gêné, honteux d’avoir enfanté un tel fléau… Que faire ? Se substituer à eux ? Tenter de reprendre en main l’impudent marmot ? Faire intervenir Gérald Darmanin ?

Le conseil des psys — « Il me semble qu’il faut en parler aux parents, mais d’abord pour leur apporter notre soutien ! propose Jeanne Siaud-Facchin. Il ne s’agit pas de les stigmatiser, mais plutôt de faire preuve de compassion. Leur dire : “Ça doit être dur pour vous, je voulais en discuter avec vous…“ Car leur situation est compliquée. Souvent, ils se sentent coupables, honteux. » « Il ne faut pas hésiter à intervenir et à interpeller un enfant difficile, ajoute Stéphane Clerget. Les adultes devraient se sentir un peu responsables de l’éducation de tous les enfants qui sont autour d’eux. On s’autorisait beaucoup plus cela autrefois. Malheureusement, aujourd’hui, on se l’interdit, car de nombreux parents ne supportent plus que d’autres adultes interviennent… »

L’enfant ULTRA-GENTIL ET BIEN ÉLEVÉ

La situation — Ilyès est l’un des gamins les plus sympathiques que vous ayez jamais rencontrés. Doux, ouvert, drôle, bien élevé, à l’aise avec les adultes… D’ailleurs, il est si cool que vous aimeriez bien que votre fils, cette tête de pioche insolente – qui par ailleurs s’entend bien avec lui –, en prenne de la graine. Mais peut-on donner un enfant en exemple à un autre enfant ? Cela peut-il s’avérer fructueux ou est-ce totalement néfaste ? 

Le conseil des psys — « Ériger un gamin en modèle n’est jamais une bonne chose !, rappelle Jeanne Siaud-Facchin. C’est la meilleure manière de créer un malaise chez le vôtre. Mais, parfois, en tant que parent, il est légitime d’éprouver un sentiment d’admiration. À la limite, on peut en parler à son enfant : “Tu sais, c’est un peu bête, puéril, mais, à mes yeux, Ilyès a des allures de rejeton idéal. Qu’est-ce que tu en penses ?“ Ça peut être l’occasion d’échanges intéressants. » « Le fait que votre enfant se lie d’amitié avec un garçon “parfait“ prouve, mine de rien, qu’il écoute vos injonctions et qu’il espère, à son contact, devenir un peu comme lui, précise Stéphane Clerget. Et puis évitons de nous faire des films : l’enfant souriant, bien élevé peut très bien tricher en classe, mentir à ses parents ou faire des coups en douce… N’idéalisons pasl’enfant des autres ! »

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